D’artiste à intervenante, Jenny Lévesque est animée d’un seul objectif : faire du bien
SAINTE-ANNE-DES-MONTS | Artiste dans l’âme depuis sa plus tendre jeunesse, Jenny Lévesque a touché aux arts plastiques et à la littérature avant de composer des chansons et de devenir musicienne autodidacte à Montréal. Puis, son retour à Sainte-Anne-des-Monts, dans son alma mater, lui a permis de réaliser son rêve d’adolescente : devenir éducatrice spécialisée, tout en étant artiste en arts visuels.
Jenny Lévesque est née et a grandi à Tourelle. Première enfant du couple composé de Réjean Lévesque et de Réjeanne Béchard, elle est aussi la première petite-fille des familles Lévesque et Béchard qui comptaient respectivement 14 et 18 enfants. « J’ai été bien entourée et beaucoup aimée, se souvient-elle. Ça faisait de beaux partys de famille! »
L’artiste dans l’âme
Attirée par les arts, elle complète un diplôme d’études collégiales dans le domaine au Cégep de Rimouski. Elle quitte ensuite pour Montréal et voyage un peu. Quelques années plus tard, elle revient au Bas-Saint-Laurent pour s’inscrire à l’Université du Québec à Rimouski, où elle obtient un certificat en études littéraires.
De retour dans la métropole, « j’ai écrit, je me suis amusée et j’ai travaillé un peu partout », se remémore-t-elle. Elle apprend à jouer de l’accordéon-piano, d’abord à l’oreille, puis prend ensuite des cours auprès d’un vieil Italien qui avait un petit magasin d’accordéons. « C’était la vieille méthode. Il utilisait une baguette qu’il frappait sur le bord du lutrin quand je me trompais. »
La musicienne et chanteuse
Avec son amoureux de l’époque, qui était un « excellent guitariste », elle crée Foulée ludique, un groupe de musique pop rock en français formé de deux chanteurs, de deux guitaristes et d’un batteur.
Quatre ans plus tard, une nouvelle formation composée de cinq musiciens est fondée : Bernadette Bar Tabac. « J’écrivais tous les textes, je faisais les voix et les accords, je faisais même le booking des spectacles, raconte l’artiste. J’avais toute la place. On se produisait dans les bars et les petites salles de spectacles. On a joué un peu partout au Québec. »
Simultanément, Jenny travaille au Bar Chez Baptiste à Montréal et pour Les Délices de la mer, une entreprise de Sainte-Anne-des-Monts qui vend ses produits au Marché Jean-Talon. L’aventure de Bernadette Bar Tabac prend fin en 2009, après avoir produit un album de 10 chansons.
L’artiste-peintre et l’interprète
Pendant qu’elle vit dans la grande ville, la jeune femme, aussi artiste-peintre, commence à monter des expositions de ses toiles à l’acrylique. Avec ses personnages très colorés, elle impose déjà son style.
Pendant la même période, elle complète trois des cinq niveaux de la langue des signes du Québec à l’Institut Raymond-Dewar de Montréal. « J’ai adoré ça, souligne-t-elle. Ce sont des sourds qui m’enseignaient. Ces personnes ont beaucoup d’humour. »
Jenny Lévesque porte plusieurs chapeaux : artiste en arts visuels, intervenante, musicienne, philanthrope, proche aidante, responsable d’une famille d’accueil. Photo : Jennifer St-Laurent
La proche aidante et l’étudiante
L’année 2010 marque le retour de Jenny Lévesque en Haute-Gaspésie. « C’est ma meilleure décision à vie. J’ai tellement une belle qualité de vie! » Si elle est revenue en Gaspésie, c’est parce que sa mère était malade. « J’étais proche d’elle. Je l’ai aidée jusqu’à ce qu’elle décède en 2016 à l’âge de 65 ans. C’est là que j’ai su ce que les proches aidants et les gens qu’ils aident avaient comme besoins. »
Pour « avoir quelque chose de concret » comme formation, elle s’inscrit au programme de techniques en éducation spécialisée offert à Sainte-Anne-des-Monts par le Cégep de Matane. « Quand j’étais au secondaire, ça me tentait de m’inscrire là-dedans, mais c’était très contingenté », se rappelle-t-elle.
