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3 juillet 2025 10 h 56

Des mots, des notes et des images ; Suzanne Guité,

Un nouvel hommage à fleur d’art pour Suzanne Guité, signé Sylvain Rivière

PERCÉ | L’auteur originaire de Carleton-sur-Mer Sylvain Rivière, infatigable arpenteur de la mémoire gaspésienne, poursuit son patient travail d’exploration du legs artistique de Suzanne Guité avec la parution d’un nouveau livre-hommage richement illustré, Suzanne Guité À fleur de pensées. Véritable florilège d’aquarelles inédites, le recueil dévoile une facette méconnue de l’artiste disparue tragiquement en 1981, surtout reconnue pour ses sculptures. Dans cet ouvrage conçu comme un album méditatif, on retrouve une soixantaine de peintures florales délicates, longtemps restées à l’abri des regards, accompagnées de pensées, réflexions personnelles et témoignages intimes de l’artiste.

À la suite de son ouvrage paru l’an dernier Suzanne Guité : De la montagne à la mer, entre l’arbre et la pierre – qui a pourtant demandé quatre années de travail – Sylvain Rivière n’avait pas envie de tourner la page au long chapitre consacré à la sculptrice originaire de New Richmond. Si le dernier volumineux ouvrage de 485 pages publié en juin 2024 permet de lever le voile sur l’artiste et l’être humain qu’était Suzanne Guité grâce à une correspondance titanesque au coeur du bouquin, ce nouveau livre capture l’ampleur du talent de l’artiste. « Mon aquarelle est un souffle, ma sculpture est un cri », disait-elle.

En effet, le public la connaît surtout comme grande figure de l’art gaspésien moderne grâce à ses sculptures et en tant que cofondatrice, avec Alberto Tommi, du Centre d’art de Percé en 1956 dans la vieille grange abandonnée Charles-Robin. On lui associe volontiers des oeuvres monumentales, façonnées dans le bois ou le granit, dont la plupart figurent au Musée de la Gaspésie ; et on oublie ses aquarelles, ce que Sylvain Rivière voulait mettre en lumière.

« Je trouve ça injuste parce que son oeuvre picturale, ses tapisseries, ses aquarelles et ses grandes murales sont magnifiques. Je me suis dit qu’il fallait mettre cet aspect de son travail de l’avant », exprime-t-il. Selon lui, son histoire si riche reste assez méconnue et mérite d’être racontée et découverte par les générations futures.


L’auteur Sylvain Rivière accompagné de Marie-Josée Tommi, la fille de Suzanne Guité. Photo : Culture Gaspésie

Une artiste enracinée, toujours habitée par la Gaspésie

Ainsi, Suzanne Guité À fleur de pensées dépasse le simple catalogue. Il offre un accès direct à l’intériorité d’une artiste, à travers ses propres mots, ses doutes et ses émerveillements. Surtout, on y découvre une Guité profondément amoureuse de sa terre natale.

Sylvain Rivière admire cette fierté très chère à l’artiste, elle qui a toujours voué un amour inconditionnel pour ses racines, y puisant la meilleure inspiration. Elle s’y sentait « transplantée aux confins de l’univers », peut-on lire dans le bouquin, ajoutant que c’est seulement en Gaspésie qu’elle pouvait donner la meilleure part de sa création. « Elle est restée résolument gaspésienne bien qu’elle ait sillonné le monde – Chicago, Mexico, Venise – et étudié dans des écoles prestigieuses telles qu’à l’Académie des beaux-arts de Florence où elle a rencontré son premier mari Alberto Tommi, avant de revenir se rétablir à Percé », explique-t-il.

Aussi dans l’ouvrage, on réussit à saisir le rapport de l’artiste face à l’intimité et la création, car tout en poursuivant une pratique artistique exigeante et en conservant son titre de gestionnaire du Centre d’art, elle n’a jamais renié son rôle de mère d’élever ses quatre enfants. « Ses créations florales semblaient être pour Suzanne des moments de détente après des mois passés à sculpter le bois et la pierre dans les froids percéens », souligne dans la préface sa fille Marie-Josée Tommi qui a contribué à l’élaboration du livre en sortant des voûtes près de 400 diapositives sur lesquelles étaient conservées la plupart des aquarelles florales de sa mère.

« Marie-Josée a toujours été présente pour honorer la mémoire de sa mère et la garder bien vivante. Dès que quelqu’un s’intéresse à Suzanne, Marie-Josée s’est toujours montrée disponible et généreuse pour aider les recherches à son sujet. C’est pour ça que je suis super content qu’elle signe la préface de mon livre », mentionne Sylvain Rivière, très reconnaissant. Cette préface se veut un texte émouvant qui revient sur les étés passés à cueillir les fleurs que sa mère transformerait en aquarelles, dans le champ derrière le Centre d’art. « Être fleuriste en herbe me motivait », écrit-elle, rappelant ces instants suspendus où elles partageaient le silence, chacune concentrée dans ses gestes.

La puissance de Suzanne Guité toujours aussi fascinante

Sylvain Rivière n’est pas le seul à creuser la vie et le travail de l’artiste gaspésienne qui semble éveiller une certaine fascination auprès des artistes de la région, reconnaît-il. La compositrice et musicienne de Petite-Vallée Mathilde Côté a par ailleurs composé une oeuvre musicale et théâtrale nommée Suzanne Guité, théâtre musical contemporain ; une performance « célébrant un être plus grand que nature, brillante, passionnée, amoureuse, et complexe », témoignait-elle.

Dans les dernières pages du livre, plusieurs voix s’élèvent pour saluer son legs. On y retrouve des textes de Denise Boucher, Françoise Bujold, Gaston Miron, Pauline Julien, Georges Dor, tous touchés par la force tranquille de l’artiste. Miron écrit : « Votre présence a été une gravitation. Elle a un poids qui poursuit sa révolution ».

Sylvain Rivière, avec d’autres admirateurs de Suzanne, a même présenté un projet auprès du gouvernement canadien pour créer un timbre à son effigie ou encore que son nom figure aux côtés de Joseph-Fortin (coureur des bois et guide de montagne) et James Richardson (géologue explorateur de la péninsule de la Gaspésie) dans les monts Chic-Chocs. « Elle le mériterait amplement. En plus, elle y allait souvent pendant des jours pour aller chercher ses pierres pour ses sculptures. Il n’y en a pas eu beaucoup des femmes aussi visionnaires qu’elle. Dans les Chic-Chocs, on retrouve seulement une femme : l’écrivaine Blanche-Lamontagne », souligne l’auteur.

Le livre, publié aux Éditions du Tullinois, paraît à un moment opportun alors que le centenaire de la naissance de l’artiste née en 1927 approche. Le lancement du livre a eu lieu le 26 juin dernier au Centre d’art de Percé.