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25 juin 2013 15 h 49

Apiculture : Un début d’année difficile en Gaspésie

MARIA- Cet hiver, l’apiculteur John Forest a perdu près de la moitié de ses abeilles. Plusieurs facteurs pourraient être en envisagés selon les spécialistes.

«C’est la deuxième plus grosse perte d’abeille que j’ai connu dans ma carrière,» explique l’apiculteur John Forest. Installé à Maria, le plus gros producteur de miel en Gaspésie a perdu 40 % de ses abeilles, en un an. Il possède 750 colonies d’abeilles et disperse ses ruches dans une trentaine d’endroits de la Baie-des-Chaleurs.

À Gaspé, Manon Houle a perdu quatre ruches sur 12 cet hiver, à Percé. L’an passé, elle avait perdu la moitié de ses ruches. L’apicultrice surveille aussi l’état de 50 colonies de particuliers. « Il y a eu des ruchers par ici et Gaspé avec des records de survie,» décrit-elle.

Un hiver rigoureux

Les abeilles et les reines ont été retrouvées mortes après l’hiver. Au Québec, les hivers sont longs et le dernier a été particulièrement humide. « Les abeilles détestent encore plus l’humidité que le froid, » explique Manon Houle. Mais selon elle, plusieurs facteurs doivent être considérés : «C’est surtout dû à de mauvais emplacements, au ruissellement de l’eau, à l’exposition aux vents ou à la hauteur du sol de la ruche.»

Des causes « mystérieuses »

La première grande perte de M. Forest, lui avait coûté 800 ruches sur 1000, en 2003. Le varroa était une des causes principales de cette hécatombe. Cet acarien venu d’Asie s’accroche aux abeilles. Il se nourrit de leur lymphe (leur sang) ce qui les affaiblit. Une fois entré dans la ruche, il s’attaque aux larves dont il se nourrit et laisse plusieurs abeilles naissantes handicapées.

Depuis 10 ans, les apiculteurs utilisent une technique biologique et peu couteuse. « Le varroa tombe à 99% si on traite régulièrement, mais il y a toujours un pour cent qui reste dans les œufs et qui repart le bal, » dit Manon Houle. «Le printemps chaud et hâtif, combiné à l’été plus long, ont été propices à l’infestation du varroa,» analyse le médecin vétérinaire responsable du réseau sentinelle apicole, MAPAQ, Claude Boucher.

Mais selon John Forest, les pertes qu’il a connu cette année sont «mystérieuses». « Le taux de mortalité de mes abeilles est en moyenne de 2 % à 6% en hiver, » décrit l’apiculteur installé en Gaspésie depuis 36 ans. « L’an passé, il était de 8 %, et cette année de 40 %, » dit-il.

Les pesticides ?

Cette année a été particulièrement difficile pour les apiculteurs au Québec. Certains experts pointent du doigt les pesticides néonicotinoïdes qu’on retrouve essentiellement dans les cultures de maïs, de soja et de canola.

«Les semences sont enrobées de ces pesticides et mises en terres, le produit va ensuite atteindre le pollen lorsque la plante grandit et forme une fleur,» explique la professeure associée au département biologique de l’Université du Québec à Montréal, Madeleine Chagnon. Les abeilles qui butinent ces pollens sont intoxiquées par «des doses infimes et sous-létal. Cela agit à retardement, et petit à petit elles meurent. C’est très difficile à analyser,» décrypte Mme Chagnon.

Ces pesticides sont «très persistants dans nos sols tempérés, ils y restent presque deux ans,» ajoute Mme Chagnon.

Une synergie de facteurs

En Gaspésie, les cultures de maïs et de soja, bien que traitées,restent peu nombreuses.

Comment peut-on alors expliquer la mortalité de ces abeilles dans des régions où les pesticides sont peu présents ? Il n’y a pas eu d’analyse scientifique en Gaspésie, mais cela peut être une synergie de facteurs. « Si les abeilles doivent combattre les pesticides ou/et sont fragilisées par le froid ou l’humidité, leur système s’épuise et elles succombent plus vite aux maladies opportunistes comme le varroa, » analyse M. Chagnon.

Une affaire mondiale

La mortalité des abeilles est une problématique mondiale qui touche le Québec depuis 20-25 ans selon le médecin vétérinaire, Claude Boucher. «La mortalité hivernale est en moyenne de 30 % au Québec, elle est en partie reliée au problème de l’environnement, de l’agriculture intensive, et à l’appauvrissement de l’environnement floral,» décrit-il.

Cette instabilité rend difficile l’activité des apiculteurs et leur demande du travail supplémentaire pour garder en vie les insectes garants de leur chiffre d’affaires.

«Les abeilles sont le baromètre de l’environnement,» constate Manon Houle. La mortalité des abeilles inquiète aussi les scientifiques sur la santé des polinisateurs sauvages. Leur survie est essentielle aux productions maraîchères et florales.