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9 février 2015 9 h 35

Nouvelle entreprise : production de viande caprine

BONAVENTURE — À 12 ans, plutôt que de vouloir un chien ou un chat, Vincent Olivier-Bastien avait demandé à sa mère s'il pouvait avoir une chèvre. Plus d'une décennie plus tard, toujours animé par cette passion, lui et sa copine sont sur le point de commercialiser de la viande caprine, produite ici en Gaspésie.

« Ma mère m’avait dit : pas de problème, à condition que tu t’en occupes et que tu achètes la moulée, se rappelle le jeune entrepreneur. Depuis, j’ai toujours eu des chèvres. Et l’an dernier, Éliane et moi sommes tombés par hasard sur une annonce Kijiji de la ferme Natibo, qui vendait des chevreaux. Après notre première visite, nous avons eu un coup de cœur. Rêvant depuis longtemps de se lancer en affaires, nous avons donc foncé », raconte M. Bastien, de la Ferme Le Caprivore, située à Bonaventure, devenue officiellement une entreprise le 1er janvier dernier.

Dans la grange, 51 chevreaux sont en engraissement. Toutes des bêtes qui proviennent de la ferme Natibo, la nouvelle fromagerie de Caplan en activité depuis un peu plus d’un an, dont l’élevage est exclusivement composé de chèvres nubiennes, une race aux oreilles pendantes, surtout reconnue pour ses hautes teneurs en matières grasses et protéines de lait.  

Ce partenariat d’affaires rejoint les valeurs environnementales et de récupération du jeune couple de Bonaventure. « On s’est lancé dans la production de chevreaux de boucherie, mais avec des chevreaux d’élevage laitier qui, dans la majorité des cas, ne sont pas valorisés. En plus, ça répond à un besoin de la ferme Natibo, qui cherchait un moyen de mettre en valeur ses mâles », dit l’éleveur caprin, en faisant visiter les lieux.

Le couple est conscient que la consommation de viande caprine ne fait pas partie des habitudes alimentaires au Québec. Néanmoins, il demeure convaincu que les gens qui essayeront y prendront rapidement goût. « On est plus axé sur le porc et le bœuf ici, c’est vrai. Mais on est certain qu’on peut aider à développer le marché en Gaspésie et au Québec. C’est une viande très protéinée et peu grasse », souligne Éliane Gélinas-Frenette, 22 ans. « C’est quelque chose qu’on aime et qu’on veut partager. Personnellement, c’est ma viande préférée », renchérit son conjoint, qui espère que le chevreau de boucherie pourra éventuellement jouir de la même réputation que l’agneau.

Un pas à la fois

À long terme, les deux jeunes entrepreneurs aimeraient vivre de leur passion, mais leur travail à la ferme se fait pour l’instant à temps partiel. Devant composer avec un autre emploi, ils peuvent heureusement compter sur l’aide de Yvon Bourdages, qui leur prête des terres et la grange pendant l’étape du démarrage. « Quand nous serons lancés et aurons un roulement, notre plan est de louer et éventuellement acheter », précise M. Bastien, qui compte faire des premiers tests de production dans les prochains mois.

Des produits dès cet été?

Les premiers chevreaux sont arrivés dans la grange l’hiver dernier et seront bientôt près pour l’abattage. Le couple finalise donc actuellement  la construction de leur atelier de transformation, de concert avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ).

 « L’objectif est d’avoir des produits pour être présent dans quelques marchés publics cet été en Gaspésie. On ne les fera peut-être pas tous, mais on commencera à se faire découvrir » prévoit Vincent-Olivier Bastien, ajoutant que toutes les étapes de la transformation, excluant l’abattage, se feront à Bonaventure. La viande caprine, poursuit-il, peut se comparer à de l’agneau, offrant à peu près les mêmes dérivés, mais La Ferme  Le Caprivore veut se concentrer au départ sur la production de saucisse à base de chevreau.

Une vocation

Se lancer dans ce type de production n’est pas une mince affaire. La dernière année a été très chargée pour les jeunes entrepreneurs qui admettent « se priver personnellement » pour leur projet.

Accueil des chevreaux, approvisionnement en foin et en grain, préparation des enclos, gestion des papiers pour devenir une entreprise et obtenir les accréditations du MAPAQ, construction de l’atelier de transformation : la vie du couple a radicalement changé. « C’est un pas à la fois, mais tout ce qui a été investi vient de nos proches. C’est aussi devenu un mode de vie. Ce sont les chèvres qui décident quand nous travaillons. On se lève tôt pour les nourrir et on se couche parfois très tard, quand il y en a une qui demande plus de soins ou des médicaments, par exemple », illustre M. Bastien. « Ce qui me stimule, ce sont les chevreaux, les nourrir au biberon trois fois par jour. Ça demande beaucoup d’attention, mais c’est trippant. C’est un aussi un nouveau projet pour la Gaspésie », ajoute Mme Gélinas-Frenette.

L’abattage au Bas-St-Laurent

M. Bastien et Mme Gélinas-Frenette ne savent toujours pas à quel moment les chevreaux seront suffisamment engraissés pour aller à l’abattage. « Ça fait partie des tests. On doit évaluer à quel moment ce sera le plus rentable pour nous », explique M. Bastien. Comme tous les autres producteurs de la Gaspésie, ils devront envoyer leurs bêtes à l’extérieur de la région, à Luceville dans le Bas-St-Laurent.

Alors que les éleveurs de yack de la ferme Bos G de St-Elzéar ont dû récemment composer avec une interdiction temporaire de faire abattre leur bétail à cet abattoir fédéral, puisque ces animaux sont considérés « exotiques », M. Bastien précise que les chèvres ne seront pas touchées par cette problématique.

La restriction de la ferme Bos G semble de toute façon chose du passé. Ses propriétaires pourront continuer à faire abattre leurs yacks en remorque à l’extérieur du bâtiment de l’abattoir, la méthode qui avait été temporairement suspendue par l’Agence canadienne des inspections des aliments. Après avoir été sensibilisé, l’organisme fédéral autorise la pratique, le temps de mettre en place un protocole permettant l’abattage des yacks à l’intérieur du bâtiment avec les animaux de ferme conventionnels. « Je connais des éleveurs de chèvre qui faisaient abattre à l’intérieur à Luceville, alors il n’y a pas de problème pour nous », assure M. Bastien.