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17 juin 2020 10 h 56

Suite : Les événements gaspésiens en temps de pandémie

Les événements gaspésiens ont été frappés de plein fouet par la suspension des festivals et la fermeture de bien des attractions d’ici le 1er septembre au moins, en raison de la pandémie. Graffici a joint les dirigeants de plusieurs organismes afin de savoir comment l’avenir se présente, à court et moyen termes, puis comment les équipes de direction et les bénévoles se mobilisent pour que ces événements et attractions restent bien vivants.

Réinventer le bout du monde

Par Lila Dussault

GASPÉ | À travers l’annulation forcée de tous les festivals jusqu’à la fin août par le gouvernement du Québec à cause de la crise de la COVID-19, le Festival Musique du bout du monde de Gaspé (FMBM) travaille à se réinventer tout en gardant le cap sur le vivre ensemble.

« Ce qui qualifie l’expérience de nos festivals (…) c’est le rassemblement sur la rue de la Reine, c’est la rencontre, c’est un énorme perron d’église », explique Steve Pontbriand, nouveau directeur du Festival depuis janvier 2020.

L’annonce de l’annulation a été un choc pour l’équipe de production qui espérait, jusqu’à la dernière minute, pouvoir présenter sa programmation cette année. «On a commencé par être dans le déni. Quarante-huit heures avant que l’État décrète la fin des festivals, on écrivait dans un communiqué qu’on espérait maintenir l’édition malgré le contexte actuel », se souvient M. Pontbriand.

Traverser le deuil
Cet ancien directeur du programme jeunesse du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Gaspésie décrit avec un certain humour les étapes du deuil qu’a traversées son équipe, passant du choc à l’acceptation.  La programmation 2020 n’avait pas encore été dévoilée à l’exception du spectacle du Camerounais Blick Bassy pour le célèbre lever du soleil au Cap-Bon-Ami. Cependant, elle offrait une belle représentation de la culture d’ici et d’ailleurs, selon M. Pontbriand. « Depuis quelques semaines déjà, on est en mode rebondissement », dit-il.

L’âme du festival : le contact humain
Comme beaucoup d’autres, le FMBM a envisagé le numérique pour faire rayonner son mandat. Cependant, il préfère l’idée d’activités culturelles permettant le contact humain tout en respectant les règles de distanciation sociale. « On peut s’imaginer un grand feu de camp avec des chaises à deux mètres les unes des autres, une animation musicale, puis une vue superbe. Il y a quelque chose, là, qui rejoindrait notre mission, peut-être plus que le virtuel », soutient M. Pontbriand.

Après avoir fait des recommandations en ce sens, l’équipe du Festival siège maintenant sur un groupe de travail sectoriel qui vise à élaborer un plan de sécurité sanitaire pour l’industrie touristique québécoise.

Au moment d’écrire ces lignes, les représentations en direct ne sont toujours pas permises.  Cependant, l’organisme a mis sur pied, dès que ça a été autorisé, une série de spectacles en direct, mais sans public, dans des lieux bien connus du Grand Gaspé.  Diffusé grâce à la plate-forme Facebook Live, le restaurant Brise-Bise et le groupe local Rose N’Joncas ont ouvert le bal le 16 mai, rejoignant près de 275 auditeurs partout au Québec.

Scénarios pour 2021
Financièrement, la survie du Festival n’est pas en jeu, mais la planification de 2021 s’annonce complexe. « Plus de 30 % de nos revenus sont autonomes, c’est-à-dire qu’ils sont relatifs à la tenue d’événements. (…) Il va falloir qu’on grandisse dans la prochaine année avec plusieurs scénarios sur la table », croit Steve Pontbriand.

Le Festival bénéficie du soutien financier d’une variété de bailleurs de fonds publics et parapublics, qui maintiennent leur appui à divers degrés. À cela s’ajoutent la Subvention salariale d’urgence du Canada spécifique à la crise sanitaire et une diminution des dépenses liées aux ressources humaines et à l’annulation du Festival.

Le FMBM a généré 12 000 nuitées dans la région en 2017 selon une étude de Segma Recherche. Son absence aura donc des conséquences autant économiques que sociales.


« Ce qui qualifie l’expérience de nos festivals (…) c’est le rassemblement sur la rue de la Reine, c’est la rencontre, c’est un énorme perron d’église », explique Steve Pontbriand. Photo : Gilles Gagné

Un spectacle virtuel pour célébrer la journée de la Gaspésie
Le 4 juin dernier, l’organisme Musique du bout du monde et le Festival en Chanson de Petite-Vallée se sont alliés à la Fabrique Culturelle et à la stratégie régionale Vivre en Gaspésie pour organiser un spectacle entièrement virtuel via Facebook.

