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19 novembre 2021 8 h 53

REFUGES ANIMAUX : OÙ EN EST LA RÉGION? texte 1/4

Gilles Gagné

Journaliste

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La situation des animaux abandonnés ou errants reste préoccupante en Gaspésie. Aucune des cinq MRC du territoire n’offre les deux conditions incontournables pour que ces animaux soient recueillis, soignés, nourris et mis en adoption : il faut des gens rémunérés et un refuge. Il y a deux vrais refuges, au lieu de quatre ou cinq souhaitables, mais dans toute la péninsule, pas une seule personne n’est rémunérée pour voir à ces refuges ou pour s’occuper des familles d’accueil. Tout ne repose que sur les épaules de quelques bénévoles, qui recueillent les animaux dans leur maison, dans un bâtiment cédé par la municipalité ou dans leur commerce! GRAFFICI examine la situation de près et tente d’évaluer ce qu’il faudrait faire pour « humaniser » le contexte animal.

Mia Sainte-Marie, aux limites des situations animales

NEW RICHMOND | Toiletteuse pour chiens et chats, Mia Sainte-Marie, de New Richmond, voit des situations extrêmes dans une même journée. Au travail, elle côtoie des gens qui adorent leurs animaux, des gens prêts à payer des dizaines de dollars par visite pour que leur chat ou leur chien soit beau et bien. Comme bénévole au Réseau de protection animale de la Baie-des-Chaleurs, elle côtoie ce qui frôle souvent l’horreur.

Si pour le toilettage, c’est le bonheur à longueur d’année, l’automne lui fait vivre de sombres moments, de même qu’à tous ceux qui s’inquiètent du sort des animaux domestiques.

« C’est vraiment la bonne période, l’automne, pour assister à la misère animale; il commence à faire un peu plus froid et les mamans chats, qui ont eu les bébés en périphérie des habitations, cherchent la chaleur. Elles se tiennent près des portes et des fenêtres de sous-sol », aborde-telle.

« Il y a aussi des chats errants adultes; les gens les nourrissent, et ils nous contactent. Novembre, c’était vu comme le mois des morts avant, mais en santé animale, c’est resté, parce que les gens apportent les chats pour les faire
euthanasier […] Les gens agissent en urgence parce qu’il fait froid. C’est le facteur “ça fait pitié; ils vont avoir froid” qui embarque », décrit-elle.

Le Réseau de protection animale de la Baie-des- Chaleurs existe depuis presque huit ans. Comme ailleurs en Gaspésie, il est tenu à bout de bras par une poignée de personnes, faute de moyens financiers adéquats.

« Ça fait sept ans que les démarches ont été entreprises pour avoir un refuge et on n’y est pas arrivés. C’était un phénomène [qui était] là avant; beaucoup de gens ont tenté de démarrer des refuges, mais la lourdeur administrative pour y arriver les décourage », souligne Mia Sainte-Marie.

« Il faut réaliser que les gens chez qui les animaux arrivent vont payer l’euthanasie à leurs frais. Il y a des fermes où on retrouve des colonies de chats. Les gens abandonnent beaucoup près des fermes, des cliniques vétérinaires, de
l’animalerie. Ils se disent que c’est la responsabilité des gens qui aiment les animaux de régler le problème. Ce n’est pas le cas », tranche-t-elle.

Quand elle a parlé une première fois à GRAFFICI, elle hébergeait 10 chats qui n’étaient pas à elle!

« Catherine Landry, vétérinaire à Caplan, a reçu une boîte avec cinq chatons abandonnés avec la maman. En plus, j’ai reçu un chaton pris dans le moteur de la voiture, qui a roulé de Caplan à Saint-Edgar. Il a fallu l’intervention du gars du garage Car Quest pour l’extirper de là. Elle [la conductrice] ne savait pas quoi faire avec le chat. Il est arrivé ici. J’ai aussi trois chats sauvages en socialisation, en vue d’une adoption. On fonctionne juste avec des dons de nourriture, de litière et d’argent », précise-t-elle.

Trois des chatons trouvés dans une boîte sont toutefois morts dans les jours suivant leur arrivée chez elle.


