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2 novembre 2015 17 h 13

LE PHARE DE LA FIERTÉ

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Situé à la limite nord de la ville de Gaspé, ce phare qui a voyagé puisqu’il est allé passer près de 20 ans dans la capitale québécoise, est un véritable symbole de fierté pour sa petite communauté, tant il a eu un effet rassembleur, tant il a été un symbole de prise en charge et d’appropriation. Petit résumé d’une belle histoire.

L’histoire débute en octobre 1880, il y a exactement 135 ans, alors qu’un petit phare-maison de bois, haut de 15,2 m, commence à balayer les eaux du golf de sa lumière blanche visible à 33 km par beau temps. Construit par le gouvernement canadien au coût de 4000 $, le phare projette une lumière produite par un brûleur à mèche alimenté par de l’huile de pétrole. Avec les phares de Cap-des-Rosiers en 1858 et de Madeleine en 1876, le phare de Fame Point avait pour but de rendre plus sécuritaire la navigation dans le détroit d’Honguedo, ce bras de mer entre Anticosti et la Gaspésie, par où transitent tous les navires entrant et sortant du fleuve.

Et question de toponymie, la petite histoire raconte que Fame Point proviendrait de la traduction anglaise de Pointe-à-la-Faim, un nom donné au lieu par des naufragés, et qui a été traduit en français pour devenir Pointe-à-la-Renommée.

Ouvert sur le golf, ses vents et ses bancs de brume, le site de Pointe-à-la-Renommée connaît un important développement en 1904, alors qu’il se voit doté de la première station radio maritime de télégraphie sans fil (T.S.F.) en Amérique du Nord, une technologie innovante inventée par Guglielmo Marconi qui va améliorer la communication dans le domaine de la navigation. Le premier message en morse de cette station est envoyé au paquebot « Le Parisian » le 25 juin 1904.

Modernisme oblige, en 1907, un nouveau phare vient remplacer les premières installations. Peint en rouge, la nouvelle structure cylindrique, faire d’un assemblage de panneaux de fonte, a une hauteur de 15,5 m et sa lumière à 57,5 m au-dessus de la mer, est visible à 83 km, aussi loin que d’Anticosti.

Au cours des deux conflits mondiaux du 20e siècle, la station de Pointe-à-la-Renommée joue un rôle stratégique au niveau des communications grâce à la TSF. Durant la Première Guerre, l’armée canadienne y aménage un camp avec l’objectif de surveiller les échanges d’informations en temps de guerre. Rôle identique durant la Deuxième Guerre, alors que Pointe-à-la-Renommée est à l’avant-scène des communications au moment de la bataille du Saint-Laurent de 1942 à1944.

Les décennies d’après-guerre seront néfastes pour la Pointe-à-la-Renommée. À l’automne 1957, la station TSF cesse ses activités et est déménagée à Rivière-au-Renard. Puis, moins de 20 ans plus tard, en 1975, la lampe du phare est éteinte de façon définitive après 95 ans d’éclats lumineux lancés sur le golfe.

Devant l’absence de projet d’appropriation ou de mise en valeur soutenu par le milieu local et régional, La Garde Côtière canadienne démonte le phare en 1978 et le transporte à Québec où, il trône à compter de 1981 devant son siège social dans le Vieux-Port. Pendant une dizaine d’années, des intervenants du milieu culturel gaspésien s’insurgent contre ce déménagement, mais sans obtenir de véritables écoutes de la part des autorités.

Après la fermeture de son usine de pêche, un comité de développement est créé à L’Anse-à-Valleau et se donne comme mission d’identifier des alternatives de développement. Le patrimoine maritime, symbolisé par le phare, est alors perçu comme la voie de développement pour la petite collectivité.

En 1991-1992, le Comité local de développement, réunissant des femmes de la communauté, entame des négociations qui aboutissent cinq longues années plus tard. Ainsi, en novembre 1997, le phare est enfin de retour sur la côte gaspésienne. Avec le phare comme pièce maîtresse, le site de Pointe-à-la-Renommée revit et, en quelques années, la Station Marconi et la maison-phare revoient le jour, reconstituant un ensemble patrimonial unique sur la côte gaspésienne.

Avec la communauté de L’Anse-à-Valleau, le site en profite pour souligner les événements de son histoire, soit le 100e anniversaire de la station Marconi en 2004 et le 100e anniversaire du 2e phare en 2007. Finalement, en 2011, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada reconnaît la création du service canadien de radiotélégraphie maritime comme étant un Événement historique national. L’année précédente, la Ville de Gaspé avait cité le site comme monument historique municipal. Puis en 2012, une plaque commémorative a été dévoilée en hommage à la première station de la Marconi implantée en 1904.

Depuis, à travers ses expositions ouvertes au public, le site met en valeur le site, mais aussi la présence humaine puisque des générations de gardiens de phare et d’opérateurs radio et leurs familles ont vécu sur le site et en ont assuré la survie, tout en l’ancrant dans l’histoire gaspésienne. Avec le retour de son phare, le site de Pointe-à-la-Renommée est avant tout un exemple de fierté et d’identité culturelle retrouvées.

Pour en savoir plus sur le sujet, consulter : Le rapatriement du phare de Pointe-à-la-Renommée : l’identité retrouvée, de l’historien Jean-Marie Fallu, dans la revue Continuité, N0 77, 1998.