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9 mai 2016 18 h 16

FAILLITES EN HAUSSE DE 22 % EN GASPÉSIE

GASPÉ – En Gaspésie, le nombre de faillites et de propositions de consommateur a atteint un sommet en 2015, en hausse de 22 % par rapport à l’année précédente et de 37 % par rapport à 2012. Une hécatombe causée en partie par la situation économique difficile de la région, mais aussi beaucoup par les mauvaises habitudes de crédit de certains Gaspésiens.

Nicole (nom fictif), une Gaspésienne de 65 ans, a divorcé en 2010. Une situation qui a fragilisé ses finances. « Quand tu es tout seul, tu ne divises plus la facture d’Hydro en deux », illustre-t-elle.

Nicole a revu son niveau de vie. Elle a acheté une petite maison modulaire « au prix d’un loyer » et elle garde le chauffage au plus bas dans sa cave. Quand elle monte visiter sa fille à Québec, elle covoiture plutôt que de prendre sa propre auto. « Et les voyages dans le Sud, il faut oublier ça! », lance-t-elle.
La Gaspésienne a eu droit à une partie de l’épargne du couple et à une pension alimentaire. Sans cette protection accordée par le mariage et la révision de son niveau de vie, « ça aurait été la faillite ou un terrible mal de tête! », lance-t-elle.

285 faillites en 2015

Tous les consommateurs n’ont pas eu la sagesse et la chance de Nicole. En 2015, 285 consommateurs gaspésiens ou madelinots ont fait faillite. C’était 224 l’année précédente, indique le Bureau du surintendant des faillites du Canada.

L’organisme compile aussi le nombre de propositions de consommateur, qui ont doublé de 2012 à 2015 pour atteindre 222. Cette situation survient lorsqu’une personne est incapable de payer sa dette aux conditions convenues et propose des conditions différentes aux créanciers.

La Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine est la région québécoise où les faillites et les propositions de consommateur ont le plus augmenté de 2014 à 2015. Au Québec, ce nombre a crû, mais de seulement 5,2 %, comparativement à 21,9 % dans la région.

« Ça confirme ce qu’on voit dans notre bureau, dit Stéphane Gauvin, syndic associé chez Raymond Chabot Grant Thornton. Dans une région, quand il y a ralentissement économique ou pas de moteur économique, quand les gens travaillent moins, ils ont moins de revenus, dépensent moins au resto, au dépanneur, à l’épicerie. Ça démontre à quel point l’économie est fragile. »

« L’emploi, particulièrement en Gaspésie, est de plus en plus précaire. Les gens ont du mal à prévoir à long terme. Le moindre imprévu vient fragiliser le budget », ajoute M. Gauvin.

« Ça devient plus corsé »

Même son de cloche à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de la Péninsule, qui couvre la Gaspésie, les Îles et l’est du Bas-Saint-Laurent. « Je ne sais pas si c’est parce qu’on est plus connus ou parce que les gens sont plus mal pris, mais ça devient plus corsé », dit Cloé Paquette, consultante à l’ACEF.

« Les pertes d’emploi, la réforme de l’assurance-chômage n’ont pas aidé. Les semaines d’attente, le trou noir du printemps ont créé des situations difficiles. Les gens n’étaient pas préparés à ça, mais certains n’ont pas les moyens de se préparer », dit Mme Paquette.

« Pour une personne à faible revenu, tout a augmenté, le panier d’épicerie, les coûts d’électricité, alors que le salaire minimum augmente peu. On se demande ce qu’il leur reste à part survivre », lance la consultante.

Les organismes communautaires qui viennent en aide aux pauvres sont à sec, indique Mme Paquette.

Le crédit facile au banc des accusés

Nicole, la Gaspésienne interviewée par GRAFFICI.CA, a su résister aux sirènes du crédit facile. Récemment, elle a été choquée de recevoir une lettre de sa caisse populaire qui lui offrait d’augmenter sa marge de crédit à 10 300 $. Cette somme représente cinq mois de revenus pour elle. « J’ai déchiré la lettre en mille morceaux mais ça m’a tenté de les appeler pour leur dire : quel est votre problème? Les banques sont pour beaucoup dans l’endettement des gens », juge Nicole.

Le comportement individuel des consommateurs est souvent à blâmer, estime le syndic Stéphane Gauvin. « Je crois plus aux attitudes qu’à trouver un coupable extérieur », dit-il. En d’autres mots, une perte d’emploi ou les politiques d’austérité du gouvernement ne mènent pas à la faillite de façon automatique. Mais si un ménage est surendetté, un tel coup dur peut être fatal.

« Les gens doivent essayer de planifier plus, de faire la différence entre leurs besoins et leurs désirs. Ils ne doivent pas se laisser influencer par les rabais miraculeux. Quand on achète à crédit, il faut s’assurer qu’on peut rembourser », avertit M. Gauvin.

L’accès facile au crédit est peut-être même la première cause des culs-de-sac où aboutissent les clients de Cloé Paquette, à l’ACEF. « Il y en a eu d’autres, des périodes économiques difficiles dans l’histoire […]. Mais il y a 30 à 40 ans, le crédit était beaucoup moins accessible. Les gens qui faisaient faillite, c’était des situations exceptionnelles, pour des paiements de maison. Aujourd’hui, les faillites sont principalement dues à des dettes à la consommation. Les gens prennent du crédit pour payer des biens, l’épicerie… Plutôt que d’épargner, ils le veulent tout de suite. »

Les employés de l’ACEF de la Péninsule ont offert 450 consultations budgétaires pendant l’année financière 2014-2015. Plus de 80 % des dossiers ont pu se régler par un réaménagement du budget, indique Mme Paquette, moins néfaste au dossier de crédit qu’une faillite.

Pas plus de faillites en proportion

Malgré la forte hausse, les Gaspésiens et les Madelinots ne font pas davantage faillite, en proportion, que le reste des Québécois. Leurs dossiers représentaient 1,16 % des faillites et propositions de consommateurs au Québec en 2015, alors qu’ils comptent pour 1,25 % de la population.

Quant au nombre de faillites d’entreprises, il a diminué entre 2014 et 2015 en Gaspésie et aux Îles, de 20 à 15. Ces petits nombres incitent toutefois à la prudence dans leur analyse.

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