Plusieurs artistes gaspésiens, natifs ou d’adoption, se sont produits en ligne du confort de leur foyer, en représentations en direct ou préenregistrées. Patrice Michaud, Ève Côté, Juan Sebastan Larobina et Laurence Jalbert, pour ne nommer que ceux-là, nous ont partagé une programmation sous le thème de la Gaspésie. Guillaume Arsenault a même introduit Jeter notre encre, une chanson composée par les 450 finissants gaspésiens de secondaire 5. La chanson a été dévoilée en primeur par un vidéoclip disponible sur différentes plates-formes.

En tout, ce sont 2750 comptes Facebook qui se sont connectés simultanément ce jeudi-là pour célébrer la Gaspésie, tandis que le spectacle a été visionné 70 000 fois depuis.


Photo : Vivre en Gaspésie

 

La Foire agricole et le Festival de musique de Shigawake : une première interruption en 111 ans

Par Gilles Gagné

SHIGAWAKE | Pour la première fois depuis 1909, les organisateurs de la Foire agricole de Shigawake passeront leur tour en 2020, pas parce qu’ils manquent d’énergie ou de bénévoles pour l’organiser, mais à cause de la COVID-19 et de l’obligation de respecter les règlements québécois sur l’annulation des festivals.

La Foire agricole de Shigawake constituait la plus vieille exposition agricole québécoise organisée sans interruption. Le Festival de musique qui est né l’année de son centenaire, en 2009, est devenu un complément indispensable dans la décennie qui a suivi.

Depuis 11 ans, la combinaison des deux événements a fait converger dans le village de 330 personnes, des milliers de personnes qui ne s’y étaient jamais arrêtées. Des artistes de renommée internationale comme Patrick Watson, Martha Wainright et les Barr Brothers y ont joué avec un plaisir évident, intercalant les performances avec des artistes gaspésiens. L’événement de la mi-août réalise des petits miracles avec un budget annuel d’environ 100 000$.

« La grippe espagnole, les guerres et la polio n’ont pas réussi à interrompre la Foire agricole, mais la pandémie, oui. Il y a des gens de septième génération dans l’organisation de la Foire agricole. Pour eux, c’est vraiment difficile à prendre », explique Meghan Hayes Clinton, directrice artistique du Festival de musique.

Le conseil d’administration des deux événements a reçu l’assurance que la subvention annuelle de Patrimoine Canada sera maintenue cette année.

« Nous serons capables d’organiser quelque chose, mais ça reste à définir. Nous sommes dans le processus de planification. Ce ne sera pas un spectacle auquel les gens pourront assister. Nous respecterons les directives gouvernementales. Il y a beaucoup d’inconnues. Nous allons innover et donner quelque chose à la communauté en conformité avec ces directives », ajoute Mme Hayes Clinton.

La stabilité financière de l’organisation et la force du bénévolat incitent l’équipe à s’engager résolument à une reprise de la foire agricole et du festival de musique en août 2021, à condition que la situation sociosanitaire ne se détériore pas avec le temps.

« Nous serons là. Nous voulons continuer à attirer des gens dans la région, l’aspect le plus important pour nous, avec ce que l’événement
apporte à la communauté », souligne-t-elle.

À la fois bien branchée sur les réalités artistiques anglo-gaspésienne et anglo-montréalaise, Meghan Hayes Clinton, qui travaille pour une firme de production de spectacles dans la métropole, constate le désarroi que cause la pandémie dans le monde musical.

« Notre industrie s’écroule, à 95 % présentement (…). Nous travaillons dans un milieu en changement constant et nous ne sommes pas habitués. Les artistes sont habitués à vivre dans l’incertitude mais pas à ce point. Il y a beaucoup de cas de dépressions à l’heure actuelle », constate-t-elle, confiante que le milieu rebondira, sans toutefois savoir comment.

 

 

Le Festival de musique et la Foire agricole de Shigawake jouent un rôle communautaire primordial pour le village de 330 personnes, en plus de constituer une occasion de rencontres pour une foule de personnes d’horizons divers, dont les musiciens. Photo : Gilles Gagné

 

Le Festi-Plage : garder le cap sur l’espoir

Par Lila Dussault

GASPÉ | Avec de grands noms tels que Simple Plan et Marie-Mai, des milliers de festivaliers étaient attendus sur la plage de Cap-d’Espoir à la fin du mois de juillet pour le 16e Festi-Plage.

