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30 avril 2019 14 h 28

Des solutions régionales pour réduire le tonnage des matières enfouies

Gilles Gagné

Journaliste

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CARLETON-SUR-MER, avril 2019-  Les foyers gaspésiens produisent entre 100 000 et 120 000 tonnes de matières résiduelles par année, si on considère qu’au Québec, chaque citoyen génère environ une tonne et demie de déchets par an, avant récupération, selon la région. Le chiffre vient de Recyc-Québec.

Des citoyens et des organismes gaspésiens intensifient depuis quelques années leurs efforts pour améliorer le bilan régional. À l’approche de 2020, une année charnière fixée par l’État québécois pour faire le point sur la situation globale, Graffici jette un coup d’œil sur des initiatives régionales qui ont amélioré et qui amélioreront significativement le bilan de la péninsule. En principe, les Québécois, Gaspésiens inclus, sont supposés soustraire à l’enfouissement 65% de leurs matières résiduelles en 2020. Ils sont à un peu moins de 50% présentement.

Récupération du verre : l’exemple du Centre de tri de Grande-Rivière

Pendant des années, la Régie intermunicipale des matières résiduelles de la Gaspésie, qui gère le Centre de tri de Grande-Rivière, devait envoyer le verre récupéré des bacs bleus à l’extérieur de la région. Elle perdait même environ 150 des 400 tonnes de verre récupéré annuellement dans le processus de tri, « des petits morceaux de verre implosé dans les bacs et dans les camions qui se retrouvaient sous les convoyeurs, et qu’on devait envoyer à l’enfouissement », précise Nathalie Drapeau, directrice du centre de tri. L’organisme a acquis une trieuse qui récupère le verre implosé.

De plus, depuis trois ans, les 250 tonnes de verre ne sont plus envoyées à l’extérieur de la région pour y être recyclées. Grâce à un projet retenu par Éco Entreprises, l’un des cinq dans tout le Québec, le centre de tri valorise 100% de ces 400 tonnes venant des bacs bleus. Le verre est utilisé comme paillis, après avoir été sommairement arrondi, et une autre partie sert d’abrasif de rue, en remplaçant le sable. « Il a un effet déglaçant optimisé, d’après les tests effectués à Grande-Rivière et Sainte-Thérèse-de-Gaspé. Il est de 0 à 10% plus performant que le sable », ajoute Mme Drapeau. « Le verre est vendu localement 10$ la tonne. En comptant l’économie de frais de transport parce qu’on ne l’envoie plus à l’extérieur de la région, à 4 000$ par voyage, on évite un coût de 70 000$ par an », dit-elle. Sur un budget annuel de 1,2 million$, ça compte. On réduit aussi les émissions de gaz à effet de serre liées au camionnage. La Régie Intermunicipale de traitement des matières résiduelles de la Gaspésie gère les matières résiduelles pour la majorité de la population de la MRC de la Côte-de-Gaspé et pour toute la MRC du Rocher-Percé.

Une plate-forme de compostage et la récupération des débris de construction  

Les Gaspésiens assisteront sous peu à la création du Centre de transformation régional des matières résiduelles de la Gaspésie. Il s’agira d’un partenariat entre une entreprise privée, Exploitation Jaffa, de Maria, et une régie intermunicipale en voie de création. Le projet vise d’une part à valoriser 10 000 tonnes de compost, environ 5 000 tonnes venant des foyers gaspésiens et un tonnage équivalent issu des usines de transformation de produits marins. Le volume domestique viendrait des foyers des MRC de la Haute-Gaspésie, d’Avignon et de Bonaventure. Les maisons de ces MRC ne sont présentement pas dotées de bacs bruns, contrairement à celles de la MRC du Rocher-Percé et d’une majorité de foyers de la MRC de la Côte-de-Gaspé. De plus, plusieurs usines de produits marins paient pour disposer de leurs résidus organiques, comme les carapaces de crabe.

