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16 septembre 2015 11 h 36

Les traces de Timothée Auclair et les aventures de Coquine et Scapareau

David Lonergan

Blogueur culturel

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À l’occasion du Festival du bois flotté de Sainte-Anne-des-Monts qui a eu lieu au début août, deux des trois théâtres professionnels de la Gaspésie ont présenté leurs créations. Deux approches fort différentes tant dans la forme que dans le fond, mais qui toutes deux utilisent un minimum de moyens techniques.

Théâtre Témoin

Fondé par Valérie Bertrand-Lemay et par Marie-Anne Dubé en 2012, le Théâtre Témoin « vise la démocratisation de l’espace théâtral, l’appropriation des lieux publics et l’exploration de la tradition orale ». Ambitieux programme qui n’est pas sans évoquer la démarche des troupes de jeune théâtre des années 1970 et 1980.

De fait, la compagnie présente ses spectacles de préférence en plein air, mais se rabat sur des salles si les circonstances l’y obligent. Ce qui fut le cas à Sainte-Anne. Le lieu choisi étant battu par un vent généreux, les comédiens ont prudemment décidé de se réfugier dans la microbrasserie Le Malbord. Leur site Web et leur page FaceBook expliquent leur démarche et relatent leur parcours.

Au pied de la lettre, leur quatrième création, s’inspire librement d’une partie de la vie de Timothée Auclair alors qu’il livrait la poste à pied entre Sainte-Anne et Rivière-au-Renard de 1857 à 1860. Quinze jours aller, quinze jours retour, hiver comme été. En suivant la grève puisqu’il n’y avait pas de chemin. La Revue d’Histoire de la Gaspésie (maintenant Gaspésie) avait repris en 1963 un texte qu’Auclair, alors âgé, avait fait paraître dans La Presse en 1923 sous le titre de « Les souvenirs d’un pionnier ». Ces articles avaient piqué la curiosité de Valérie et de Marie-Anne. Une petite recherche leur avait permis de retrouver les descendants de Timothée à Rivière-à-Claude.

La compagnie avait présenté une première version de cette histoire l’année dernière. Elle avait alors favorisé la forme du conte un peu à la façon de Fred Pellerin en faisant appel au réalisme, à la fantaisie et à l’occasion au fantastique. Valérie et Marie-Anne en étaient les narratrices tandis que Sébastien Tardif tenait le rôle alors peu développé de Timothée.

La seconde version dans laquelle on retrouve les trois mêmes comédiens entremêle la forme du conte avec celle du théâtre. Les comédiens se partagent le rôle du conteur et interprètent différents personnages dans des scènes qui viennent illustrer certains épisodes du périple bimensuel de Timothée. Il en résulte un spectacle intéressant bien rythmé, drôle et touchant et d’une charmante simplicité.

Cette simplicité tient tout autant à l’écriture qu’à la scénographie, l’éclairage et la mise en scène. Ici, on limite au minimum les artifices. Quelques spots se contentent d’offrir un plein feu qui permet de bien voir les comédiens, tout en se permettant les quelques fantaisies que permet le matériel. La scénographie de Catherine Beau-Ferron est tout aussi simple qu’imaginative : une toile de fond qui représente les paysages des différentes scènes de la pièce que les comédiens déroulent selon les besoins de l’action et à laquelle s’ajoutent quelques rares accessoires. Le tout construit pour être facilement transportable et installé à l’extérieur ou dans des lieux qui n’ont rien à voir avec une salle de théâtre ce qui correspond à la réalité de la plupart des villages.

Enfin, un texte bien construit qui s’adresse à un large public qu’on pourrait qualifier de familial et qui nous présente tout un pan de l’histoire de la Gaspésie alors qu’on en est au début de la colonisation; par exemple, il n’y a qu’une famille à Rivière-à-Claude en 1857, celle de la future femme de Timothée.

Théâtre de la Petite Marée

Fondé en 1994, le Théâtre de la Petite Marée est installé à Bonaventure et présente ses créations dans la salle du « Préau » du camping Beaubassin et en tournée.

Les aventures de Coquine et Scapareau racontent une mésaventure qui est arrivée à Scapareau : son camion qui transporte la crème glacée prévue pour la fête municipale s’embourbe puis est volé! Avec l’aide de Coquine, de Bardasse, du Garde-Chasse (peu efficace au demeurant) et des spectateurs, Scapareau retrouvera le camion avant que la crème glacée ne soit fondue. Tout est bien qui finit bien par une chanson bien évidemment.

Un charmant petit castelet, des marionnettes construites par Karine Leblanc et manipulées habilement par Pierre-André Bujold et Édith Bélanger dans l’esprit du guignol, un dialogue qui se limite à l’essentiel, une mise en scène alerte de Jacques Laroche et une participation bien dirigée des enfants font de ce court spectacle (25 minutes) un amusant divertissement pour les petits enfants (2 à 7 ans), tout en demeurant attrayant pour les plus âgés et même pour les adultes à qui s’adressent quelques pointes politiques et sociales humoristiques.

La simplicité comme mode d’expression

D’une façon générale, les pièces de théâtre produites par des compagnies professionnelles exigent des moyens techniques élaborés. Par exemple, plusieurs des compagnies québécoises auraient de la difficulté à présenter leurs créations dans la Salle Francis-Pelletier de Sainte-Anne-des-Monts tout simplement parce qu’elle n’a pas la profondeur scénique suffisante pour accommoder le décor. Et pourtant, la salle est moderne et relativement bien équipée.

Il est bien évident que les bonnes vieilles salles de l’âge d’or, les sous-sols d’église et autres salles communautaires ne répondent plus du tout aux besoins minimaux des productions actuelles. Tout comme peu de compagnies s’aventurent à jouer à l’extérieur. Sauf le Théâtre Témoin et la production « légère » de la Petite Marée qui ont pris les moyens pour se diffuser dans les villages dehors comme dedans.

La démarche du Théâtre Témoin répond à un besoin en Gaspésie (et dans les autres régions dites périphériques). D’abord en proposant des œuvres qui s’inspirent du milieu humain et géographique et ensuite en s’organisant pour les rendre accessibles tant dans leur forme théâtrale que dans leurs moyens techniques. La volonté de Marie-Anne et Valérie de se servir du conte, un art populaire par excellence, et de le fusionner avec le théâtre afin de créer une façon originale de raconter des histoires me semble riche de possibilités. De la même façon en utilisant des marionnettes qui s’inscrivent dans le genre du guignol, la Petite Marée cherche à renouveler ce qui était d’abord et avant tout un divertissement du peuple.