• mercredi 13 mars 2024 17 h 55

  • Météo

    4°C

  • Marées

Actualités

5 novembre 2014 12 h 10

La réalité des proches aidants : deux vies à mener en parallèle

PERCÉ — « Y’a toujours quelque chose. J’y vais presque chaque jour et je n’ai pas le temps d’avoir une vie à moi. Si j’avais à faire une tarte, 75 % de mon temps va pour elle ».

À l’occasion de la Semaine nationale des proches aidants, qui se déroule jusqu’au 8 novembre, GRAFFICI.CA s’est entretenue avec Louisette Blondin qui est présidente de l’Association des proches aidants de Rocher-Percé « Les Anges gardiens ». Comme un adulte sur quatre vivant en Gaspésie, elle est proche aidante. Elle prend soin de sa mère de 92 ans qui ne peux plus se faire à manger, ni faire ses courses, ni prendre son bain seule et qui se déplace difficilement avec une marchette.

« Elle serait probablement mûre pour un placement en résidence. Mais il n’y a pas de place nulle part dans Rocher-Percé et je ne veux pas la déraciner non plus. Te refaire un réseau social à 92 ans, ce n’est pas facile. Là où elle est à l’heure actuelle, elle est dans son environnement, un appartement face à la mer, elle a vécu face à la mer toute sa vie. Elle a aussi du support d’un voisin qui habite là et qui lui rend visite. J’ai un cousin qui va la voir aussi. Ce qui fait qu’avec mon soutien, elle est encore capable de vivre là », explique l’aidante qui s’est apprivoisée à ce rôle en 2003 avant le décès de son père qui était malade et qui a continué avec ma mère depuis 2005.

Mme Blondin dit mener carrément deux vies en parallèle. Deux épiceries à faire, deux horaires de menus à planifier, superviser la prise de médicaments de sa mère et la sienne, parce qu’elle est malade et en perte d’autonomie elle aussi, et deux logements à entretenir et superviser, sans compter la gestion du dossier médical.

« Prendre les rendez-vous des différentes spécialités n’est pas une mince affaire, surtout qu’on a vécu une difficulté additionnelle pendant deux ans. Ma mère avait un médecin à domicile qui a quitté et nous sommes restés sans médecin de famille. Ç’a été difficile parce qu’il n’y avait pas de suivi. Fallait aller dans une clinique sans rendez-vous à Barachois où ça changeait toujours de médecin. J’ai dû aller chercher le dossier médical aux archives pour assurer moi-même le suivi du dossier et je me promenais avec mon cartable. C’était très insécurisant pour ma mère comme pour moi », se souvient Mme Blondin qui a finalement trouvé un médecin de famille récemment.

La mère de Mme Blondin est sourde. Il y a donc aussi la gestion du dossier avec le Centre de réadaptation qui lui on installé une lumière qui s’allume lorsqu’on sonne chez elle et des écouteurs pour la télé pour pallier à sa surdité. Au niveau de sa mobilité, Yvonne Fortin Blondin a besoin d’une marchette pour se déplacer. Ses genoux sont très usés et lui causent de la douleur.

« Elle ne peut pas sortir seule. Je dois l’accompagner dans tous ses rendez-vous. Autant la coiffeuse que le médecin. Et il faut toujours se soucier des accès lorsqu’on veut aller quelque part. Si on veut par exemple aller au restaurant, il faut s’assurer qu’elle pourra y accéder. Ce n’est pas adapté partout. », déplore Mme Blondin qui doit aussi voir à l’administration des affaires personnelles de sa mère.

« Côté administratif, c’est toujours mon père qui s’est occupé du budget et des impôts. Ma mère n’a jamais été à la caisse ou payé une facture. J’ai donc repris ça aussi à la mort de mon père », explique la dame.

Quand GRAFFICI.CA l’a contacté, Mme Blondin était dans les boîtes. Elle déménage pour se rapprocher de sa mère au village de Percé.

« Je ne peux envisager de vivre avec elle à temps plein parce que je suis malade moi aussi et que j’ai besoin de garder un minimum de temps pour moi, explique-t-elle. Mais si je suis plus proche, je pourrai la voir et manger avec elle plus souvent. Je pourrai l’amener chez moi et la sortir un peu plus sans avoir à faire de grands déplacements. »

L’aide extérieure

Louisette Blondin et sa mère reçoivent bien de l’aide extérieure. La dame de 92 ans en perte d’autonomie reçoit deux bains par semaine donnés par le personnel du CLSC et elle a de l’aide domestique de l’Association des aînés à raison de 4 h par semaine pour l’entretien de son appartement. Mais c’est loin d’être suffisant estime l’aidante.

« Idéalement, dans un monde arc-en-ciel, je doublerais son ménage et je prendrais quelqu’un pour lui faire à manger et lui faire son épicerie pour lui assurer une saine alimentation », rêve Mme Blondin qui doit veiller au grain, faute de moyens.
Le plus grand défi du proche aidant, selon Mme Blondin, c’est d’être en équilibre entre deux vies et être capable de se garder en santé. Pour ce faire, elle invite tous les proches aidants à briser l’isolement, à sortir de chez eux et aller à la rencontre d’autres personnes qui vivent la même réalité.

« Quand tu es proche aidant, la première chose qu’on te demande quand on te rencontre, c’est comment va ta mère? On ne te demande pas comment tu vas. Avec des gens qui vivent la même situation, on échange, on trouve des solutions, on dédramatise des situations, c’est une véritable bouée de sauvetage », dit Mme Blondin.

« La santé mentale est importante aussi. On n’a pas l’argent ni le temps d’aller s’asseoir dans le bureau de psy. On peut être envahie par les besoins de la personne que l’on aide. Il faut savoir dire non. Ce qu’on recherche c’est l’équilibre entre les besoins de la personne que l’on aide et nos propres besoins. Et généralement, il y a un déséquilibre, mais d’aller chercher de l’aide c’est important », ajoute la dame.

« On parle des proches aidants depuis des années, mais on ne réalise pas à quel point la société profite de la contribution financière des proches aidants qui font ça tout à fait bénévolement. 5 milliards $, c’est que l’État sauve par la contribution des proches aidants au Québec. C’est pas moi qui le dit, c’est une étude sérieuse. Si on avait juste 1 % de ça, ça serait déjà pas mal. Avoir des exemptions au niveau de l’impôt par exemple et peut-être de l’aide pour les déplacements serait la moindre des choses. Je rêve du jour ou on va faire une commission parlementaire sur la condition des proches aidants. En attendant, on s’appauvrit! », conclut l’aidante et présidente de l’Association des proches aidants de Rocher-Percé.

Des besoins réels, des outils concrets

L’Appui de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine travaille à développer des services de formation, d’information, de soutien psychologique et de répit pour les proches aidants d’aînés. Pour en savoir plus sur les services mis à la disposition des aidants dans leur région, une ligne Info-aidant a été créée, soit un service personnalisé d’écoute, d’information et de référence disponible de 8 h à 17 h au 1 855 8 LAPPUI (852-7784). Un portail internet est également à leur disposition, au www.lappui.org, pour permettre aux proches aidants, en un clic, d’accéder aux ressources disponibles et aux documents de référence qui les aideront à mieux vivre leur rôle de proche aidant.