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28 novembre 2014 11 h 09

Le soutien social et le sentiment d’appartenance forts en Gaspésie

GASPÉ – Malgré les difficultés socio-économiques vécues dans la région, les Gaspésiens se serrent les coudes. Le soutien social dont ils profitent et leur sentiment d’appartenance est plus fort que la moyenne québécoise, révèle un portrait statistique du Réseau solidaire pour le rayonnement des territoires.

Mélanie Guèvremont, résidente de Matapédia depuis 12 ans, est originaire de Montréal. Elle estime recevoir un bon soutien social de sa communauté. « Je pense que c’est  propre aux petits milieux. En ville, tu connais à peine tes voisins. Tandis qu’ici, si j’ai un pépin et que je n’arrive pas à temps quand ma fille débarque de l’autobus, je sais que je connais plein de voisins. C’est très confortable. »

« Quand mon bébé a eu des pépins de santé, les gens se sont beaucoup informés, ils sont prêts à aider », ajoute Mme Guèvremont, qui s’occupe depuis peu de la Maison de la famille Avignon.

Selon des chiffres de 2007-2008, une forte proportion des Gaspésiens et Madelinots de 12 ans et plus jouissent d’un soutien social très élevé (51 %), alors que la moyenne québécoise est de 45 %. Si l’on isole les personnes à faible revenu, la différence est encore plus marquée : 53 % des ménages à faible revenu ont un bon niveau de soutien social en Gaspésie-les Îles, comparativement à 40 % dans l’ensemble du Québec. Le soutien social consiste à avoir des proches à qui l’on peut se confier, demander des renseignements, et qui comprennent nos problèmes.

Ce bon bilan, outre le côté tricoté serré des Gaspésiens, pourrait avoir à faire avec le travail d’organismes comme Family Ties, la maison de la famille de New Carlisle. « Le soutien social est très fort dans la communauté anglophone, explique sa directrice, Heather MacWhirter. Les gens s’appuient beaucoup sur leur famille. Par contre, ils n’ont pas tendance à aller chercher des services sociaux quand ils en ont besoin », nuance-t-elle.

L’un des moyens employés pour pallier à cette situation est le programme Home-Start (Premiers Pas), qu’offre Family Ties. Il consiste à jumeler un mentor et une famille comptant des jeunes enfants, explique Mme MacWhirter. « Le mentor peut donner des conseils, mais aussi accompagner la famille dans des sorties, pour les intégrer peu à peu à la communauté. »

Un outil pour agir

« Malgré des situations difficiles, les gens ont souvent un réseau autour d’eux. Ça n’enlève rien aux méfaits de la pauvreté, mais ça la rend plus vivable », résume Gaëtanne Mauger, responsable du dossier solidarité et inclusion sociale à la Conférence régionale des élus Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine.

Le portrait statistique a été préparé par le RESSORT (Réseau solidaire pour le rayonnement des territoires) qui devait documenter la situation régionale dans le contexte du déploiement de la Loi québécoise sur la pauvreté et l’exclusion sociale.

« On s’est dits : tant qu’à faire un portrait, on va en faire un qui peut servir d’outil à tous. Il est bâti pour pouvoir être actualisé et il inclut des données par MRC et des données différenciées hommes/femmes, explique Mme Mauger. C’est une photo, qui aide à voir sur quoi il faut agir », ajoute-t-elle.

Appartenance et vie sociale

En plus du soutien social, les Gaspésiens et Madelinots de 12 ans et plus ont un fort sentiment d’appartenance à leur région dans une proportion de 82 %. C’est nettement supérieur à la moyenne québécoise de 58 %. Si l’on isole les anglophones de la région, ce taux grimpe même à 89 %.

Dans la région, on se dit très satisfait de sa vie sociale dans une proportion de 54 %, comparativement à 47 % dans l’ensemble de la province.

Mais tout est loin d’être parfait en Gaspésie et aux Îles. Le taux de population sans diplôme d’études secondaires y demeure beaucoup plus élevé, une statistique influencée par le fait que la population soit vieillissante. La région réussit tout de même à maintenir son taux de décrochage sous la moyenne québécoise, à 15 % comparativement à 20 % dans la province.

Les cas d’inceste et de maltraitances plus nombreux

Tout n’est pas rose, une des statistiques frappantes du portrait du RESSORT concerne le taux d’infractions sexuelles dont sont victimes les jeunes de moins de 18 ans. Ces cas sont proportionnellement près de deux fois plus nombreux en Gaspésie et aux Îles que dans l’ensemble du Québec.

En Gaspésie-Les Îles, le taux d’infractions sexuelles contre des jeunes filles atteint 589 par 100 000 habitants, comparativement à 356 au Québec. Chez les jeunes hommes, cette proportion est 176 pour 100 000 habitants dans la région, comparativement à 93 dans la province. Seuls les cas déclarés à la police sont comptés.
 
La directrice du CALACS La Bôme-Gaspésie (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel), Maryline Arsenault, n’est pas surprise de ces chiffres. Et parmi les cas dont elle a connaissance, elle remarque une bonne proportion d’inceste.
 
C’est que le côté « tricoté serré » des familles gaspésiennes n’a pas que de bons côtés. Dans la région, « la valeur familiale est très forte, il y a une proximité des gens, explique Mme Arsenault. On fait confiance aux grands-parents, à d’autres membres de la famille. Et on voit parfois que les parents sont mis au courant, mais qu’ils ont tendance à taire la situation, à taire la rumeur. » Conséquence : l’agresseur peut recommencer son manège avec d’autres victimes.

Récemment, Mme Arsenault a observé une vague de dénonciations de la part des moins de 14 ans auprès des services du CALACS. « Depuis un mois, on a six ou sept dossiers jeunesse [moins de 14 ans] qui sont rentrés, alors qu’avant, il pouvait y en avoir un ou deux dans toute l’année. […] Je n’en reviens pas, des dévoilements côté mineurs. »

Les dénonciations de la part d’adultes sont aussi en hausse depuis environ huit semaines, note Mme Arsenault, mais pas de façon aussi fulgurante que chez les enfants. Elle croit que cette hausse peut être liée aux dénonciations présentées dans les médias, mais aussi au fait que le CALACS a mis beaucoup d’efforts pour faire connaître ses services.

Par ailleurs, dans la région, davantage d’enfants doivent être pris en charge pour cause de maltraitance (25 cas pour 1000 enfants). Les mineurs pris en charge pour troubles de comportement sont aussi proportionnellement deux fois plus nombreux qu’ailleurs au Québec.