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Éditorial
19 novembre 2015 14 h 12

DU PAIN SUR LA PLANCHE

Gilles Gagné

Éditorialiste

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Le dernier député fédéral représentant une partie de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine au sein d’un gouvernement fut Georges Farrah, et il est loin de s’être distingué, même s’il était expérimenté, à un autre niveau de gouvernement, puisqu’il avait passé 13 ans à l’Assemblée nationale. Son mandat à Ottawa, entre 2000 et 2004, a été marqué par ses absences et par sa déconnexion récurrente vis-à-vis les enjeux régionaux.

Diane Lebouthillier et Rémi Massé sont des novices en politique fédérale. Cette verdeur les incitera sans doute à tenir moins de choses pour acquises.

Toutefois, bien des pièges les guettent. Ils sont membres d’un caucus de 184 députés libéraux. C’est beaucoup de monde à satisfaire. Nommée ministre du Revenu national le 4 novembre, Diane Lebouthillier aura la chance de s’exprimer plus souvent, par sa présence au cabinet.

Par contre, elle en aura plein les bras en début de mandat pour se familiariser avec son ministère, quoiqu’il soit hautement subordonné au ministère des Finances, sans compter la lourdeur des déplacements entre Ottawa et sa région, puis l’apprentissage de l’anglais, auquel elle s’est engagée.

Elle doit aussi réaliser qu’elle a été davantage portée par la vague libérale qu’elle y a contribué. Bien qu’elle ait fait une vigoureuse campagne, elle aurait tort de penser que l’électorat a d’abord voté pour ses engagements. Comme dans bien d’autres circonscriptions, l’électorat de Gaspésie−Îles-de-la-Madeleine a largement opté pour le parti susceptible de mettre fin au règne conservateur, dont le support populaire, faut-il le rappeler, s’est établi à 6,1 % dans la péninsule.

Elle a bien tâté le pouls des électeurs dans le dossier de l’assurance-emploi, un régime abusif dans les régions où il y a une forte proportion de travail saisonnier. Elle s’est engagée à réduire le nombre d’heures requises afin de se qualifier et de couper de deux à une semaine le temps d’attente avant de toucher des prestations.

Mme Lebouthillier, si elle ne l’a pas déjà fait, devra par contre réviser ses autres priorités régionales.

En transport, elle avait amorcé sa campagne en statuant que dans son échelle, « c’était l’autobus avant l’avion, et l’avion avant le train ».

Elle avait le droit de penser ainsi, mais maintenant qu’elle est élue, elle a le devoir d’aligner son action sur la réalité la plus pratique. Tout le monde veut que le service d’autocars Orléans Express s’améliore et revienne à deux allers-retours par jour, des deux côtés de la péninsule. Toutefois, la méthode pour que le gouvernement fédéral appuie le gouvernement québécois et Orléans Express afin de rehausser le service d’autocars reste à trouver, surtout que Québec semble se satisfaire du niveau actuel de desserte, à en croire les ministres Jean D’Amour et Robert Poëti.

Diane Lebouthillier peut bien promettre qu’elle travaillera à la réduction du prix des billets d’avion, mais cela exigera une révolution, et beaucoup de temps.

Or, après 25 ans de compressions fédérales, les Gaspésiens sont pressés. La façon la plus pratique, en sus des services d’autocars, de satisfaire les besoins de transport de la population, c’est de prendre les mesures pour ramener Via Rail à Gaspé, et sur une base quotidienne, comme si on faisait partie d’un pays normal, en 2015.

Utopie? Pas si les gouvernements, tant au fédéral qu’au provincial, travaillent ensemble, ce qui n’est pas acquis. Transports Québec possède maintenant le tronçon Matapédia-Gaspé et sa mise à niveau pourrait coûter environ 100 M$. Considérant l’importance de l’enjeu, pour les passagers et pour les marchandises, la négligence des dernières années et l’imminence d’un important programme d’infrastructures venant d’Ottawa, c’est faisable.

Les déplacements entre la péninsule, Québec et Montréal prennent entre cinq et dix heures, parfois plus. Tout le monde n’est pas prêt à le faire en autobus, de nuit en plus, quand il s’agit de revenir ici. En ce sens, le train est vital.

Les quais, de pêche et commerciaux, prendront aussi beaucoup de place dans l’agenda de Diane Lebouthillier et de Rémi Massé. Si Justin Trudeau est aussi innovateur qu’il le dit, il serait temps que le gouvernement fédéral mette tout simplement fin au processus de transfert de propriété des quais vers les communautés. Ces infrastructures représentent un fardeau financier trop élevé. Il est temps que l’État reprenne en main ses responsabilités et qu’il répare ses quais et ses ports.

Les deux députés devront aussi aiguiser leurs réflexes environnementaux s’ils veulent mener la parade au lieu de la suivre. Cette remarque s’applique toutefois à tout le Parti libéral du Canada, qui reste vague sur certains enjeux, par exemple le transport du pétrole albertain vers le Québec et le Nouveau-Brunswick, question qui touche la Gaspésie.

Le ton de M. Trudeau, depuis le 19 octobre, allège l’atmosphère dans tout le pays. Il lui reste maintenant, de même qu’à son équipe, à livrer ses promesses.

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