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Économie
29 mars 2023 15 h 02

DOSSIER SÉBASTE 4/5 : COMMERCIALISATION

Gilles Gagné

Journaliste

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SAINTE-ANNE-DES-MONTS | En dépit du moratoire, le sébaste apparaît dans la liste des produits mis en valeur par Fourchette bleue, un programme qui vise la saine gestion des ressources marines du fleuve et du golfe Saint-Laurent. La raison est simple : le stock de sébaste est abondant, une bonne partie de sa biomasse a déjà atteint une taille commerciale et, dans ce contexte, il faut bien vendre le fruit des pêches exploratoires réalisées au fil des ans.

Fourchette bleue met déjà en valeur le sébaste

Dans sa mission, Fourchette bleue « encourage les consommateurs, les restaurateurs et les poissonniers du Québec à intégrer à leurs habitudes les nombreuses espèces comestibles mais méconnues du Saint-Laurent, dans une perspective de développement durable et de protection de la biodiversité ».

Sandra Gauthier, directrice d’Exploramer, l’organisme de Sainte-Anne-des-Monts ayant créé Fourchette bleue, précise que la résurgence du sébaste a incité son groupe à amorcer, il y a quelques années, le recrutement de marchés commerciaux pour commencer à développer cette espèce.

« On fait cette démarche de mise en marché avec des poissons plus petits qu’on espérait. Des restaurants font des essais avec ces petits spécimens. Mon idée, c’est de l’intégrer dans les institutions, les résidences, les hôpitaux, les CPE (Centres de la petite enfance). Ça peut devenir un marché intéressant pour ce poisson blanc, qu’il s’agisse de fish and chips, de croquettes. Si on est déçus par la taille des filets, on pourrait le défaire, comme le hacher et le présenter de cette façon », précise Sandra Gauthier.

Elle est bien ouverte à considérer une hypothèse qui fait lentement son chemin dans le secteur des pêches; la croissance lente du stock de sébaste signifie que les fortes cohortes de 2011 à 2013 ont pratiquement atteint leur taille maximale.

« Ce qui importe, ce n’est pas tant la taille commerciale que la maturité sexuelle pour assurer la pérennité de l’espèce. Nous ne sommes pas habitués de manger les petits poissons. Pourtant, ailleurs dans le monde, la consommation de petits poissons est courante, qu’on pense aux anchois ou aux sardines. Ici, les gens se sont habitués à manger des gros poissons », note Sandra Gauthier.

Fourchette bleue n’a pas besoin de permission pour placer une espèce de poisson, de crustacé ou de mollusque sur sa liste de produits à faire connaître.

« Il faut seulement s’assurer que cette pêche est légale. Notre approvisionnement vient de l’usine Cusimer de Mont-Louis. Il vient d’une pêche légale, même si elle est exploratoire. C’est la seule espèce de notre liste qui est encore sur la liste du Cosepac », note-t-elle, en faisant référence au Comité sur la situation des espèces en péril au Canada.

Une fois la légalité de la capture établie, Fourchette bleue passe à d’autres étapes d’approbation, comme ce fut le cas du sébaste.

« Quand on choisit de mettre une espèce sur la liste de Fourchette bleue, on évalue quatre éléments : le niveau de chair et sa toxicité, l’évaluation des stocks dans nos eaux, les techniques de pêche utilisées, par exemple si ce sont des prises accessoires, et le niveau de commercialisation connu au Québec. Si c’est positif dans toutes les catégories, on va mettre l’espèce sur notre liste et après, on va consulter des scientifiques et leur demander de compléter nos informations. Après, on complète la liste finale. C’est la ratification finale », explique Sandra Gauthier.


Sandra Gauthier assure que de grands consommateurs de poisson du secteur institutionnel sont prêts à servir le sébaste sur leurs tables quand la pêche reprendra. Photo : Jean-Philippe Thibault

Quel rôle pourrait jouer Fourchette bleue quand la pêche à grande échelle reprendra?

« Elle pourrait jouer un rôle important, si le sébaste est disponible en grande quantité et à un prix abordable. C’est le seul poisson québécois qui a la capacité d’entrer dans le marché institutionnel. Les institutions sont prêtes à entrer dans ce marché: les CPE, les cafétérias d’universités, les hôpitaux. Il ne faudrait pas grand-chose pour que d’autres écoles embarquent, comme les écoles primaires et secondaires. Elles sont encouragées par le gouvernement à s’approvisionner au Québec », spécifie Mme Gauthier.

« Il faudra être prêt. Si on ne l’est pas, c’est le marché international qui s’en emparera, comme il s’est emparé du prix du homard, du crabe et de la crevette. Marché Metro est prêt à faire entrer le sébaste dans les supermarchés », ajoute-t-elle. Faudra-t-il des subventions pour mousser la mise en marché? « Ça dépendra des quotas autorisés. Je pense qu’on est capable d’en écouler une bonne partie sans subvention. Il faut montrer aux cuisiniers et cuisinières comment l’apprêter. Il faudra de la formation. Les épines du sébaste, ce n’est pas amusant à manipuler, pour le cuisinier et pour le client. Les gens disent que les produits du Québec coûtent une fortune. Je pense que ce produit-là offre de belles possibilités », conclut Sandra Gauthier.

 

Pour lire tout le dossier du sébaste :

DOSSIER SÉBASTE 1/5 : SCIENCE
DOSSIER SÉBASTE 2/5 : PÊCHEURS
DOSSIER SÉBASTE 3/5 : TRANSFORMATION
DOSSIER SÉBASTE 5/5 : PAGE REPÈRE