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Culture
20 janvier 2016 17 h 34

DE LA « CHICK LIT » POUR ADOLESCENTES

David Lonergan

Blogueur culturel

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Dou, Donavane de son prénom complet, fête ses quatorze au début du tome 1, Un été à la Dou Monroe, et ressent ses premiers émois amoureux qui s’amplifieront dans le tome 2, Un automne de surprises. Mais il n’y a pas que les garçons dans la vie de Dou, loin de là. Il y a ses deux grands frères, ses trois meilleures amies qui se surnomment les mousquetaires (évidemment), la haïssable Laura, sa mère trop autoritaire, son père absent, ses grands-parents paternels qu’elle adore, le détestable amant de sa mère (tome 1) qui deviendra son mari (tome 2) et qui ne sera plus détestable et les garçons en particulier Christophe et Joseph (dès le tome 1) auxquels s’ajoute Micky (tome 2). Le tout pimenté d’anecdotes qui relèvent de la vie d’une adolescente, mais qui peuvent avoir une grande importance aux yeux de Dou. Une vie bien ordinaire, animée comme toutes les vies d’adolescents avec les loisirs d’été, les partys, le travail saisonnier, les petites jalousies et les nombreux conflits qu’on se plaît à grossir.

KE Lacroix a su raconter une tranche de vie d’une adolescente délurée, aventureuse, baveuse quand il le faut, généreuse, curieuse, drôle et tendre, et, surtout, en vie. Comme le veut ce genre de roman, Dou est la narratrice de ce qui pourrait être son journal intime. Elle s’adresse au lecteur, organise son propos en chapitres tous orientés autour d’une des (nombreuses) « lois des Dou-en-état-de-choc ».

KE Lacroix ne cherche pas à renouveler l’écriture romanesque, mais à exprimer avec tendresse et humour ce que Dou ressent, imagine et vit. Et sa plume convient tout à fait à ce qu’on attend d’un roman pour adolescents construit sur le mode du chick-lit.

Je ne sais pas si vous avez déjà lu un roman de chick-lit, cette littérature populaire qui rejoint principalement des lectrices de 18 à 25 selon Nathalie Roy, l’une des vedettes de ce genre. Je pourrais aussi nommer la pionnière québécoise du genre, Rafaële Germain et Amélie Dubois. Les caractéristiques du genre sont simples : une héroïne (jolie et brillante bien évidemment) qui est bien souvent la narratrice, de nombreuses anecdotes tant sociales, familiales qu’amoureuses, des caractères bien typés et de nombreux personnages secondaires, ce qui permet de créer des séries. Ainsi Nathalie Roy a écrit deux séries fort réjouissantes autour de Charlotte Lavigne (en quatre tomes) puis de Juliette Gagnon, la fille de Juliette (en trois tomes). Le tout agrémenté d’humour, parfois d’érotisme, et toujours d’une bonne dose de bon sens et d’ouverture à l’autre.

On retrouve dans La vie selon Dou toutes les caractéristiques de ce type de roman, érotisme en moins : le monde de Dou est celui des premiers baisers, de l’éveil du désir et si l’un des jeunes couples franchit « la limite », Dou demeure extrêmement vague sur ce que cela peut signifier. Mais pour le reste, tout est là : nombreux dialogues (tous écrits dans une langue qui fera plaisir aux professeurs de français, mais qui à cause de ça est un peu artificielle), rebondissements, réactions et commentaires délirants de Dou. La quotidienneté en action! On ne s’ennuie pas en présence de Dou.

KE Lacroix est née à Paspébiac où elle semble toujours vivre. Comme elle, Dou vit dans un village côtier de la Gaspésie. Mais Lacroix a choisi d’inventer ce village et de le nommer Mertierville. Nulle surprise qu’il ressemble fortement à Paspébiac : il est situé en haut d’une falaise au pied de laquelle des bâtiments historiques attirent les touristes. Le village voisin, Saint-Andrew est comme par hasard anglophone (New Carlisle) et les grands-parents de Dou vivent à Sansfaçon, un village de l’arrière-pays qui n’est pas sans rappeler Saint-Jogues. Sans oublier que ça prend quatre heures de route pour rejoindre la grande ville de la région Chanteclair (Rimouski). Elle explique qu’elle voulait qu’ainsi les « gens puissent s’identifier au récit ». Peut-être, mais alors pourquoi Montréal demeure-t-elle Montréal? Et pourquoi y a-t-il de nombreuses références musicales et cinématographiques toutes véridiques? Les chansons, les films, les mangas qu’elle cite donnent de la vérité à son récit et incitent le lecteur à aller sur Internet s’il a besoin d’informations. Dou est une artiste dans l’âme (elle dessine et veut être écrivaine) et Lacroix a su rendre compte de ses intérêts culturels. Ce qui fait que la seule région imaginée est la Gaspésie. Personnellement, je trouve ça dommage, mais d’un autre côté je comprends la difficulté qu’il y a à raconter une histoire fictive qui se situerait dans un petit milieu où tout est connu par tous.

Il n’en demeure pas moins que La vie selon Dou trace un portrait vivant et sensible d’une jeune fille et de son environnement physique, social, culturel et affectif. Ce n’est pas de la grande littérature, mais c’est très distrayant et pas seulement pour les adolescentes.