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29 mars 2023 13 h 10

Des mots, des notes et des images : JEANNE CÔTÉ

Se rassembler collectivement dans la solitude avec Suite pour personne

PETITE-VALLÉE | Habitée par un vaste sentiment de solitude qui se décline de mille et une façons, la jeune auteure-compositrice-interprète de 27 ans originaire de Petite-Vallée présente son premier album dans lequel elle tente d’allier la vulnérabilité avec la simplicité. Au cours des 10 titres qui composent cet opus, on se laisse bercer par la douceur et la tendresse de la voix de l’artiste portée musicalement par des arrangements instrumentaux réfléchis et un joli côté pop accrocheur.

Jeanne Côté n’avait pas songé que la solitude soit la ligne directrice de son album, mais naturellement, dit-elle, c’est l’émotion qui a surgi avec le plus de force lors de la création de Suite pour personne. « C’était mon mood [état d’âme] du moment, en plus c’était juste avant l’arrivée de la pandémie, donc avant qu’on soit vraiment pogné tout seul sans pouvoir voir personne », se souvient-elle.

« Les chansons que j’ai écrites restent des questionnements que je me pose toujours à ce jour. Je n’ai pas de message à passer ni de réponse à offrir. Je me questionne simplement sur mes relations amicales, amoureuses, et surtout découvrir où je place mon indépendance avec les humains qui m’entourent pour qu’elle soit bénéfique », témoigne-t-elle.

Coucher les fortes émotions qu’elle a vécues sur le papier lui a permis de les rendre tangibles pour ainsi les explorer en profondeur, un cheminement qui reste essentiel selon elle pour mieux les comprendre.

C’est aussi là que repose le travail d’un ou une artiste, ajoute-t-elle, c’est-à-dire de partager sa propre sensibilité avec le public pour toucher les gens. C’est pourquoi elle considère que Suite pour personne ne présente aux auditeurs aucun artifice visant à occulter une partie d’elle-même. Avec introspection, elle affirme avoir l’impression que ce premier opus montre exactement qui elle est en tant qu’artiste et que les chansons expliquent également où elle est rendue dans sa vie.

Cet album auquel elle colle l’étiquette de folk alternatif oscille entre des chansons parfois plus pop et lumineuses avec Ouragans et Touché-coulé, ou par moment, douces et planantes avec, à titre d’exemples, Laisse aller ou J’suis là. Cette dernière chanson demeure un moment fort de l’album pour son piano évoquant celui du compositeur Yann Tiersen dans le film français Le fabuleux destin d’Amélie Poulin.

La genèse de l’album tire ses racines de la chanson Je n’y suis pour personne de Daniel Lavoie et de Sylvain Lelièvre, une pièce que la jeune artiste chérit profondément et qui surgit par moment dans son esprit de façon impromptue sans qu’elle ne s’y attende. « Au moment où j’ai lâché ma maîtrise en littérature, j’avais l’ambition de réaliser un album personnel, puis la chanson m’est revenue en tête. À la place de la laisser passer tout droit, j’ai décidé d’en profiter et d’écrire une suite à la toune », raconte-t-elle disant que Je n’y suis pour personne (par ailleurs la seule reprise figurant sur l’album) a agi comme un moteur créatif pour Suite pour personne, d’où le jeu de mot dans le titre.

Musicalement, Marie-Jo Thériault, Catherine Major et Kate Bush demeurent des influences majeures pour la jeune artiste. « J’adore leur côté sensuel ainsi que leur férocité qui peut devenir très sensible. C’est un peu cette énergie que j’essaie de transmettre dans ma musique », illustre Jeanne Côté.

Fille du grand manitou du Festival en chanson de Petite-Vallée, Alan Côté, Jeanne Côté baigne dans la musique depuis toujours. Elle a toutefois voulu se distancier de la notoriété de son père et voler de ses propres ailes pour mener son projet. Elle s’est ainsi entourée de plusieurs musiciens rencontrés
au cours de son passage collégial lorsqu’elle étudiait en musique classique au Cégep Saint- Laurent à Montréal. « J’y suis allée en dehors du clan pour cet album parce qu’on parle beaucoup du fait que je suis la fille d’Alan, ce qui ne me dérange pas, mais j’ai le goût de faire ma trace et de travailler avec des collaborateurs complètement extérieurs à ma famille », explique-t-elle.

En effet, en référence à ce « clan » familial auquel Jeanne Côté fait allusion, sa soeur Mathilde a composé l’année dernière un opéra de chambre mettant à l’honneur le roman emblématique de la beat generation, Sur la route, écrit par Jack Kerouac, tandis que sa mère Danielle Vaillancourt a longtemps dirigé la Petite école de la chanson à Petite-Vallée.


Malgré elle, Jeanne Côté mentionne que la solitude est le sentiment qui a le plus ressurgi dans l’écriture de Suite pour personne. Photo : Anne-Marie Garand

Imprégnée du souffle gaspésien de la mer et des montagnes pour toujours

Jeanne Côté puise ses paroles d’une maîtrise en littérature presque complétée, mais surtout, essentiellement des forces de la nature de la péninsule où elle est née et a grandi. La musicienne avoue que la Gaspésie ne l’a jamais vraiment quittée bien qu’elle soit maintenant installée à Montréal depuis 10 ans.

« Je n’ai pas le choix en tant que Gaspésienne d’être influencée par le territoire. J’ai grandi entourée des éléments et de leur force. Naturellement j’en parle dans mes textes et la nature fait même partie de qui je suis physiquement », confie-t-elle. En effet, il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil à certains titres des 10 morceaux qui meublent Suite pour personne tels que Ouragans, Vents d’ouest, Y peut mouiller ou encore La Vague pour réaliser que la nature, avec une prédominance marquée pour l’eau, demeure essentielle pour la Gaspésienne.

Sinon, garder une vue vers l’horizon, tel est l’un des souhaits que Jeanne Côté chérit le plus. C’est d’ailleurs pour cette raison que la fenêtre figure parmi les symboles les plus forts dans son imaginaire. « Les fenêtres sont une obsession pour moi dans la vie. Depuis que je suis toute petite, aussitôt que j’étais dans une classe, j’allais m’asseoir près des fenêtres pour pouvoir regarder par là et avoir l’impression de m’enfuir et d’avoir une porte de sortie », se remémore-t-elle.

Jeanne Côté participera par ailleurs à la 27e édition du prestigieux concours de la relève musicale francophone Les Francouvertes qui se déroulera à Montréal ce printemps. « C’était la septième fois que je m’inscrivais ; j’avais hâte qu’ils me prennent » dit-elle à la rigolade. Peu importe le sort de la compétition, la musicienne affirme se produire sur scène avec confiance, mais que ce sera sans doute son dernier concours musical, désirant consacrer son énergie ailleurs.

L’album Suite pour personne est disponible facilement sur Spotify, YouTube Music, Bandcamp, Soundcloud et Apple Music, entre autres.

 

Pour lire le second article culturel : https://graffici.ca/actualite/des-mots-des-notes-et-des-images-genevieve-leblanc/