La Haute-Gaspésie, terre d’accueil de plusieurs centaines de nouveaux arrivants
SAINTE-ANNE-DES-MONTS | La Haute-Gaspésie attire de plus en plus de nouveaux arrivants. Au cours de la dernière année seulement, elle est devenue la terre d’accueil de quelque 400 personnes venues d’ailleurs. En provenance notamment de la Côte-d’Ivoire, du Cameroun, de l’Ukraine, de la France, de la Belgique, du Portugal et d’autres régions du Québec, ils sont devenus Hauts-Gaspésiens d’adoption.
En deux ans seulement, la communauté africaine de La Haute-Gaspésie s’est enrichie de 125 nouveaux arrivants.
La Grande Bienvenue 2025 a accueilli une centaine de nouveaux arrivants en Haute-Gaspésie. Photo : Johanne Fournier
Haute-Gaspésie me voici !
« On ne sait pas toujours pourquoi ils ont décidé de venir vivre ici », admet le directeur de Haute-Gaspésie me voici !, Éric Archambault. Le nouvel organisme, qui regroupe les services de Place aux jeunes en région et du Service d’accueil des nouveaux arrivants, offre un accompagnement complet à toutes les personnes qui choisissent de s’établir en Haute-Gaspésie, quel que soit leur âge ou leur provenance. Haute-Gaspésie me voici ! soutient également les initiatives locales favorisant l’intégration des personnes issues de l’immigration au sein de la communauté.
L’organisme n’a pas systématiquement rencontré tous les 400 nouveaux arrivants de la dernière année. « Ils n’ont pas tous passé par nous », indique M. Archambault, qui assure la direction depuis novembre 2023.
Mais, ceux qui cognent à la porte de l’organisme peuvent compter sur une aide élargie. « On a des gens du Cameroun qui sont arrivés en octobre en gougounes, se souvient le directeur. On les a amenés chez Partagence [une ressource axée sur la réponse aux besoins de base des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté] pour trouver des vêtements pour la saison. Souvent, ce sont des gens qui sont passés par Montréal et qui n’ont pas toujours un parcours facile. Parfois, ils se sont sauvés de leur pays. »
Si la vie en Haute-Gaspésie peut sembler meilleure pour plusieurs d’entre eux, d’autres doivent composer avec certains aspects plus sombres. « Il y a des familles qui vivent dans un 3 et demi, alors qu’ils devraient vivre dans un 6 et demi », donne-t-il comme exemple. Mais, dans l’ensemble, l’intégration se passe plutôt bien, et ces nouveaux arrivants apportent leurs talents, leurs espoirs, leurs savoirs et leurs histoires qui méritent d’être entendues. « Je trouve ça vraiment enrichissant, souligne M. Archambault. Ils contribuent au développement de notre région démographiquement et économiquement. »
De la Côte-d’Ivoire à Sainte-Anne-des-Monts
Bélinda Ahou, de la Côte-d’Ivoire, est débarquée à Montréal le 18 octobre 2023 avec son fils Elasse, âgé de 3 ans et demi. Deux jours plus tard, la femme et l’enfant sont arrivés à Sainte-Anne-des-Monts. Ferdinand Kouassi, le mari de Mme Ahou, a rejoint sa famille plus tard, soit le 12 décembre 2023.
Infirmière dans son pays depuis trois ans, Bélinda Ahou est venue suivre la formation en soins infirmiers offerte à Sainte-Anne-des-Monts par le cégep de la Gaspésie et des Îles, qu’elle a complétée en juin. Pendant sa formation à temps plein, elle travaillait comme préposée aux bénéficiaires au CHSLD de Cap-Chat.
La situation professionnelle de son mari est moins rose. L’arpenteur-géomètre devra faire une formation d’appoint, mais seulement après avoir obtenu sa résidence permanente. De plus, il n’y a qu’un seul bureau d’arpenteurs-géomètres à Sainte-Anne-des-Monts. En attendant, il fait l’entretien ménager à la Résidence Vita Nobilis de Sainte-Anne-des-Monts.
