En route pour la Petite école de la chanson de Petite-Vallée : la passion contagieuse de Marie-Claude Fournier
CARLETON-SUR-MER | Tous les vendredis midi, de janvier à juin, une quinzaine d’écoliers de Carleton-sur-Mer se rassemblent dans une classe de l’école primaire Bourg afin de répéter des chansons de Beau Dommage, groupe mythique québécois qui a tracé son chemin alors que la plupart des parents de ces écoliers n’étaient pas nés. Au milieu de cette joyeuse bande, Marie-Claude Fournier, assistée avec enthousiasme par Mélinda Allard, dirige tout en s’amusant.
Toutes deux préparent le contingent musical en prévision du spectacle de la Petite école de la chanson, qui montera sur scène le 25 juin, au Festival en chanson de Petite-Vallée, lors de l’hommage au groupe qui a fait vibrer le Québec de décembre 1974, moment du lancement de son premier album, jusqu’à nos jours.
En entrant dans l’école Bourg, il est facile de localiser la chorale. Les voix bien synchronisées et justes des jeunes chanteurs viennent d’entonner Le blues de la métropole, la première chanson du deuxième album de Beau Dommage. Suivront ce midi-là Le passager de l’heure de pointe et Le retour du flâneur.
Mais après Le blues de la métropole, l’entrée de GRAFFICI dans la classe de répétition crée un peu de remous. « Avez-vous déjà vu un spectacle de Beau Dommage? », demande l’un des choristes. La réponse est positive et tous écoutent attentivement l’explication.
Mélinda Allard, qui travaille au service de garde de l’école Bourg, et Marie-Claude Fournier, montrent le cahier de chansons de Beau Dommage. Elles apprécient ce mélange d’enseignement et de jeu venant de ces répétitions. Photo : Gilles Gagné
La nécessité de l’engagement « adulte »
« Ça prend des parents engagés pour que ça marche, et il faut être deux pour superviser la chorale à partir de 9 ou 10 enfants », lance d’entrée de jeu Marie-Claude Fournier.
Elle est à sa troisième année de coordination de la chorale de l’école Bourg, « plus une année comme remplaçante », glisse-t-elle. Sa fille Julia fait partie des choristes, une initiative qui la comble. Si cette hygiéniste dentaire originaire de Grande-Vallée avoue que l’accompagnement de Julia dans cette belle aventure l’intéressait, elle y voit aussi une façon de la faire passer par un sentier familier.
« Je suis le Festival en chanson depuis aussi longtemps que mes souvenirs remontent, alors que ça s’appelait le Festival de la parenté. J’ai vu gagner Nelson Minville, en 1989 ou en 1990. Ça fait donc partie de ma vie depuis l’enfance. Je voulais que ma fille connaisse ça. En plus, j’ai voulu, alors qu’elle était assez jeune, qu’elle développe facilement ses talents musicaux. Elle joue de la guitare et elle joue ce qu’elle veut », explique Marie-Claude Fournier, dont les racines familiales sont profondes à Petite-Vallée comme à Grande-Vallée.
Bien au-delà de cette relation mère-fille, cette cousine de Marie-Pier Arthur, et petitecousine de Louis-Jean Cormier, s’émerveille devant la capacité des choristes d’apprendre, et devant leur volonté d’utiliser plusieurs moyens d’améliorer leur confiance en eux.
« Ils développent ici des qualités qui leur seront utiles toute leur vie. Ils apprennent le travail d’équipe, le respect; ils apprennent à prendre de l’assurance. Moi, à leur âge, je ne l’aurais pas fait », confesse-t-elle.
« C’est une grande famille, Petite-Vallée. Les gens sont fidèles au poste. C’est un beau bénévolat. Je pensais faire du bénévolat à 60 ans. J’en fais à 44, et depuis quatre ans! », glisse-t-elle, avant de revenir inconditionnellement sur « ses » jeunes. Elle s’émerveille devant leur curiosité.
