RénoRégion : un manque flagrant de jugement… une fois de plus!
CARLETON-SUR-MER | On dirait que lorsque le gouvernement de la Coalition avenir Québec n’est pas dans la misère, il s’en crée lui-même! Non, mais qui a pu penser, en préparant le budget annoncé le 25 mars, qu’abolir le programme RénoRégion pouvait être une bonne idée, et que ça passerait inaperçu?
Fallait-il être déconnecté des réalités régionales pour abolir ce programme coûtant 19 millions de dollars annuellement, et qui avait servi depuis sa création à se traduire par des réparations nécessaires à des maisons privées de personnes aux prises avec des revenus de 30 000 $ ou moins?
Bref, c’était et ça reste, puisqu’il a été partiellement sauvé, un programme destiné aux personnes à faible revenu, généralement des personnes âgées sans fonds de pension autres que les régimes universels, ou des jeunes, très souvent des femmes monoparentales, sans économie, démarrant dans la vie, mais qui ont la chance d’avoir une propriété, bien qu’elle nécessite des réparations urgentes.
Bon, le programme a été rétabli le 8 mai, mais amputé de 52 % de son budget. La période d’incertitude de 44 jours était d’une part bien inutile, et elle se traduit d’autre part par un retard dans le dépôt des projets, comme si les personnes à faible revenu avaient besoin de délais pour obtenir de l’aide afin de réparer des murs extérieurs, des portes et fenêtres, de la toiture ou encore de l’isolation, les éléments visés par RénoRégion.
Au cours des deux dernières années, l’enveloppe annuelle totale de 19 millions de dollars (M$) avait été utilisée à environ 75 % de sa capacité, non pas qu’il n’y avait pas suffisamment de demandes, mais parce que certains critères du programme ne correspondaient plus à la réalité.
Ainsi, tout le monde, à part peut-être les décideurs du Conseil du trésor ou du ministère de l’Habitation, se souvient que la valeur foncière des propriétés rurales ou des petites villes a monté considérablement lors de la pandémie, alors que des dizaines de milliers de Québécois ont choisi de quitter les grandes villes pour l’espace et l’oxygène.
Or, en limitant à 150 000 $ la valeur foncière des propriétés admissibles au programme, RénoRégion réduisait sa clientèle potentielle, coincée de surcroît par des taxes municipales de plus en plus importantes.
Il ne fallait pas abolir RénoRégion; il fallait l’adapter au contexte de 2025!
Des bienfaits unanimes
En Gaspésie, des sommes de 5,2 M$ ont été investies depuis 2023 dans des toitures qui fuient ou des fenêtres inadéquates dans 283 projets. La subvention moyenne s’est établie à 18 394 $. Le taux de propriétaires dans la péninsule est plus important que dans tout le Québec, soit 78,3 % comparativement à 44,6 %. Le parc locatif y est donc limité, d’où l’importance d’aider les ménages à faible revenu. De plus, ce sont 8,7 % des ménages propriétaires qui vivent dans des logements nécessitant des réparations majeures.
En passant, la Société d’habitation du Québec a aussi suspendu le Programme d’adaptation de domicile et le programme Petits établissements accessibles, une torpille dont les personnes à mobilité réduite se seraient passées.
La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, ex-agente immobilière s’étant distinguée depuis sa nomination en 2022 par son manque d’empathie à l’endroit des locataires, a très mal défendu l’abolition de RénoRégion. Il était évident que son omission dans les documents budgétaires signifiait son abolition.
Elle a indiqué que RénoRégion reviendrait, peut-être sous une autre forme. Elle a aussi mentionné comme solution de rechange à la pénurie de logements la construction de projets multi-logements, 24 à 36 unités, sur deux ou quelques étages!
Une fois de plus, elle a prouvé son manque de compréhension des réalités de son ministère, ou de ce que devrait être son ministère. RénoRégion s’adresse à du monde ayant déjà un logement. Si on ne s’adapte pas à cette tranche de la population, on amplifie le problème. RénoRégion coûtait 15 M$ dans un budget de 168,2 milliards de dollars. C’était moins d’un dix-millième du budget total, et maintenant, c’est presque deux fois moins.
Les gens en milieu rural qui habitent leur maison depuis 2 ans, 60 ou 80 ans veulent y rester. Se retrouver dans un immeuble de 36 logements sur trois étages, c’est souvent les condamner à mourir d’ennui. Il n’y aura pas de 36 logements à Saint-Alphonse, à Cloridorme, Rivière-Madeleine ou à Escuminac. Les gens âgés veulent essentiellement rester dans leur communauté.
Quant aux plus jeunes gens à faible revenu, ils veulent juste une chance d’améliorer l’état d’une vieille maison qui fera leur affaire pendant 10 ou 50 ans.
La ministre Duranceau, qui avait montré de légers signes d’amélioration récemment, est vite retombée dans ses ornières habituelles : les idées de grandeur et le manque de discernement. Les personnes à faible revenu se qualifiant pour RénoRégion n’empirent pas la crise du logement. Ils en ont un, logement!
Pourquoi enverrait-on des personnes à faible revenu dans d’impersonnels édifices à logements quand elles sont bien chez elles? Hormis l’inhumanité d’un déracinement inutile, non souhaité et non souhaitable, la ministre Duranceau a oublié l’aspect extraordinairement avantageux, financièrement, de RénoRégion.
Le programme engage autour de 19 000 $ par projet. À travers le Québec, ce sont un peu moins de 1000 foyers qui en bénéficient annuellement. Ce pourrait être plus si les critères et l’enveloppe budgétaires étaient en phase avec les besoins.
Question de respect et de jugement
Bref, quand on compare ces données aux 800 000 $ engloutis en moyenne dans chaque unité de logement de Maison des aînés, on en vient à penser que le jugement manque quelque part, et depuis assez longtemps, au sein du gouvernement de François Legault.
Le premier ministre répond à chaque critique visant les Maisons des aînés que remettre ces projets en question revient à manquer de respect pour les personnes âgées. Il ne s’agit pourtant pas de ça.
Comment qualifier la décision initiale de son gouvernement de retrancher entièrement RénoRégion, pour balbutier devant le tollé soulevé par les municipalités rurales qu’un autre programme prendrait la relève, et finalement revenir au concept original, amputé de 52 % de son financement?
Si RénoRégion est revenu après 44 jours, c’est essentiellement parce que 500 municipalités et organismes ont envoyé au gouvernement caquiste des résolutions dénonçant son abolition.
Ce n’est pas manquer de respect à l’endroit des personnes âgées que de critiquer une façon de faire, et non le concept de Maisons des aînés. Il s’agit essentiellement de gérer l’argent public avec respect pour tous. Si cet argent est mieux géré, et il peut l’être, un plus grand nombre de personnes âgées y trouveront une place.
En prime, on pourra consacrer de meilleures sommes à RénoRégion, augmenter le nombre de projets pour des personnes à faible revenus, jeunes et moins jeunes, qui pourront conserver leur logement. Dans le cas des moins jeunes, elles et ils pourront recevoir des services sous leur toit, si c’est ce qu’ils préfèrent, et diminuer le nombre de personnes en résidences conventionnées.
Il est là, le respect pour tous, M. Legault. Il faut aider les personnes vulnérables de la société, pas les combattre.