La première difficulté pour Bélinda a été le froid, elle qui supportait à peine le climatiseur en Côte-d’Ivoire. « Je suis arrivée en octobre à Sainte-Anne-des-Monts et il y avait un peu de neige. Ça a été le choc ! Mais, quand mon fils a vu la neige, il a commencé à faire des boules de neige. Il ne voulait plus rentrer ! Mon fils s’est rapidement intégré, même si, au début, les enfants blancs ne voulaient pas le toucher ! » Ferdinand avait aussi beaucoup de mal à endurer le froid. « Mais maintenant, ça va, dit-il. Je marche beaucoup et quand il fait froid, j’aime ça. »
Un autre choc pour la femme de 32 ans a été de composer avec la quasi-absence de transport en commun en Haute-Gaspésie. « Je pensais pouvoir prendre l’autobus pour aller à mes cours et pour travailler. Sinon, je croyais pouvoir héler un taxi. Je ne m’attendais pas à ça ! Alors, je me suis dit que je n’avais pas le choix d’avoir une voiture. » D’ailleurs, la conduite automobile en hiver a représenté l’un des principaux défis pour l’Africaine d’origine. « Je ne voulais pas conduire l’hiver. J’ai attendu en mars et Haute-Gaspésie me voici ! nous a donné une formation sur la conduite en hiver. »
Bélinda a aussi été étonnée de constater les limites de la profession d’infirmière au Québec. « En Côte-d’Ivoire, l’infirmière a le droit de faire des consultations, de poser un diagnostic, de prescrire des médicaments. Sans médecin, une infirmière peut très bien travailler. Mais, pas ici, même s’il faut connaître les médicaments. »
En revanche, il y a bien quelques aspects de la profession d’infirmière au Québec que la femme de 32 ans apprécie. « J’adore le plateau technique ici, au travail. Il n’y a pas de manque de matériel, à comparer à chez nous. Il n’y a pas de pénurie. De ne pas penser au matériel nécessaire donne envie de travailler. Aussi, le résultat des analyses arrive à nous ; on n’a pas besoin d’aller le chercher. »
À l’issue de sa formation, la jeune femme estime que son plus grand défi consiste à répondre aux exigences de la profession au Québec, et à être à la hauteur des attentes de la population. Quant à son mari, son plus gros défi est de pouvoir retravailler un jour dans son domaine. « J’adore ma profession, fait savoir l’homme de 40 ans. Je garde la foi. »
S’il y a bien quelques inconvénients de sa nouvelle vie en Haute-Gaspésie, la famille ivoirienne considère néanmoins s’être bien intégrée. « On a été tellement bien accueillis, souligne Bélinda. Quand je suis allée à l’épicerie Metro pour la première fois, ça m’a marquée : les sourires, les gens qui nous ont approchés, qui nous ont parlé et qui parlaient à notre fils. C’est rassurant ! Ça nous donne de la force et nous encourage à aller de l’avant. »
Originaires de la Côte-d’Ivoire, Ferdinand Kouassi, Elasse Kouassi et Bélinda Ahou ont immigré à Sainte-Anne-des-Monts à l’automne 2023. Photo : Johanne Fournier
La Grande Bienvenue 2025
Pour la première fois, Haute-Gaspésie me voici !, en collaboration avec ses partenaires, a célébré l’arrivée d’une centaine de nouveaux arrivants. L’événement festif, qui s’est tenu le 7 février à la Maison de la culture de Sainte-Anne-des-Monts, a mis en lumière l’apport de ces personnes qui enrichissent le tissu social, partagent leur culture et contribuent à pourvoir des emplois locaux.
Ponctuée de témoignages et animée par Dominic Gagné, de Mont-Louis, l’activité s’est déroulée sur un ton humoristique. L’animateur, lui-même un néo-Gaspésien, a raconté qu’il y a 13 ans, il est déménagé sur un coup de tête à Saint-Louis-de-Gonzague, en Beauce. « Le village est comparable à Mont-Saint-Pierre, à part les montagnes, a-t-il relaté. J’ai été conseiller municipal, pompier volontaire et bénévole. J’ai même organisé des méchouis, moi qui suis végane. Mais, après quatre ans, je ne m’étais fait aucun ami. Je n’ai jamais été invité à souper. J’étais toujours considéré comme un étrange. »
En 2016, une deuxième tranche de vie commençait pour lui. « J’ai troqué Saint-Louis-de-Gonzague pour Mont-Louis en Gaspésie. On a acheté une maison face à la mer ; c’était notre rêve. Le premier soir de mon arrivée, je suis allé prendre un verre à L’Amarrée. Des gens sont venus me parler, et j’ai été invité à une soirée dans une maison privée. Arrivé chez nous, j’ai pleuré de joie. Après 8 ans et demi, je peux dire que j’ai trouvé ma place. Jamais je ne me suis senti comme un étrange. »
Présent à cette grande célébration, le préfet de la MRC de La Haute-Gaspésie a soutenu que « chaque nouveau visage est une opportunité de bâtir des ponts solides entre les générations et les communautés, tout en faisant de la région un modèle d’inclusion et de solidarité ». Pour Guy Bernatchez, les nouveaux arrivants contribuent à bâtir une Haute-Gaspésie plus dynamique, plus ouverte et plus résiliente.
Dans une vidéo tournée exceptionnellement pour l’occasion, le scientifique et humoriste Boucar Diouf a insisté sur l’apport bénéfique de la diversité culturelle. La Grande Bienvenue 2025 a pris fin sur un cocktail et des bouchées composées de produits locaux. Pendant que leurs parents échangeaient entre eux, les enfants ont pu écouter un conte animé et s’adonner à une activité de bricolage.
Pour le directeur de Haute-Gaspésie me voici !, ce premier événement d’accueil a marqué le début d’une tradition annuelle. Selon Éric Archambault, l’objectif de La Grande Bienvenue va bien au-delà de l’intention de célébrer les nouveaux arrivants. Elle permet de renforcer les liens communautaires.
Lors de La Grande Bienvenue, les enfants ont eu droit à un conte animé. Photo : Johanne Fournier