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29 juin 2018 10 h 38

Enseigner en prison : pour le meilleur, sans le pire

Gilles Gagné

Journaliste

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Line Gagné enseigne depuis cinq ans à la prison de Percé. « C’est ce que je préfère. C’est la plus belle chose qui m’est arrivée dans ma carrière. J’apprends tout le temps », dit-elle.

GRAFFICI a interviewé Mme Gagné dans sa classe, quelques minutes après la fin d’un cours, au bout de la longue table où s’assoient 12 élèves, « de 18 à 76 ans », pour faire avancer leurs études secondaires.

« On vient d’écouter un film sur la résilience, Les Choristes. C’est très émouvant. Il y en a qui ont pleuré », rapporte Mme Gagné. Dans ce film, des garçons en difficulté trouvent le salut par le chant, sous la direction d’un enseignant bienveillant.

Les détenus de Percé ont été condamnés pour des délits sexuels, et viennent en Gaspésie pour suivre une thérapie de six à huit mois.

Quand on lui a demandé d’enseigner à la prison, « j’ai hésité un peu. C’était l’inconnu. Je suis venue avec ma collègue. Quand ils sont entrés, je me suis dit : je suis capable. J’ai pensé : ces gars-là ont une mère, qui doit avoir de la peine. Elle va savoir que quelqu’un ira les voir et ne portera  pas de jugement. »

Line Gagné donne le cours de développement personnel et social, où elle parle budget, alimentation, mais aussi suicide, estime de soi et résilience.

Des films pour réfléchir

Formée en cinéma et art dramatique, elle a également conçu un cours de critique cinématographique pour ses élèves détenus. Elle choisit des films qui vont résonner en eux. Dans sa sélection, il y a entre autres Maintenant ou jamais, où un homme en fin de vie fait la liste de tout ce qu’il aimerait réaliser avant sa mort.

« Ils écoutent ça et font leur liste à eux, illustre-t-elle. Ce n’est pas juste écouter un film pour écouter un film. Je sors un élément : ça peut être la peur, la résilience ou l’injustice. Je leur demande : vous, dans votre vie, avez-vous été victime d’injustice? Je voulais qu’ils aient une réflexion par rapport à leur vie. […] Dans la vie, des choses arrivent, mais on fait des choix », explique Mme Gagné.

« Je ne présente pas n’importe quoi. Je choisis des films qui vont faire avancer leur réflexion », précise l’enseignante. Elle évite les films violents ou à caractère sexuel. « Pas de Jackie Chan ou de 50 Nuances de Grey », lance-t-elle.

« Je suis enseignante, pas thérapeute, précise Mme Gagné. Je viens juste renforcer un peu la thérapie. » En même temps, ses cours permettent aux détenus de s’évader quelques heures de cette thérapie, parce que « c’est lourd ».

Mme Gagné enseigne aussi à des élèves inscrits à l’éducation aux adultes, hors des murs, des jeunes qui ont accès à du divertissement à volonté. Elle préfère donner des cours aux détenus, en général plus motivés et attentifs. « Ici, en prison, ils vont écouter un film et ils sont tellement contents… Les petits plaisirs leur font un grand plaisir. »

Des enseignantes primées par l’Unesco

Les deux enseignantes gaspésiennes ont raflé chacune leur tour, deux années de suite, le prix offert par la Chaire Unesco de recherche appliquée pour l’éducation en prison. Le prix souligne, une fois par an, un accomplissement réalisé dans l’une des prisons provinciales du Québec.

Line Gagné a reçu le prix en 2017 pour son cours de Critique cinématographique. Carole Nadeau l’a mérité en 2018 avec l’enseignant en création musicale Dominic Potvin pour avoir encadré un étudiant quand il a composé de A à Z (musique comprise) un rap racontant sa vie derrière les barreaux.

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