« Je leur parlais de Michel Rivard, au début, et je leur disais que dans Le retour du flâneur, comme dans certaines autres pièces, ses refrains et ses fins de chansons étaient différents. L’un des enfants m’a dit : “C’est pas Michel Rivard qui a écrit les paroles! C’est Pierre Huet”. C’était vrai! Je m’étais trompée », rappelle Marie-Claude Fournier en riant.
Les choristes de l’école Bourg de Carleton répètent tous les vendredis midi avec Mélinda Allard et Marie-Claude Fournier. Photo : Gilles Gagné
Bien plus que l’apprentissage de chansons
Les choristes ne font pas qu’apprendre la chanson. Elles et ils l’analysent. En termes théoriques, on appelle ça le développement des compétences transversales, et ils s’y prêtent allègrement.
« On décortique le texte avec moi. Dans 23 décembre, on mentionne Dupuis Frères. Qu’est-ce que c’est, Dupuis Frères? On leur a dit que c’était une chaîne de magasins. Dans une autre chanson, on mentionne aussi “Dupuis”. On a vérifié et c’est le même Dupuis. L’année de l’Expo, le Géant Beaupré? Il faut expliquer d’où ça vient. On fait des liens avec du français. Les grands-parents de l’un de nos choristes ont vu le Géant Beaupré quand sa dépouille était exposée à Montréal, avant que le corps revienne à ses origines [en Saskatchewan]. On fait des liens avec l’histoire. C’est quoi le blues? Pourquoi il [le chanteur] s’ennuie? Qu’est-ce que l’heure de pointe? On ne connaît pas vraiment ça à Carleton! », évoque-t-elle.
« Quand ils font La complainte du phoque en Alaska, il y a un petit calme qui s’installe. Ça me donne le motton. Plusieurs ne savaient pas ce qu’était un cha-cha, comme on retrouve ce mot dans la chanson Ginette. Ils ont même
appris à danser un cha-cha », ajoute-t-elle, intarissable.
Cet approfondissement de concepts à démystifier dans les paroles de chansons sert aussi à donner des « devoirs supplémentaires » à ceux qui en veulent ou qui, sans l’exprimer, en ont besoin.
« J’en ai un qui commence à décrocher parfois. Il faut alors que je l’occupe et je lui donne une petite recherche supplémentaire. C’est ce qui me passionne là-dedans, dans cet accompagnement. C’est sérieux, mais on rigole aussi. Il y a vraiment place à la rigolade », insiste Marie-Claude Fournier.
Le contenu culturel absorbé subtilement par les jeunes chanteurs occupe une grande importance dans sa tête et dans son coeur.
« Richard Séguin, l’année de son hommage, avait dit : “Vous faites apprendre 10-15 chansons à des enfants. C’est un bagage qu’ils auront toute leur vie”. C’est encore plus que ça, en fait. Ils apprennent 10 à 15 chansons par année, mais de la 3e année jusqu’au secondaire 5. Donc, multiplie ça! On a appris l’innu avec Florent Vollant, le chiac avec Marie-Jo Thério. L’année de Florent Vollant, Tim Adams, de Gespeg, est venu chanter en mi’gmaq », dit-elle.
« Je ne pense pas que les enfants, dans le confort de leur salon, écoutent du Florent Vollant. Ils écoutent Miley Cyrus. Mais pour moi, écouter Florent Vollant, c’est super important. Ils apprennent des chansons dont ils vont se rappeler toute leur vie. La preuve? Quand ils sont un peu énervés, je leur mets une chanson [sa trame instrumentale] de l’an passé, et ils se mettent à la chanter en reprenant leur concentration », affirme Marie-Claude Fournier.
Le côté humain de l’accompagnement prodigué aux jeunes la touche beaucoup.
« J’ai des colles, une proximité de rapports, des confidences. J’en ai un qui a pleuré en me disant qu’il avait échoué son examen de maths. En chantant, il a réussi à reprendre sa bonne humeur », résume-t-elle.
Pour y aller : Le spectacle de la Petite école en chanson aura lieu le 25 juin, à 19 h 30.