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Culture
11 juin 2021 15 h 46

Des mots, des notes et des images; partie 1/5

L’équipe de GRAFFICI a reçu de très nombreux messages positifs à la suite de la publication de nos dossiers spéciaux portant sur les dernières sorties littéraires (novembre) et musicales (février). Afin d’offrir un tour d’horizon plus exhaustif et fréquent des oeuvres réalisées par les artistes de notre région, nous avons décidé de créer cette nouvelle section intitulée Des mots, des notes et des images. Cette dernière fera dorénavant partie de chacune de nos parutions et permettra à nos lecteurs de prendre connaissance des nouveautés culturelles gaspésiennes à ne pas manquer. Bonne lecture!

Une invitation

Marius Jomphe

GASPÉ | Sise au coeur de la pointe Saint-Pierre, entre Gaspé et Percé, la maison LeGros se dévoile de manière inédite dans Une invitation, premier opus de Marius Jomphe. Présenté lors de la dernière édition du Festival Vues sur mer, le court-métrage brouille les frontières du temps, évoquant un perpétuel va-et-vient entre le présent et le passé de ce bâtiment de style victorien laissé à l’abandon depuis plus de 60 ans.

« C’est une fiction autour du thème de la présence », soutient l’ex-professeur en arts au Cégep de la Gaspésie et des Îles. La présence se ressent effectivement à travers les objets du quotidien toujours sur place et révélés par le réalisateur dans une succession de clichés. De la vaisselle, des livres, des cadres aux murs, des vêtements accrochés à des supports. Peut-être encore davantage, ce sont les couleurs étrangement éclatantes des papiers peints et autres accessoires qui, de prime abord, détonnent avec l’image anticipée de la maison abandonnée.

« Comme c’est un film réalisé uniquement à l’aide de photographies fixes, c’est extrêmement lent, il n’y a pas de voix off [hors champ], seulement deux phrases, indique Marius Jomphe. Et chacun se fait sa propre histoire. »

Un projet d’abord personnel…et photographique

Marius Jomphe est un photographe rompu aux scènes de paysages. C’est au moment où il produit le livre photographique Bruine : la Pointe de la Gaspésie, qu’arrive par hasard l’opportunité de photographier l’intérieur
la maison LeGros, projet qu’il nourrit depuis un certain temps. L’organisme Conservation de la nature Canada, propriétaire de la pointe Saint-Pierre et du bâtiment, lui donne l’autorisation d’y entrer. « Je m’étais donné des conditions de façon à ce que ça fonctionne bien, expose M. Jomphe. Par exemple, je rentrais seulement dans la maison fin mai, juin et un peu en juillet, au lever du soleil. J’ai dû passer une cinquantaine d’heures dans la
maison. »

Au fil de l’exploration des lieux, l’idée de transformer son travail en expérience cinématographique germe en lui. « J’ai réalisé que pour vraiment faire sentir cette présence-là, pour faire vivre ce mystère-là à des personnes, il fallait le temps, donc ça prenait un public captif, ce que permet le cinéma », explique l’homme qui réside à Gaspé.

Marius Jomphe évacue ainsi l’espace et le temps libres de l’exposition pour investir les délimitations imposées par le film. Pour la première fois en tant qu’artiste, il s’entoure d’abord de Duane Cabot, qui opère le montage, puis de son neveu Olivier Jomphe, qui conçoit la bande sonore.


L’intérieur de la maison LeGros, située sur la pointe Saint-Pierre. Photo : Marius Jomphe

Un canot dans la neige

Éli Laliberté

CASCAPÉDIA−SAINT-JULES | La scène a quelque chose d’angoissant et d’euphorisant à la fois. Au milieu de nulle part, sous une température glaciale, le train Tshiuetin dépose un homme qui traîne sous le bras l’essentiel de sa vie. « Quand on débarque du train, on ne contrôle plus rien, c’est la nature qui décide pour nous autres, dit-il. Tu reviens dans l’essence même de l’être humain ». Chaque hiver depuis 10 ans, Clément Lévesque adopte les manières de l’ermite, trappant et chassant aux abords d’un campement planté au coeur de la forêt, à 200 km au nord de Sept-Îles. De cette escapade en périphérie de la modernité, Éli Laliberté tirera Un canot dans la neige, film primé lors du dernier Festival Vues sur mer, à Gaspé.

« Ça fait 30 ans que je fais ça, mais je fais ma petite affaire dans le fond des bois à Cascapédia– Saint-Jules, c’est le fun de se reconnaître entre nous aussi », expose le réalisateur, récipiendaire du Prix Gaspésien. La distinction récompense le meilleur documentaire fait par un cinéaste gaspésien dont le thème aborde des enjeux de la région ou de la ruralité.

Ainsi, pendant une quinzaine de jours, le cinéaste originaire de la Baie-des-Chaleurs suivra à la trace un homme en quête de simplicité et animé du rêve de vivre en forêt. L’un des défis sera d’établir une relation de confiance avec Clément Lévesque. « Particulièrement pour un film comme ça, où je veux tout simplement entendre les profondeurs de l’âme de ce gars-là à travers son quotidien tout simple, le défi c’est qu’il ait le goût de partager son intimité avec toi », observe-t-il.


Clément Lévesque, dans son campement en forêt boréale. Photo : Offerte par Éli Laliberté

Un film remodelé

C’est alors qu’il travaille sur un court-métrage à propos du train Tshiuetin, qui relie Sept-Îles à Schefferville et Kawawachikamach, que le cinéaste fait la rencontre de ce coureur des bois des temps modernes. Ce dernier s’apprête à rejoindre son campement de la forêt boréale. Un séjour de deux, peut-être trois mois. Les deux hommes finissent par fixer une rencontre à Cap-Saint-Ignace, où réside normalement Clément. Celui-ci accepte que soit racontée son expérience nordique. « L’idée de départ, c’était de mettre en parallèle la vie d’un Canadien français, d’un Québécois, avec celle d’un Innu sur un même territoire, mais sans jamais se croiser, expose Éli Laliberté. Finalement, à cause de la COVID-19 [il sortait de la forêt avec Clément quand le premier confinement a été décrété] j’ai décidé de faire un film juste avec Clément et de terminer le film entier plus tard. »

De fait, Un canot dans la neige constitue un film dans son entièreté. Il a été vendu en Suède, et la compagnie aérienne Air France le diffusera sur l’ensemble de ses vols. Il est également possible de le visionner sur le site Internet de la chaîne télévisuelle Unis. « Le petit film à moitié de tournage fait son petit bonhomme de chemin », songe Éli Laliberté.


Le cinéaste Éli Laliberté. Photo : Offerte par Éli Laliberté

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