En ce qui a trait aux débris de construction, la capacité du centre s’établirait à 20 000 tonnes par an. Les débris de construction représentent présentement 10 000 tonnes en Gaspésie, de la matière transportée pêle-mêle. « Des actions ciblées, en ratissant large, permettraient d’atteindre 20 000 tonnes », précise Magalie Pouliot, directrice générale d’Exploitation Jaffa. Une grande partie de ces débris servirait à fabriquer un ou des nouveaux produits, « pas comme matériel de recouvrement au lieu d’enfouissement technique », note-t-elle, en gardant pour le moment le secret sur ces produits. Exploitation Jaffa, où travaille entre 25 et 35 personnes selon les périodes de l’année, créerait une vingtaine d’emplois dans ce développement, pendant que les économies en enfouissement et en durée de vie du lieu d’enfouissement technique, également situé à Saint-Alphonse, se chiffreraient par centaines de milliers de dollars. Le traitement de ces deux types de matières sera situé aux installations qu’Exploitation Jaffa possède à Saint-Alphonse, où se trouvait jadis l’ancienne scierie de Rexfor.

Encore des horreurs dans les bacs…

Même si la collecte sélective est en vigueur depuis deux décennies dans la plupart des MRC de la Gaspésie, et malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation portant sur ce qu’on peut mettre et sur ce qu’on doit éviter de déposer dans le bac de récupération, les travailleurs du Centre de tri de Grande-Rivière trouvent encore des horreurs le long de leur ligne de sélection des papier-carton, métal, verre et plastique. « Les couches de bébé, ça ne varie pas, on en trouve, parfois bien cachées. On trouve aussi des bestioles, comme des pattes et de la peau d’orignal. Il y a les sacs de nourriture et des vêtements, une plaie, comme des tapis. Ça se prend dans les convoyeurs, c’est vraiment nuisible. Il y a des jouets et des matériaux aussi, qui n’ont pas d’affaires là. La situation s’améliore mais un peu trop lentement. Faut-il se rendre aux contraventions? On ne veut pas en arriver là », explique Nathalie Drapeau, directrice de ce centre de tri.

Des puces qui parlent….

Depuis deux ans, les bacs de récupération et de compostage dans les commerces et chez les particuliers de la MRC du Rocher-Percé sont dotés de puces électroniques révélant de l’information utile pour la Régie intermunicipale des matières résiduelles de la Gaspésie, notamment quant à leur taux d’utilisation. « On vérifie combien de bacs ne sont jamais utilisés, ou combien de fois ils sont placés à l’envers sur la rue par leurs propriétaires. Ça nous permet de cibler nos interventions de sensibilisation », note Nathalie Drapeau.

Une autre plaie, les sacs de plastique!

S’il n’en tenait qu’à Nathalie Drapeau, les gouvernements devraient interdire les sacs de plastique dans lesquels les commerces rangent vos achats. « Les plastiques représentent 10% de ce que contiennent les bacs bleus. Les plastiques durs, de catégories 1 et 2, trouvent des marchés, mais à Montréal. Je ne comprends pas qu’on parle autant du verre (publiquement) et qu’on oublie presque les sacs de plastique, une plaie. On est obligés de les accepter mais les débouchés sont très limités », note-t-elle.

Comment améliorer le bilan régional et national?

La réduction à la source est le meilleur moyen de réduire la facture des citoyens payant les coûts associés à la collecte des matières résiduelles et à leur traitement, qu’il s’agisse des centres de tri, des centres de transbordement, des écocentres, des plates-formes de compostage et de récupération des matériaux de construction. « Les plastiques durs, c’est mieux que les autres catégories. Il faut réduire les emballages, forcer les entreprises à éviter le plastique et encourager les emballages cartonnés, quand on ne peut éviter l’emballage », souligne Nathalie Drapeau.

Les tétra-pacs, les « poches debout » aurait peu d’avenir. « Les marchés sont en rétroaction par rapport à ces matières », dit-elle. Leur recyclage reste à voir, ce qui contribuera peut-être à les faire disparaître. La styromousse est également détestée dans les centres de tri ruraux. « C’est seulement traité dans les grandes villes. Envoyer un camion là, c’est transporter de l’air ».