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24 novembre 2020 14 h 19

Policier autochtone, un métier exigeant

Gilles Gagné

Éditorialiste

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Il existe chez bien des gens une conception tordue du métier de policier autochtone, conception selon laquelle leur formation est diluée et à l’effet qu’ils exercent un métier généralement facile, dans une communauté où ils connaissent tout le monde. D’autres pensent au Far West . La réalité est différente, entre ces extrêmes. Si la proximité peut conférer des avantages, parce que les policiers mi’gmaqs reconnaissent souvent les gens qui les appellent, la familiarité des contacts cause son lot d’embûches, parce qu’elle crée notamment des attentes de passe-droit.

GESGAPEGIAG | Dave Condo est policier autochtone depuis 2013. Il a passé ses sept premières années de carrière dans sa communauté, Gesgapegiag. Comme tellement d’autres policiers autochtones, il a décidé de changer de communauté pendant un certain temps, sûrement plusieurs années, dit-il.

Les raisons sont multiples, mais elles entre coupent souvent des motifs exprimés par plusieurs de ses collègues. La bougeotte qui s’empare d’eux prend ses racines dans plusieurs terreaux. Dans le cas de Dave Condo, des raisons familiales et professionnelles ont alimenté la décision d’installer sa petite famille à Manawan, dans Lanaudière, d’où vient sa conjointe, Amanda Ottawa.

«Amanda a passé 10 ans en Gaspésie avec moi. On s’installe dans sa famille, dans sa communauté. Un poste de policier s’est libéré à Manawan. Amanda, qui est infirmière, cherchait un poste. J’ai été le premier à trouver, puis un mois plus tard, Amanda a trouvé un poste au dispensaire», dit-il.

Dave Condo avait aussi besoin d’un changement d’air, côté boulot, à Gesgapegiag. «Tu deviens tellement absorbé par ton travail après quelques années dans la même communauté. Tu montres un sourire à l’extérieur, mais à l’intérieur, c’est différent. Des fois, tu as besoin d’un changement. Les gens se mêlaient beaucoup de mes affaires. Au niveau familial, ça joue aussi. J’ai reçu un appel de trop, pour arrêter quelqu’un de proche. Est-ce que c’est ça que tu veux? C’est ce que je me suis demandé.»

Tout n’était quand même pas noir à Gesgapegiag, assure-t-il. Il revient régulièrement chez lui. Le fait d’y connaître presque tout le monde peut présenter des avantages, avec des exceptions.

«Si tu deviens policier, il faut que tu te fasses une carapace. Tu peux arrêter ton oncle, arrêter des gens avec qui tu es allé à l’école, des cousins, des cousines. Je suis allé à l’école Le Bois-Vivant à New Richmond, puis à la polyvalente Antoine-Bernard de Carleton. J’ai joué au hockey à Carleton et à New Richmond. Je connais du monde de Nouvelle à Paspébiac, de 20 à 50 ans. C’est certain que j’ai vécu des cas de personnes qui me disaient: ‘‘ Tu me connais, tu ne m’arrêteras pas ’’. Je ne suis pas le genre de policier à faire chier tout le monde, mais si tu me fais chier… C’est donnant-donnant», explique M. Condo, facile d’approche.

La contrepartie dans un milieu connu peut aussi donner de bons résultats. «La plupart du temps, ça va vraiment aider que tu viennes de la place. Tu vas arrêter ton ami, mais tu arrives à parler tranquillement. Tu peux régler bien des situation parce que tu sais comment aborder des gens que tu connais. Mais quand ça ne fait pas leur affaire, ça peut aller autrement», explique Dave Condo.

Le roulement dans les corps policiers des Premières Nations mène à l’embauche de policiers non autochtones. Leur tâche peut être ardue. «Ils se font dire parfois: ‘‘ Toi, t’es français, je ne te parle pas ’’, mais il y a quand même 90% des chances que ça se passe bien», note-t-il.

Dave Condo ne parle pas mi’gmaq, à part quelques mots appris de son père Franklin, policier aussi et trilingue, et en «écoutant mes grands-parents».

Il dit avoir vécu peu de situations embêtantes découlant de cette «lacune» toute relative. «Je me souviens d’être intervenu auprès d’une dame, décédée maintenant, qui ne parlait que mi’gmaq, mais ces personnes sont âgées et elles sont accompagnées par quelqu’un qui parle anglais, la langue d’usage de la plupart des gens de Gesgapegiag.»

L’acuité auditive, pour décoder le mi’gmaq, sert aussi lors d’appels aux policiers. «On reconnaît les gens à la voix; ça peut aider à savoir quel genre d’intervention nous attend. Mon partenaire, à Manawan, est Attikamek. Il reconnaît les voix quand on est appelés. C’est vraiment pratique», assure Dave Condo.


Dave Condo poursuit présentement sa carrière à Manawan, d’où est originaire sa conjointe Amanda Ottawa.
Photo : Gilles Gagné

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