Concours d’écriture : Catégorie Adulte
C’est avec une joie renouvelée que GRAFFICI a le plaisir de vous partager les textes gagnants de notre cinquième concours d’écriture, dont le thème cette année est « Passage ». À priori, toute l’équipe du journal tient à féliciter les lauréats, mais également tous ceux qui ont participé. Le gagnant de chacune des catégories (Adulte, Élève du primaire et Élève du secondaire) se verra remettre une somme de 250 $, sans compter le coup de coeur du jury. GRAFFICI est donc fier de distribuer des prix totalisant 1000 $ aux auteurs de la région. Aujourd’hui, nous vous présentons le récipiendaire de la catégorie Adulte, ainsi que les deux mentions spéciales attribuées par le jury. Les textes gagnants des deux autres catégories suivront dans la prochaine édition (ainsi que le coup de coeur du jury). À noter en terminant que les élèves du primaire et du secondaire ont encore jusqu’au 3 mai pour envoyer leurs textes.
Texte gagnant de la catégorie Adulte :
Un lent sifflement
Par Mathieu Harton de Saint-Siméon de Bonaventure
Le matin a vêtu un vent poreux.
Une luminosité timide zigzague à travers les essences mixtes.
Comme un chef d’orchestre,
le vent dirige les mouvements des branches vadrouilles.
Le vacarme de la canopée en pagaille
calme les constellations de mes pensées routines.
Assis dans le creux d’un cèdre tordu,
mes yeux vagabonds s’ancrent dans du loin.
Mes pieds paluches reposent au-dessus d’un sous-sol
barbouillé de racines.
Puis soudain, l’extérieur et sa rudesse
se chiffonnent et se rangent dans mon baluchon sourdine.
Mon attention s’invagine
et à l’intérieur de moi-même j’apparais.
À l’abri des ressacs ambiants,
les murmures de ma vulnérabilité se déplient et me soulèvent.
Dans l’exigu de cet apaisement,
une perspective de montgolfière naît.
De haut, je peux embrasser du regard
les champs de mes derniers apaisements,
les forêts anciennes qui me remémorent d’où je viens
et les chemins entretenus par le va-et-vient
de mes pattes d’oies.
Le sol est picoté de taches bleues.
Une gratitude emplit mon sternum
lorsque que je survole ces lacs qui
irriguent les sécheresses de mes crises existentielles.
Ma respiration marine dans cette apesanteur inattendue.
Les angles pointus de mes deuils récents s’arrondissent.
L’altitude épure mon vécu de ses fioritures,
et à mon insu, le tangible et son décor se disloquent,
laissant la porte de l’essentiel entrebâillée.
J’abandonne mes repères, mes naissances et mes espérances.
Les flammes qui assuraient mon déplacement meurent.
Même si mon atterrissage me paraît inconcevable, il est inévitable.
…
Tout près, une branche casse.
Mon bagage se débaluchonne.
Le décor, sa densité et ses teintes réapparaissent.
J’inspire et une nostalgie diffuse me perfore.
Je retiens mon air et
dans le lent sifflement de mon expiration
tout le fugace de ma vie devient une évidence.
Après de sérieuses délibérations, les membres du jury se sont arrêtés sur Un lent sifflement. Sur fond de réalité et d’imaginaire alternent nature vibrante et univers intime. La richesse des métaphores et l’élan ininterrompu offrent un rythme bien articulé. Un lent sifflement se démarque par son originalité indéniable. Le poète donne à lire sa vision d’un monde fugitif.
– Les membres du jury
Mentions spéciales de la catégorie Adulte
Deux autres poèmes se sont démarqués : Trouée et Les taches . Trouée, mérite une mention spéciale pour cette petite étincelle qui rallume la nôtre. Les vers sont bien rodés autour du thème « Passage ». Les taches s’avère un poème d’une grande simplicité. Les deux derniers vers ajoutent à la dimension poétique.
– Les membres du jury
Trouée
Par Jacinthe Archambault de Bonaventure
Un sentier aux contours flous
Il se fait tard pour passer
Il se fait tard, mais nous vivons toustes sous la même lumière
Celle qui tombe à tes pieds immobiles
Celle qui couvre les épaules
Celle qui aveugle et barre le regard
Il faudra écarter la mousse
Arracher la terre
Broyer le sol de tes orteils nus
Le passage pique, mais c’est ton territoire
Tu marches en crabe comme un philosophe
Le passage est dans ta tête
Des portes s’ouvrent dans tes cahiers bleus
Vise le centre de tout
Il s’entrebâille
Te propulse en utilisant son mouvement
Une ampoule par seconde
À la vitesse des tremblements de tes doigts
S’il n’y avait pas devant toi ce qui te fascine?
Il faudrait alors forcer l’expansion
Battre les rochers chauds
Creuser la crevasse
L’eau est de l’autre côté
Il te faudra passer
Puiser dans la vastitude de ce qui est ignoré
Et dans cet instant tu vivras
Les taches
Par Christine Porlier de Carleton-sur-Mer
J’ai pensé longtemps
que j’allais me transformer en ma mère
Qu’avec le temps j’allais me raffiner
Arrêter de manger dans le salon
Pu aller au dep pas de brassière
Jeter mes jeans un coup percés
La métamorphose était censée s’opérer tranquillement
tout le long de la vingtaine
Pis un jour sans avoir vu ça aller
j’allais être une mère
Comme elle
C’était une femme moderne
Le modèle me plaisait
Avec le temps, je me suis ramassée
avec deux-trois enfants
sur les bras
Je suis débarquée souvent chez ma mère
À boutte
Heureusement que j’étais encore sa fille
elle pouvait s’occuper de moi
Un jour, elle m’a posé des questions
sur l’allaitement
Sur ce que ça faisait
Je le sentais-tu le lait ?
Est-ce que je le savais combien il y en avait ?
J’ai compris que je vivais des affaires de maternité
qu’elle connaissait pas
J’apprenais des affaires de mère à ma mère
Mais je savais toujours pas quoi faire
avec les taches qui partent pas au lavage