• jeudi 18 avril 2024 14 h 35

  • Météo

    4°C

  • Marées

Actualités

Éditorial
14 septembre 2022 14 h 25

Un mandat plus que laborieux pour la CAQ en Gaspésie

Gilles Gagné

Éditorialiste

Partager

L’élection du 3 octobre semble jouée au Québec si on s’en remet aux sondages, dans lesquels la Coalition avenir Québec domine outrageusement. En Gaspésie toutefois, le parti de François Legault ne conquiert pas l’électorat aisément. Il a eu de la difficulté à recruter des candidates ou candidats, l’indicateur d’un bilan très laborieux.

Le premier ministre François Legault et son équipe sont loin d’avoir cassé la barraque dans la péninsule depuis l’élection du 1er octobre 2018. Maladroitement, au mois de décembre suivant, le premier ministre s’était engagé à travailler pour les Gaspésiens « même s’ils n’ont pas voté pour la CAQ », de façon à ce qu’ils votent pour son parti la prochaine fois.

Presque quatre ans plus tard, le bilan caquiste spécifique à la région est bien mince. C’est un échec, en fait. Il a fallu des années avant que les membres de l’équipe Legault réalisent les avantages de l’énergie éolienne, moins chère et moins dommageable que l’hydroélectricité pour l’environnement. Ce n’est que depuis février 2021, avec la relance du projet Apuiat sur la Côte-Nord, que la CAQ semble comprendre les avantages du vent.

Le bilan écologique de ce gouvernement est aussi bien faible. Le ministère de l’Environnement a eu besoin de deux ans d’émissions de poussières collantes à la cimenterie de Port-Daniel-Gascons pour s’attaquer au problème avec un minimum de vigueur.

Même si la Direction de la santé publique régionale a jugé les émissions collantes de 2020 et 2021 non dommageables physiquement, le laisser-aller précédant l’avis préalable à une ordonnance, émis en juin 2022, n’augurait rien de bon. Le consentement tacite des autorités lance trop souvent un bien étrange message aux entreprises polluantes : il est permis de laisser ce genre de situation perdurer, et même d’empirer.

La négligence environnementale du gouvernement Legault se répercute à d’autres échelons. Elle prend une tournure particulièrement lourde en matière de mobilité régionale.

L’éternelle ineptie en transport

En quatre ans, le ministère des Transports du Québec, propriétaire du chemin de fer Matapédia-Gaspé depuis 2015, n’a pas étendu d’un seul kilomètre les services ferroviaires vers l’est. Ces services n’allaient pas plus loin que Caplan en 2018 et ils ne vont toujours pas plus loin en septembre 2022!

L’impact est majeur pour la Société du chemin de fer de la Gaspésie, l’entité municipale responsable des trains de marchandises. Elle ne peut desservir directement la cimenterie de Port-Daniel-Gascons, une situation qui mine ses revenus et qui multiplie le nombre de camions circulant entre l’usine et le centre de transbordement route-rail de New Richmond.

De plus, tant que la cimenterie ne sera pas desservie directement par le train, un volume de ciment significatif continuera de partir par camion vers des destinations intermédiaires qui sont accessibles par rail, mais qui sont trop près pour justifier une rupture de charge à New Richmond, à savoir le transbordement dans des wagons.

Cette situation cause des dommages à la route, de la congestion inutile, surtout l’été, et d’importantes émissions de gaz à effet de serre, comme s’il n’était pas nécessaire de diminuer le lourd bilan de Ciment Saint Mary’s à cet égard. Chaque tonne de marchandises camionnée génère six fois plus de ces émissions qu’une tonne acheminée par rail sur la même distance.

Que le gouvernement Legault s’engage une énième fois à poursuivre les travaux de réfection de la voie ferrée jusqu’à Gaspé n’impressionne plus personne tant et aussi longtemps que les résultats se font attendre indûment. L’incurie en matière de transport est telle qu’il faudra plus de temps pour réparer le chemin de fer Matapédia-Gaspé qu’il en a fallu pour le construire, avec des moyens techniques infiniment moins développés. Entre 2018 et le début de 2022, le rythme d’investissement dans le réseau ferroviaire n’a atteint que 20 millions de dollars par an, c’est-à-dire 130 fois moins que pour le Réseau express métropolitain. Il n’y a pas 130 fois plus de monde à Montréal qu’en Gaspésie.

