La dame de fer de Chandler
Elle est déterminée, parfois jusqu’à l’obstination. Elle fonce vers ce qu’elle considère comme son devoir, quitte à écraser des orteils au passage. Portrait de la mairesse de Chandler, Louisette Langlois.
Dans la maison de Mme Langlois, au bord du lac Vachon, tout semble prêt pour une séance de photos de Décormag. Chaque bibelot est à sa place. Kiwi et Lotus, ses deux gros chats, n’ont qu’à bien se tenir. Elle les a dressés à ne pas mettre la patte dans le salon. «Et je les ai fait raser, ça mettait des poils partout!»
«Une main de fer dans un gant de velours », m’avait-on dit d’elle. Le velours, on le remarque tout de suite : elle rit beaucoup, et ne se formalise d’aucune question. Le fer, on le voit dans sa manière de faire de la politique. Et il transperce parfois le velours.
Avant d’être élue mairesse en 2009, Mme Langlois a fait un mandat comme conseillère. Quatre années difficiles, de son propre aveu. La tension s’est installée dès la première réunion du conseil. «Le maire [Claude Cyr] a présenté un dossier de 35 000 $, rapporte Mme Langlois. Ce n’était pas un mauvais dossier. J’ai demandé : « êtes-vous allé sur invitation? La loi l’oblige. »» Le maire y a vu une attaque à son intégrité. «Il a pété son premier plomb», affirme Mme Langlois.
D’autres auraient opéré un repli tactique en attendant leur heure. Mme Langlois a continué à poser des questions. Et le maire, à se braquer. Que les adversaires de la mairesse se le tiennent pour dit : quand on lui donne de la misère, ça la rend plus forte. Et plus entêtée. «Quatre ans plus tard…» CLAP! Mme Langlois s’interrompt pour frapper un coup sonore dans ses mains. «…je me suis dit : « Tiens, toi! Je vais y aller moi-même, régler ça! « .» Deux mois avant l’élection, elle a entamé son porte-à-porte en promettant « du changement». «J’ai fait toutes les maisons à pied», dit-elle.
Mme Langlois est devenue mairesse, mais un seul des aspirants conseillers de son équipe a été élu à ses côtés. «Ah non! J’ai gagné, je suis dans la merde», s’est-elle dit. Elle avait raison de s’inquiéter. Au début de son mandat, «c’était la chicane continuelle» entre Mme Langlois et trois conseillers réélus, rapportent des observateurs de la scène municipale. «Moi, ça fait longtemps que j’aurais garroché ma sacoche, affirme Annette Bujold, une sympathisante de la mairesse. Mais les attaques, ça lui donnait des coups de pied pour faire avancer les choses.»
Et Mme Langlois avait de quoi s’occuper avec le budget de Chandler. Les finances étaient dans le rouge, privées des taxes de la Gaspésia. La mairesse s’enorgueillit d’avoir rétabli l’équilibre en un an. Et c’est ce qui lui a valu le respect des conseillers, selon elle. «Quand ils se sont aperçus que moi, la petite qui « écoeurait », j’avais retapé les finances…»
Le calme est revenu, mais ce n’est pas le grand amour. Les trois conseillers identifiés comme l’opposition à Mme Langlois ont refusé nos demandes d’entrevue, tout comme l’ancien maire Cyr. À son «Pas de commentaire!», le conseiller Denis Michaud a ajouté : «Peut-être à la veille des prochaines élections…» Attention, Mme Langlois aime les défis.
Le goût des défis
Infirmière à l’hôpital de Chandler, elle a commencé à «trouver ça dull, la santé» à la fin des années 80. Elle s’est exilée à Québec pendant un an et demi pour décrocher une maîtrise en administration publique et poursuivre sa carrière comme cadre. Elle voyageait aux deux semaines pour voir son mari et sa fille de six ans. À son retour à Chandler, Mme Langlois a rédigé sa thèse aux petites heures du matin, avant d’aller travailler. Elle estime tenir ce côté hyperactif de sa mère. «Une battante» et une femme «pieuvre», qui tenait seule un petit magasin général dans la maison familiale de Port-Daniel tout en prenant soin de ses trois filles.
Le lâcher-prise, ce n’est pas le genre de Mme Langlois. «Je suis déterminée à en être fatigante. Assez que des fois, je me fatigue moi-même et j’irrite les autres.» Elle a du mal à garder sa patience dans des dossiers qui impliquent «les hautes instances gouvernementales», comme elle dit. Le projet d’Atlantic Fiber, une usine de transformation du bois qui pourrait s’implanter à Chandler, est une épine dans son pied. «Moi qui suis obsessive et qui veux tout, tout de suite, ça m’énerve de ne pas pouvoir classer un dossier.»