L’annulation du festival, à cause de la COVID-19, est un coup dur pour le comité organisateur formé des 12 bénévoles qui portent le festival depuis ses débuts. « On avait mis le paquet! Et ça avait bien répondu dans nos ventes en ligne », affirme Ghislain Pitre, porte-parole à titre de président du Festival. La vente des billets s’était accrue de 60 % comparativement à pareille date en 2019.

« Cette année, on avait augmenté notre budget de programmation de plus de 75 %. (…)  Les Grandes Fêtes Telus de Rimouski avaient tassé leur festival de deux semaines, ça nous donnait une bonne chance parce qu’ils étaient la fin de semaine juste avant nous. Tout était là et malheureusement est arrivée la pandémie », ajoute M. Pitre.

Des finances saines pour faire face à la crise

Ayant longtemps fonctionné sans appui gouvernemental, le Festi-Plage bénéficie depuis 2017 d’une subvention du ministère du Tourisme du Québec lui permettant de faire face à la crise actuelle. Le tout s’allie à une gestion saine des finances, selon M. Pitre. « Notre festival génère des profits chaque année. (…) Ça fait en sorte qu’on a un fonds de roulement intéressant. »

Le Festi-Plage a perdu 20 000 $ en dépenses fixes cette année, avec le lancement, la publicité, les outils promotionnels, les passeports et la location d’un local. Grâce à la subvention gouvernementale, qui devrait être versée jusqu’à 80 % malgré l’annulation, il ne prévoit pas de déficit.  « On n’en perdra pas et on n’en gagnera pas, ça va nous permettre d’attaquer 2021 comme si on attaquait 2020 », calcule M. Pitre.

Un été incertain à Percé
Près de 100 000 $ de commanditaires locaux appuient le Festi-Plage chaque année, en échange des retombées que procure l’achalandage. « Pendant le Festival, c’est sûr que tout est plein à Percé : les campings, les hôtels », explique M. Pitre. Cette fois-ci, avec l’absence de tourisme et la fermeture des festivals, ça va être une année critique. Si les restaurants sont ouverts depuis le 15 juin, il n’en demeure pas moins selon M. Pitre que « ça va être un été incertain, comme on dit. (…) Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de Festival que les gens à Percé vont trouver ça difficile, c’est la situation en général », ajoute-t-il.

Ramener le party en 2021
Le Festi-Plage garde l’espoir de reprendre la même programmation pour l’année 2021. « On va avoir eu un été où on n’aura pas pu sortir, en profiter, socialiser, se rencontrer et prendre une bonne bière ensemble, donc en 2021, les gens vont se réapproprier leurs lieux culturels et leurs événements », espère M. Pitre. Le Festi-Plage l’été prochain? Un copier-coller de 2020, si possible. « On va essayer de reproduire cette année, parce qu’on avait  vraiment une formule gagnante! »


Près de 15 000 personnes avaient assisté à l’édition 2019 du Festi-Plage de Cap-d’Espoir. Photo : Festi-Plage

 

Bingos bleu en attendant le beau temps

Par Lila Dussault

GASPÉ | La direction du deuxième festival BleuBleu a choisi une voie ludique dans l’espoir de se produire de nouveau à Carleton-sur-Mer en 2021. Des Bingos bleus en ligne, animés par des artistes fétiches du Festival, se veulent un moyen de garder la culture active en ces temps de pandémie.

« La première édition a vraiment été un conte de fées », se remémore Myriam-Sophie Deslauriers, co-fondatrice. Lors de l’annonce de l’annulation de l’événement sur sa page Facebook, le festival a d’ailleurs mis en ligne une vidéo souvenir de cette édition sur la trame sonore de Je voudrais voir la mer.

« Étrangement, je crois qu’on était toutes assez sereines [lors de la prise de décision]. Dans des situations comme ça, il n’y a pas grand-chose à faire à part être résilient », raconte-t-elle. Le Festival ayant été annulé avant de s’être trop engagé financièrement, il encaisse le coup sans être « dans le pétrin ».

Un festival en voie de développement
Le concept de 2020 n’était pas un copier-coller de celui de 2019. De nouveaux lieux à plus grand déploiement étaient envisagés, comme l’église de Carleton-sur-Mer et l’école secondaire Antoine-Bernard.