Mia Sainte-Marie montre deux des cinq chatons ayant survécu à leur abandon dans une boîte, et un troisième petit chat, celui qui a survécu à une balade dans un moteur d’auto entre Caplan et Saint-Edgar, un arrondissement de New Richmond. Sur la page couverture, madame Sainte-Marie est assise devant la roulotte ayant dépanné des touristes accidentés en juillet. Elle est accompagnée de trois de ses quatre chiens, Juliette, Mickie et Lipton, les deux derniers étant des cas d’adoption. Lipton en était à son cinquième foyer en moins de sept mois. Photo : Gilles Gagné

Les soins aux animaux deviennent des modes de vie assez prenants

« Nous sommes tous des bénévoles. On fait ça à temps perdu, mais il n’y a pas de temps perdu. C’est imbriqué dans notre vie, au déjeuner, au dîner, au souper, lors des repas de famille », dit-elle.

À la fin octobre, l’administration municipale de Saint- Godefroi et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) ont contacté le Réseau de protection animale pour une intervention dans une maison abandonnée, où évoluaient une cinquantaine de chats dans toutes sortes d’états, au milieu des restes de rongeurs capturés par les félins.

« Il faut être disponible quand ça arrive. Ce n’est pas toujours possible. Ça mobilise aussi Catherine, vétérinaire à Caplan. Parfois, on ne peut pas y aller. Si j’y vais, j’ai 50 chats à capturer, un à un. La municipalité a fait ce qu’il fallait, mais ça ne nous donne pas automatiquement les moyens d’intervenir », souligne Mme Sainte-Marie.

« Finalement, les pompiers ont accepté d’entrer dans la maison avec leurs combinaisons et d’y attraper les chats. Le nombre à prendre en charge d’un coup allait dépasser la capacité d’accueil de la clinique vétérinaire et du Réseau. Le MAPAQ a fait appel à un refuge de l’extérieur qui est équipé pour les recevoir », dit-elle.

Mia Sainte-Marie entretient un espoir de voir la situation du Réseau de protection animale de la Baie-des-Chaleurs changer sous peu. « La MRC d’Avignon devrait bientôt profiter d’un projet du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation; on devrait être capables d’embaucher en fin d’année. Ça aiderait beaucoup dans la communication avec les bénévoles offrant un refuge, qui gruge beaucoup de temps. La MRC de Bonaventure donne son appui. Ça nous offre une ressource humaine pour coordonner les actions du Réseau de protection animale, mais pas un lieu physique. »

Elle croit que la MRC du Rocher-Percé a pris une bonne décision en fournissant un refuge à Dany et à son groupe de l’Organisme d’aide animal (OAA) Espoir câlin pour qu’ils prennent soin des animaux du secteur (voir autre texte 2/3).

« Les élus sont proactifs dans Rocher-Percé. Ici, dans la Baie-des-Chaleurs, les élus voient ça comme de l’argent dépensé pour les chats abandonnés. Ils ne sont pas assez conscients que c’est un service aux citoyens. Ce n’est pas nous qui ratissons les rangs pour ramasser les chats abandonnés […] Un refuge animal, c’est comme une piscine, un aréna. Ça ne sert pas à tout le monde mais c’est un service à la population. Des animaux abandonnés sur le camping de Carleton, ça arrive à chaque année! […] Ce n’est pas le cas de tout le monde, mais il y a des élus déconnectés de ce que le citoyen veut. Je vais mettre des pétitions dans tous les dépanneurs. Les élus vont voir ce que les citoyens veulent », précise Mia Sainte-Marie.

Les animaux jouent un rôle thérapeutique pour bien des gens vivant de sérieux problèmes

« On recueille des chiens [provenant] de femmes qui s’en vont dans les maisons pour femmes violentées. On reçoit des appels parce qu’il y a des chiens dans des voitures, dans des maisons. Si la personne n’a pas d’entourage pour prendre l’animal, que fait-elle? Ça retarde souvent le recours d’une femme violentée. Elle se demande ce qui arrivera à son animal; c’est parfois son seul ami », note Mia Sainte-Marie.

Elle croyait au départ que le Réseau de protection animale de la Baie-des-Chaleurs susciterait davantage d’intérêt
général.

« Ça explique le nom de réseau. On se disait que ça allait être un effort collectif. Les animaux errants appartiennent à personne mais c’est la responsabilité de tout le monde. Je suis toiletteuse. Ce que je fais pour le réseau est « gratis ». On se disait que les gens allaient s’impliquer, les élus aussi, pour la cause […] On pensait organiser des soupers spaghettis mais il y a eu des efforts de financement annulés à cause de la COVID. Nous sommes des gens proactifs, tous, et il faut que les choses avancent, mais ce n’est pas tout le monde qui avance à notre rythme. La souffrance animale n’attend pas. On refuse des cas, c’est épouvantable. On les voit, ces cas », déplore Mia Sainte-Marie.

 

REFUGES ANIMAUX : OÙ EN EST LA RÉGION? texte 2/4

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