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Culture
26 octobre 2015 17 h 42

LES 25 ANS DE VASTE ET VAGUE

David Lonergan

Blogueur culturel

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Évidemment, quand on vit de l’autre côté de la Péninsule ou à son extrémité et qu’on n’est pas un artiste, Vaste et Vague demeure le plus souvent une galerie qu’on fréquente de temps en temps, au hasard des séjours dans la Baie-des-Chaleurs. Toutefois, si l’on est un artiste, la dynamique n’est plus du tout la même : ce centre d’artistes bien installé dans le Centre de production et de diffusion culturelle qu’est le Quai des Arts de Carleton est beaucoup plus qu’un lieu d’exposition, c’est un lieu d’animation, de réflexion et bien sûr d’expositions, orienté vers l’art contemporain et la création.

Vaste et Vague est né en 1990 « grâce à un regroupement d’artistes gaspésiens désireux d’avoir accès à un espace de création et de diffusion » nous apprend son site Web. À l’époque il n’y a que le centre Espace F (fondé à Rimouski en 1987 puis déménagé à Matane) qui se consacre surtout à la photo/vidéo comme centre d’artistes autogéré dans tout l’Est-du-Québec. Oh, il y avait des galeries, des musées, des centres d’interprétation, mais aucun organisme ne se consacrait aux artistes en arts visuels. Aujourd’hui, Vaste et Vague est toujours le seul lieu accrédité en arts visuels actuels et contemporains en Gaspésie.

J’ai eu la chance de voir (vivre) le premier événement présenté par Vaste et Vague, Bonjour Françoise, créé in situ sur la terre d’Adrienne Luce à Port-Daniel à l’été 1990. Une exposition itinérante composée de certains artéfacts et de photos des œuvres, et un catalogue ont complété la démarche assurant une certaine pérennité à ces œuvres éphémères. Cet événement se voulait un hommage à la poète et artiste Françoise Bujold (1933-1981), native de Bonaventure à qui on doit sans doute les plus beaux textes sur la Gaspésie.

Bonjour Françoise donnait le sens de la mission que poursuit toujours Vaste et Vague. Cet événement entremêlait performance, installation, poésie et musique, tout ça magnifiquement fondu dans le paysage. Comme le rappelle Réjeanne Audet dans le catalogue, « l’osmose entre les différentes formes d’art venait de trouver un lieu à sa mesure : une immense galerie pleine de murmures et d’odeurs ». Parmi les artistes participants, Jako Boulanger, Fernande Forest et Yves Gonthier sont toujours membres de Vaste et Vague.

Si les expositions présentées dans sa galerie sont l’occasion de découvrir ou de suivre des artistes tant locaux que d’ailleurs, les symposions et les interventions dans l’espace (« in situ ») de la région apportent un regard inédit sur l’art tout en rejoignant l’ensemble de la population. Ces événements nourrissent la démarche des artistes et enrichissent l’imaginaire des visiteurs qu’ils soient de la région ou d’ailleurs. Aux artistes, Vaste et Vague offre des résidences de recherche et de création, les outils du laboratoire Nouveaux Médias et un centre de documentation sur les arts, autant de moyens de favoriser la création.

Le plus récent projet d’envergure, Séjour temporaire/altération provisoire qui a eu lieu du 24 juin au 7 septembre 2013 est un parfait exemple du rôle créateur de Vaste et Vague. Un très beau catalogue est venu le compléter en décembre 2014. Ce projet réunissait huit artistes contemporains dont deux membres de Vaste et Vague et six autres centres d’artistes d’un peu partout au Québec. Placé sous la responsabilité de la commissaire Marie-Hélène Leblanc, l’activité s’est déroulée en trois temps : résidence de prospection à Carleton en mai 2012, une année de production dans leur région respective et enfin la finalisation de l’œuvre et sa diffusion sur le territoire de Carleton.

Le titre donnait le ton : les artistes ont séjourné temporairement à Carleton et leurs œuvres ont altéré provisoirement le paysage en y introduisant des éléments qui ont suscité curiosité et réflexion, tout en liant l’ensemble avec la saison touristique. Ainsi, la galerie a été transformée en kiosque d’information touristique qui présentait les démarches des artistes dans des présentoirs qui rappelaient ceux des véritables kiosques. Une carte fort détaillée a été largement distribuée pour faciliter la visite aussi bien des œuvres que des commerces et sites de Carleton. Enfin, le catalogue tient davantage d’un livre d’artiste que d’un simple catalogue : textes très intéressants, reproductions en couleur des œuvres, papier glacé et cartonné. Comme le souligne Marie-Hélène Leblanc, « en utilisant les mêmes codes que l’économie touristique, ce projet artistique vise à faire voir autrement le paysage réel de Carleton et la perspective contextuelle de l’événement ».

On comprend alors pourquoi Pascal Alain, le directeur du loisir, de la culture et du tourisme de Carleton affirme que Vaste et Vague est « un magnifique laboratoire rempli d’imaginaire, d’imagination, de créativité, d’humanité, de découvertes, de spiritualité. Un lieu unique de création et de partages en Gaspésie qu’il nous faut préserver et chérir encore longtemps. Un antidote à l’indifférence et à la marchandisation de nos vies ».

D’une façon générale, on peut dire que la vision qu’avait Yves Gonthier s’est en bonne partie réalisée : « Quand j’ai fondé Vaste et Vague, je le voyais comme un lieu d’exploration, d’exposition, de partage. Et un véhicule qui accompagne ses artistes pour rayonner hors de la région, un tremplin vers le national et l’international ».

On peut tout savoir sur Vaste et Vague en fréquentant son site Internet, sa page Facebook et son compte Twitter.