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14 décembre 2018 14 h 15

900 travailleurs formés en 2018

GRANDE-RIVIÈRE, décembre 2018 – Près de 900 travailleurs touchés par les mesures de protection de la baleine noire ont reçu des formations l’été dernier au coût de 3,4 millions de dollars. Certains pourraient-ils donner un coup de main en tourisme, un secteur qui manque d’employés? Retour sur une saison spéciale dans les pêches, qui pourrait bien se répéter.

Yvan Blais, de Saint-François-de-Pabos, a vécu une année 2018 mouvementée. Il travaillait à l’usine du Marché Blais, à Pabos, spécialisée dans la transformation du crabe, quand elle a flambé le 2 avril. Il s’est trouvé un autre emploi chez Poisson salé gaspésien, à Grande-Rivière, qui traite le homard. Nouvelle tuile à la mi-juin : la pêche au homard a fermé de Percé à Gascons, une mesure de protection de la baleine noire. Avec 10 semaines de travail au compteur, M. Blais ne se qualifiait pas à l’assurance-emploi.

Pendant cinq semaines, du début juillet au 10 août, l’homme de 54 ans a donc suivi des formations en salubrité, en anglais et en informatique. Pourtant habitué à des semaines de 70 heures, debout dans le froid et l’humidité, M. Blais n’a pas trouvé l’école de tout repos. « Il faisait chaud, il n’y avait pas de climatisation. C’est pas tout le monde, dans la cinquantaine, qui va aller suivre des cours à la journée longue. »

Il s’agissait quand même d’une « belle expérience », estime M. Blais. « Ça a rallumé notre cerveau. Personne ne prenait ça pour du niaisage. La plupart voulait apprendre. »
Un total de 889 personnes, dont 785 travailleurs d’usine et 104 aides-pêcheurs, a reçu des formations. Les 3,4 millions de dollars nécessaires ont été défrayés par l’Entente Canada-Québec pour aider les travailleurs saisonniers aux prises avec le trou noir de l’assurance-emploi, une période sans salaire ni prestations.

« À l’école à rien faire »?
Sur les médias sociaux, des gens ont questionné la pertinence d’envoyer des travailleurs « à l’école à rien faire » alors que l’industrie touristique manque de main-d’œuvre.
Ce type de commentaire irrite Kim Poirier, qui a enseigné l’anglais à ces travailleurs cet été. D’abord parce que ses élèves ne se sont pas tournés les pouces. « Ils étaient à l’heure, engagés, motivés », dit-elle.

Et aussi parce qu’il n’est pas si simple de s’adapter à un nouvel emploi, rappelle Mme Poirier. « Si ça fait 30 ans que tu es dans la transformation du homard, tu ne peux pas te revirer de bord et devenir serveur dans un resto […]. Et si tout le monde s’était trouvé autre chose, qui aurait fait les jobs d’usine ensuite? »

Parmi les élèves de Mme Poirier, certains n’avaient pas 20 ans et le plus âgé en avait 73. Des travailleurs avaient complété leur secondaire alors que d’autres ne savaient ni lire ni écrire. Mais « tout le monde s’est amélioré comme être humain », observe Mme Poirier. Les enseignants en ont aussi profité pour inciter les plus jeunes à retourner aux études.

« C’est facile de dire : oui, on aurait pu les mettre dans un resto ou un hôtel. Mais de prendre quelqu’un sans expérience, je ne suis pas sûr que ça aurait été la meilleure solution. Et avaient-ils le temps d’entraîner ces gens? »,  se demande le président de l’Office du tourisme de Rocher-Percé, Steve Lafontaine.

Polyvalence
« Dans l’avenir, il faut travailler sur la polyvalence de la main-d’œuvre », estime quant à lui Ken Cahill, propriétaire des hôtels Fleur de Lys et Panorama à Percé. Deux de ses préposées aux chambres l’été sont aussi des employées de Poisson salé gaspésien au printemps et à l’automne. « Dans la transformation du homard, il y a une pause vers le 10 juillet, qui correspond à ma haute saison. Et ce sont des gens habitués à travailler dur, de longues heures. » La transformation du homard importé reprend en octobre, quand les touristes se font plus rares.

L’emploi en tourisme est souvent vu comme un domaine crève-faim, une perception à changer, juge M. Cahill. « Personne ne travaille au salaire minimum dans mon commerce », insiste-t-il. Ses préposés gagnent 15 $ l’heure et passent à temps et demi après 40 heures.

M. Cahill croit qu’un meilleur maillage entre le tourisme et les pêches est possible. « Il faut aller avec le bon vouloir des gens et combattre la résistance au changement. »

Chez Emploi-Québec, on n’en est pas à faire des scénarios en vue de 2019. « C’est très embryonnaire. C’était un projet-pilote et on est dans la phase d’évaluer les résultats », indique Marie-Pierre Raymond, adjointe à la direction régionale.