Dossier – Est-il éthique de garder des requins en captivité?
SAINTE-ANNE-DES-MONTS | D’où viendraient les spécimens qui nageraient dans les bassins du pavillon des requins? « Ils viendraient du Saint-Laurent, répond Mme Gauthier. Parmi eux, il y a l’aiguillat noir, qui n’est pas en voie de disparition. Mais, avant d’aller chercher des requins en mer, on lancerait un appel auprès de nos réseaux d’échanges nord-américains. »
Certains observateurs se demandent s’il est éthique de garder des requins en captivité? Le professeur en écophysiologie des poissons à l’ISMER répond par une question. « Est-ce que les gens se questionnent de la même manière pour les autres types de poisson? », demande David Deslauriers.
La pratique entourant les poissons en captivité est régulée par le Comité canadien de protection des animaux (CCPA), dont M. Deslauriers est membre. Le CCPA dicte les normes visant le respect des animaux. « Il y a des règles à suivre. La mission d’Exploramer repose sur l’éducation et la sensibilisation. Ça offrirait la possibilité aux gens de voir des requins qu’ils ne verraient pas normalement. Il y a vraiment du bon là-dedans, mais il faut que ce soit fait de la bonne manière et je suis certain qu’Exploramer suivra les règles. »
Selon le chercheur, Exploramer a aussi fait ses devoirs sur le plan scientifique. « Ils ont envoyé le vétérinaire, le Dr Stéphane Lair, et un de leur technicien en Europe, où il y a des aquariums dans lesquels on garde des aiguillats depuis plusieurs années. Ils sont allés voir comment les aquariums étaient aménagés, comment ils s’en occupent. Ils ont pu en apprendre davantage sur les problèmes associés à la captivité pour éviter de répéter certaines erreurs qui ont pu être faites par le passé. »
Dans l’éventuel pavillon des requins, M. Deslauriers serait intéressé à étudier le comportement, la biologie et l’écologie de ce gros poisson. « Il est méconnu parce qu’il vit dans des habitats très profonds. Ça aiderait à la connaissance de les avoir à portée de main. »
Une demande d’entrevue a été déposée auprès de l’Observatoire des requins du Saint-Laurent. « L’Observatoire des requins du Saint-Laurent n’est aucunement impliqué ou associé à ce projet, a fait savoir par écrit le scientifique en chef, Jeffrey Gallant. Nous ne commentons pas les dossiers qui ne sont pas directement liés à nos travaux. »
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Les requins intéressent les chercheurs
L’aiguillat est difficile à observer parce qu’il vit à de grandes profondeurs. Photo : Offerte par Exploramer
Selon Sandra Gauthier, huit espèces de requins nagent dans les eaux du Saint-Laurent et sept d’entre elles sont en péril. « Donc, c’est urgent que le Canada commence à faire de la recherche sur les requins parce que ce sont les nettoyeurs du Saint-Laurent. C’est aussi notre écosystème et notre santé en tant qu’humains qui sont en jeu. C’est le mandat d’un musée de faire de la recherche avec une expertise qui pourrait être développée ici. »
La dirigeante de l’institution muséale se dit agréablement surprise du nombre d’universités québécoises et de centres de recherche qui se sont déjà montrés intéressés par le projet. « Plutôt que d’amener les chercheurs aux requins, on amène les requins aux chercheurs. C’est aussi un potentiel économique pour Sainte-Anne-des-Monts d’amener ici des professeurs et des chercheurs avec leur famille. La Haute-Gaspésie en a réellement besoin! »
Le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique à l’UQAR-ISMER [Université du Québec à Rimouski – Institut des sciences de la mer] est enthousiaste face au projet. « C’est une bonne idée de mettre ce poisson en valeur parce que souvent, les gens ont l’impression que lorsqu’on parle du requin, c’est le requin blanc, explique Dominique Robert. Ce sont des espèces qui marquent l’imaginaire. Mais, je crois que la majorité des Québécois ne savent pas que les requins les plus abondants du Saint-Laurent sont de petits requins qui mangent du poisson et qui vivent dans les eaux de fond. »
Selon le professeur, le requin est un sujet mystérieux qui retient l’attention. « Donc, d’avoir une exposition ou des bassins qui présentent la réalité des requins du Saint-Laurent est une bonne idée. »
M. Robert indique d’ailleurs que l’UQAR soutient le projet, notamment pour étudier l’aiguillat noir, qui est la seule espèce de requin qui vit en permanence dans les eaux du Saint-Laurent. « Comme ce n’est pas une espèce d’importance commerciale, on ne connaît pas grand-chose de la biologie ou de l’écologie de ce poisson. Depuis les dernières années, il y a une augmentation de son abondance. On voit ça par les relevés du MPO [ministère des Pêches et des Océans du Canada] au chalut de fond. L’espèce semble réagir positivement aux changements climatiques; ce serait une espèce gagnante. »
Lire la première partie du dossier – Projet de pavillon des requins d’Exploramer : où est le frein?