« Au-delà des spectacles, notre concept c’est de créer une sorte de happening [occasion], que les gens se rassemblent, qu’ils mangent ensemble. On a un souper à la morue qu’on allait reprendre, il y a un pique-nique sur le belvédère du mont Saint-Joseph. On avait quelques nouvelles activités qui étaient en développement, donc pour 2021, c’est sûr qu’on va vouloir les produire. »

Le festival vise aussi à revaloriser le patrimoine architectural du village. « Personnellement, c’est ça qui m’inspire : redécouvrir des lieux qui ont eu une incidence historique ou patrimoniale, leur insuffler une vie nouvelle ou juste les mettre en valeur », précise Mme Deslauriers.

Jouer au bingo musical
Les fondatrices du Festival BleuBleu ont mis sur pied un concept de bingo musical en ligne sur Zoom pour tromper le confinement. Trois rencontres ont eu lieu au mois de mai, en collaboration avec la chanteuse Safia Nolin, l’artiste visuelle Pony et le chanteur Philémon Cimon. Animés par la journaliste musicale Élise Jetté, des extraits de chansons tirées du répertoire québécois ont été présentés, permettant de cocher une carte de bingo reçue à l’avance. L’événement a attiré 280 personnes au mois de mai.

Malgré tout, «il n’y a rien qui va remplacer le contact humain, quand un artiste vient interpréter ses chansons devant une foule », estime Mme Deslauriers.


BleuBleu a laissé de belles images dans la tête des festivaliers en 2019. Photo : Myriam-Sophie Deslauriers

 

Retour à l’hibernation pour la grotte de Saint-Elzéar

Par Lila Dussault

SAINT-ELZÉAR | Dès le début mai, la grotte de Saint-Elzéar, le principal attrait touristique de la municipalité nichée dans la forêt de la Baie-des-Chaleurs, a annoncé l’annulation de la saison 2020 à cause de la pandémie de la COVID-19.

« On a une coordonnatrice qui travaille de façon saisonnière, on ne veut pas la perdre », explique Catherine Arsenault, membre du conseil  d’administration du Comité de promotion des ressources naturelles de Saint-Elzéar (CPRN), l’organisme qui chapeaute le lieu. «Nos guides aussi. On voulait les avertir suffisamment d’avance. »

L’année s’avère difficile pour l’organisme qui encaisse tous ses revenus l’été, lors de la saison touristique. Les dépenses, elles, sont fixes : électricité, entretien, etc. Pour l’instant, le CPRN bénéficie du soutien du cabinet-conseil Leblanc Bourque Arsenault, grâce à une subvention de la MRC de Bonaventure. Il est aussi en démarche avec La Société d’aide au développement de la collectivité (SADC) de Baie-des-Chaleurs.

« On travaille activement pour savoir si on peut avoir du soutien pour au moins nos frais fixes. On a aussi d’autres projets, et on voudrait que notre coordonnatrice puisse commencer un peu plus tôt l’année prochaine [pour les mettre en œuvre] », espère Mme Arsenault.

La beauté sous terre
Datant de 230 000 ans, la grotte de Saint-Elzéar serait la plus vieille connue à ce jour au Québec, selon le ministère Environnement et Lutte contre les changements climatiques. Découverte en 1976, elle est située à 380 mètres d’altitude et à une quinzaine de kilomètres au nord de Saint-Elzéar dans la Réserve de biodiversité du Karst-de-Saint-Elzéar.

Jusqu’à présent, sept cavernes y ont été découvertes, dont deux sont normalement ouvertes au public. Les visites permettent d’observer plusieurs formations rocheuses : des coulées de calcite, des stalactites et des stalagmites, par exemple. Une variété d’ossements accumulés au fil des millénaires, certains ayant même appartenu à des animaux disparus de la région, témoignent du vécu de l’endroit, pour la joie des amateurs de spéléologie, d’aventure et de nature.

Des sentiers et des surprises
Les sentiers de la réserve demeureront ouverts cet été, mais l’absence de signalisation rendra l’accès difficile aux touristes, croit Mme Arsenault.  « On est le seul attrait touristique de Saint-Elzéar. Ça permet aux gens de savoir que Saint-Elzéar existe, de venir faire un tour. C’est sûr que c’est dommage pour la municipalité. »

En attendant de pouvoir découvrir la grotte l’année prochaine, il est possible d’en faire une visite virtuelle sur son site Internet au lagrotte.ca/visite-virtuelle/


La grotte de Saint-Elzéar, vieille de 230 000 ans, est l’une des sept découvertes dans la Réserve de biodiversité du Karst-de-Saint-Elzéar depuis 1976. Deux d’entre elles sont ouvertes au public et permettent d’observer formations rocheuses et ossements d’animaux disparus.
Photo : Alain Miville-Deschênes

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