SI TU EXISTES
Ça fait plusieurs années que je m’imperméabilise au temps des Fêtes. Que je dresse un petit bouclier que je ne baisse que le 24 décembre au soir. Depuis qu’on me vouvoie dans les magasins. Depuis que j’ai mis de côté les calendriers de l’Avent, les bricolages et Ciné-Cadeau. Depuis que j’ai compris que le temps des Fêtes amène à certains plus de tristesse que de joie.
Je ne t’apprendrai rien ici, Petit Papa Noël. Je ne suis pas l’une de tes plus grandes fans. Je ne déteste pas Noël. Juste que ta fête ne me fait ni chaud ni froid jusqu’à ce que je revienne «à la maison», que je serre les membres de ma famille dans mes bras, que je vois le sapin de Noël de ma mère et la cargaison de beignes que mes parents concoctent pour acheter la paix. Noël ne vient me chercher qu’à la dernière minute chaque année. In extremis. De plus en plus tardivement, on dirait.
Ça commence presque à me faire peur. Je crains que l’esprit des Fêtes ne m’atteigne plus à temps, un de ces jours. Mais il y a pire, tu sais : à 28 ans et demi, j’ai bien peur de ne plus beaucoup croire en toi.
Considérant cette croyance qui s’effrite, tu dois trouver étrange que je t’écrive. Disons que je t’adresse cette lettre au cas ou. Je n’ai pas de chance à prendre, cette année. Il y a une chose si importante que je veux te demander que le cœur se serre lorsque j’y pense. Il y a au moins 20 ans que je n’ai pas tant espéré en t’écrivant.
Si tu veux bien oublier quelques minutes que je ne suis plus une enfant, que je suis inondée par l’âge adulte, je vais te passer une commande, monsieur Noël. S’il est vrai que tu es magique et si généreux, peut-être accepteras-tu d’exaucer mon souhait.
Tu sais, cette magie de Noël que je n’utilise pas? Celle que je laisse s’éteindre dans un tiroir? Pourrais-tu l’amener à Félix quand tu passeras par Saint-Siméon, en Gaspésie? Pour que son cœur soit tellement rempli d’amour et de bonheur qu’il parvienne à oublier qu’à 9 ans, son petit corps d’enfant se bat contre un deuxième cancer. Pour qu’il vive le Noël que tous les enfants du monde méritent : un Noël d’insouciance, un Noël d’enfance. Un coup parti, peux-tu lui donner un peu de ma santé, une petite dose de mon énergie?
Et si jamais, dans la craque des coussins de ton traîneau et dans ton manteau rouge que tu ressortiras bientôt, tu trouves quelques dollars qui trainent… Pourrais-tu les mettre de côté pour la famille de ce jeune super-héros gaspésien? Pour ce petit combattant si courageux à qui la vie impose un deuxième round?
Je te laisse le lien ici, au cas ou : www.gofundme.com/pxc28z5g
Santa Claus, je sais bien que l’argent ne combat pas le cancer des os et qu’il n’achète pas la santé, même pour les enfants les plus sages. Mais je sais aussi qu’il rend les batailles moins inquiétantes. Lorsqu’il est là, il a ce don d’atténuer le stress et de permettre de se concentrer sur ce qui compte le plus. Guérir.
Père Noël, fais cela pour moi, je t’en prie.
Si tu existes.
Quand tu descendras du ciel avec des jouets par milliers, n’oublie pas ma demande.
N’oublie pas Félix.
Roxanne Langlois, 28 ans et demi