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2 mai 2019 15 h 38

La nécessaire acceptation des stages rémunérés

Gilles Gagné

Journaliste

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Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a promis en janvier que le statu quo n’est plus une solution, en ce sens qu’il faut « des reconnaissances, des compensations. La nature est à déterminer», a-t-il indiqué à la Presse canadienne.

Quel genre d’impression voulons-nous donner aux travailleurs de demain quand elles et ils exerceront le premier emploi lié à leur éventuel champ de compétence? Pour paraphraser une publicité de shampoing d’il y a des années, les employeurs n’auront pas deux chances de laisser une bonne première impression.

Les chiffres sont désolants. Seulement 22,4% des étudiants bénéficient d’un contrat formel avant d’entamer un stage. Cela signifie qu’ils ne bénéficient d’aucune protection en ce qui a trait aux normes du travail. Ils peuvent donc être limogés à peu près n’importe quand, sans qu’il importe de déterminer si les motifs sont justifiés ou douteux.

Dans certains domaines, ce manque de protection peut toucher des aspects importants de lacunes en matière de santé et de sécurité au travail. Qu’arrive-t-il si un stagiaire non-rémunéré subit une sérieuse blessure attribuable à une négligence de l’employeur?

Avec 77 % de stagiaires non rémunérés au Québec, le risque est réel. Les secteurs publics et parapublics, ceux qui devraient donner l’exemple, sont les pires en matière de rémunération, en ce sens que c’est là qu’on retrouve la plus basse proportion de stagiaires payés

Viennent ensuite les groupes communautaires. Sans excuser d’emblée ces organismes, on les sait sous-financés. Devant régulièrement fermer pendant des mois parce qu’ils n’ont pas les moyens de maintenir des activités à longueur d’année, les groupes communautaires sont souvent à bout de souffle; il serait alors mal venu de leur lancer la pierre.

Certains groupes culturels craignent aussi l’imposition de stages rémunérés, parce que la bonne marche de ces groupes, des galeries d’art, des diffuseurs de spectacles, des troupes de théâtre et de danse, dépend des bénévoles, incluant des stagiaires.

Dans les cas des groupes communautaires et artistiques, il revient à l’État de s’assurer qu’une partie du financement de ces organismes inclut des sommes pour stagiaires. Il s’agit d’encourager les candidats, très souvent les candidates, intéressés à s’occuper des plus démunis de la société.

Puisqu’on parle des candidates, rappelons que les femmes, plus nombreuses aux études techniques avancées et universitaires, occupent la majorité des stages offerts par des entreprises, des organismes et les gouvernements.

En ce sens, faut-il rappeler que le Québec et le Canada ont encore d’immenses efforts à faire pour garantir l’équité salariale entre hommes et femmes? Réaliser que les femmes sont défavorisées en partant parce qu’elles occupent des stages non-rémunérés, devrait allumer quelques lumières dans l’esprit du ministre Roberge, en prévision de ses « recommandations ».

Le Québec vit une pénurie de main-d’œuvre qui gagne malheureusement en gravité. Les entreprises, les organismes et les gouvernements cherchent déjà ou chercheront sous peu du personnel. Pourquoi dans ce contexte ne pas tenter de recruter la main-d’œuvre de demain en lui offrant un stage rémunéré?

Des employeurs diront que certains stagiaires doivent être encadrés au point de freiner le rythme de l’entreprise. C’est possible mais en général, regardez la jeune main-d’œuvre et vous verrez qu’elle est plutôt délurée, débrouillarde et efficace, à plus forte raison dans des secteurs de formation spécialisée. Bien des stagiaires tirent en fait leurs employeurs vers le haut, quand on les encourage, quand on leur permet de démarrer dans le bon sens et quand on les … rémunère!

Les meneurs étudiants de la péninsule et  des dizaines de jeunes fréquentant les cégeps de Gaspé et de Carleton-sur-Mer sont mobilisés par cet enjeu. Ils ont souligné avec justesse le 25 mars que le budget québécois, dévoilé quatre jours plus tôt, ne contenait aucune précision ou intention vis-à-vis les stages rémunérés.

Bon, cela ne veut pas dire que le ministre Roberge passera outre son engagement. Il a parlé de déposer des propositions en avril. C’est donc pour bientôt. Les gouvernements ne nous ont pas habitués à tenir leurs engagements d’avance. Les rappels étudiants sont conséquemment parfaitement justifiés et ils signifient que la classe étudiante ne lâchera pas le morceau.

Pourquoi le ferait-elle ? Les étudiants vivent dans la plupart des cas une précarité économique qui les empêchent souvent de se concentrer pleinement sur leur responsabilité principale, la formation académique.

L’imposition des stages rémunérés constitue une étape qui fera avancer la société québécoise. Le financement de ces stages doit être vu comme l’une des façons les plus utiles de se servir des surplus budgétaires québécois.