L’intervenante
Pendant ses études, la jeune femme fait un stage en santé mentale au Groupe d’action sociale et psychiatrique des Monts. Par la suite, elle travaille comme intervenante au Centre Louise-Amélie, maison d’aide pour femmes violentées, et à L’Escale, centre de réadaptation en dépendance de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
Depuis sept ans, Mme Lévesque est intervenante au Centre d’action bénévole des Chic-Chocs à Sainte-Anne-des-Monts, où elle est responsable de l’APPUI, un service d’aide aux proches aidants. « C’est une grande passion », lance-t-elle. À son avis, le défi est d’autant plus grand du fait que la population de La Haute-Gaspésie est vieillissante et que les gens demeurent longtemps à domicile parce qu’il n’y a plus de places dans les ressources pour aînés. Parmi les activités qu’elle organise, la musicienne n’est jamais très loin. « On fait des ateliers avec Guillaume Arsenault pour composer des chansons », fournit-elle comme exemple.
Dans le cadre de ses fonctions, Jenny a écrit un livre qui aborde toutes les étapes de la proche aidance. C’est aussi elle qui a conçu toutes les illustrations du bouquin à l’aquarelle. L’impression de l’ouvrage intitulé La répétition générale, tiré à 30 exemplaires, a été soutenue par le Centre d’action bénévole. L’éducatrice spécialisée intervient aussi en postaidance, ce qui, à son avis, est un service qui se fait rare. « Je travaille pour les proches aidants qui tombent seuls. Ces gens-là sont tellement fatigués! »
L’intervenante coordonne également L’Envolée, qui est un service d’accompagnement de soins palliatifs et de fin de vie. Elle forme une cohorte de 30 bénévoles pendant 36 heures afin de leur permettre de développer ou de consolider les compétences de base nécessaires à ce type de service. Des jumelages se font parfois en toute confidentialité entre bénévoles et personnes en soins palliatifs.
Un tout nouveau projet dont Jenny Lévesque est particulièrement fière d’avoir mis sur pied se nomme « Prête-moi ta plume ». Le projet a dépassé le stade de la gestation pour être actuellement testé auprès de bénévoles. « C’est mon bébé », lance-t-elle. Il s’agit d’une démarche visant à écrire la biographie de personnes en soins palliatifs ou en fin de vie. « C’est tellement enrichissant, estime-t-elle. J’arrive dans mon char et je pleure! »
Si le projet fonctionne bien, sa conceptrice souhaite qu’il puisse devenir disponible auprès des autres centres d’action bénévole de la Gaspésie.
La passionnée de mousses et de bois flotté
Même si la quadragénaire a une vie professionnelle très active, elle ne peut s’empêcher de répondre à ce besoin viscéral de créer sur le plan artistique. « Les arts visuels, c’est obligatoire pour moi », va-t-elle jusqu’à dire.
Sa découverte des mousses végétales ou, de leur nom scientifique, les bryophytes, a été une véritable révélation. Elle cueille ces petites plantes primitives en forêt, aux abords de ruisseaux et en bord de mer. Après les avoir séchées et teintes de différentes couleurs, elle en fait des tableaux, tous aussi uniques les uns que les autres.
Jusqu’au 30 septembre, certaines de ses oeuvres sont exposées dans le hall de la Maison de la culture de Sainte-Anne-des-Monts. Les cadres de ses tableaux végétaux sont fabriqués par son conjoint, Claude Bolduc, ébéniste de formation. L’artisane crée aussi des lampes à partir de bois flotté et de résine.
Jenny Lévesque en pleine création dans son atelier. Photo : Jennifer St-Laurent
La maman de coeur et la philanthrope
Si la femme de 49 ans n’a pas eu d’enfant, elle trouve tout de même le moyen, depuis cinq ans, d’assouvir son instinct maternel en accueillant une enfant qui lui est confiée par la Direction de la protection de la jeunesse. « Je l’appelle ma fille de coeur », dit-elle d’une voix attendrie. Avec son frère Jason, elle prend aussi soin de son père, atteint de la maladie d’Alzheimer, qui habite dans une résidence pour aînés.
Par ailleurs, l’Annemontoise est à l’origine, il y a 11 ans, de la création de L’Arbre généreux. L’initiative consiste à offrir des cadeaux de Noël à des enfants dans le besoin habitant le territoire délimité entre Les Méchins et Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine. Sur une base volontaire, des adultes bienveillants achètent un ou deux cadeaux pour un enfant qu’ils ont choisi sur une liste contenant parfois jusqu’à 200 noms fictifs. Sur cette liste, chaque enfant a fait part de deux choix de cadeaux qu’il rêverait de recevoir. Jenny a maintenant passé le flambeau de L’Arbre généreux à Louise Michaud et à Louiselle Servant, deux bénévoles qui en assument aujourd’hui la responsabilité.