La faiblesse consommée du Programme d’accès aérien aux régions constitue une autre entrée d’eau dans le navire caquiste. Le principe général d’une offre de sièges adaptée aux besoins, à un coût raisonnable, n’entre pas dans la tête du gouvernement Legault. Il aurait fallu revoir de fond en comble le modèle de transport aérien, un exercice que l’État québécois n’était manifestement pas prêt à réaliser, malgré la déclaration le 8 février 2022 du ministre des Transports François Bonnardel à l’effet qu’il « faut être patient, ça s’en vient. On va déposer un plan qui va révolutionner l’aérien partout sur le territoire du Québec ».

On se retrouve pourtant avec un service un peu moins inefficace que le précédent. C’est un bien piètre résultat pour un programme qui a fait couler tant d’encre.

Déni nuisible

Le régime Legault s’est aussi cantonné dans le déni au cours de son premier mandat au pouvoir, surtout en matière de manque criant de places en services de garde et de pénurie de logement. Si ce déni avait été stérile, on pourrait lui pardonner; ce déni a toutefois été carrément nuisible à l’élan que la région se donne depuis des années pour renverser son déclin démographique.

Pendant les deux premières années et demie de son mandat, la CAQ s’est entêtée à nier la pénurie de places en garderies, conférant à la Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine un peu moins de la moitié des 1000 places nécessaires pour combler les besoins régionaux.

Les sociologues gaspésiens Pierre-Luc Lupien et Nicolas Roy ont démontré il y a un an que les fondements statistiques sur lesquels se basait le ministère de la Famille pour attribuer les places en services de garde étaient faux, qu’ils sous estimaient les besoins. Comment l’État a-t-il pu échapper cet autre ballon?

Jusqu’à tout récemment, le gouvernement caquiste niait l’existence d’une pénurie de logement au Québec et, à plus forte raison, en Gaspésie, où en certains endroits, comme à Gaspé, elle est d’une acuité pratiquement inégalée.

Pourtant, le gouvernement Legault n’a que lui à blâmer. Entre 2018 et 2021, il n’a créé que 500 appartements dans tout le Québec en matière de logement social, alors qu’il est reconnu que les besoins annuels s’établissent à 5000 unités et que le gouvernement précédent n’en faisait aboutir que 3000. La CAQ a empiré le déficit de logement!

En Gaspésie comme ailleurs, jusqu’à l’été 2021, les seuls projets qui débloquaient en logement social provenaient du programme AccèsLogis du régime précédent. Faut-il rappeler à quel point le manque de logement fait tout grimper, du prix des appartements au prix des maisons, et qu’il insécurise non seulement les plus démunis mais aussi la classe moyenne?

Cette ineptie et ce déni reviennent à faire trébucher une région qui se bat depuis 30 ans pour renverser le déclin démographique. Malgré les obstacles érigés par le gouvernement Legault, la Gaspésie a réussi à enregistrer des gains de population depuis quelques années. Quels résultats aurions-nous connus avec un appui potable?

Il est indéniable qu’autant d’échecs dans autant de secteurs vitaux pour la Gaspésie n’ont en rien aidé la CAQ à se trouver des candidats en prévision du scrutin du 3 octobre.

La pandémie a nui? Oui, elle a certainement ralenti le rythme de quelques réalisations mais elle a surtout solidarisé une grande partie de la population derrière le gouvernement Legault. Ce facteur, et la faiblesse d’une opposition fragmentée comme jamais, ont largement contribué à donner à la CAQ l’appui panquébécois dont elle semble jouir à l’approche des élections.

Il est donc loin d’être assuré que voter pour la CAQ solutionnera les problèmes qui ralentissent la Gaspésie. Il s’agit bien sûr d’une décision qui appartient à chacun de nous.