L’opposition des cimentiers monte; au tour de Ciment Québec
CARLETON – Le président de Ciment-Québec, Luc Papillon, s’oppose à une éventuelle aide du gouvernement du Québec au projet de Ciment McInnis à Port-Daniel parce qu’elle constituerait, juge-t-il, une concurrence déloyale, dans un contexte de surproduction québécoise de surcroît.
Ciment McInnis sollicite depuis depuis le début de 2013 le bras financier de l’État québécois, Investissement-Québec, pour obtenir une garantie de prêt oscillant entre 300 et 350 millions$. M. Papillon note que les cimenteries présentement en exploitation au Québec n’ont pas accès à ce type d’aide.
«Si le gouvernement s’implique, cela aura pour effet de déplacer des emplois. Il y aura une tarte à partager entre plus de personnes (…) Mon objection vient de l’implication possible du gouvernement. Je ne suis pas contre l’arrivée d’un nouveau producteur si c’est uniquement des fonds privés qui sont investis», affirme M. Papillon, qui possède 50% des actions de la cimenterie de Saint-Basile, dans Portneuf. Le reste des actions est contrôlé par Italcementi, d’Italie.
Luc Papillon comprendrait mal que l’état supporte financièrement un projet venant concurrencer des usines qui ne sont pas exploitées à pleine capacité.
«Nos employés vont avoir passé 40% de l’année à pied parce qu’il y a surcapacité de production au Québec (…) Les usines québécoises vont vendre 1,7 million de tonnes de ciment sur le marché québécois, et il se consommera 2 millions de tonnes au Québec cette année (…) Il y a du ciment d’Asie qui est livré au port de Québec et qui vient nous concurrencer. Ils n’ont pas les mêmes contraintes environnementales et les salaires sont infiniment moins élevés. En période de crise, les frais de transport maritime sont plus bas», dit M. Papillon pour expliquer cette présence de ciment coréen.
Il rappelle que la capacité québécoise de production de ciment approche les 3,5 millions de tonnes par an. L’industrie ne fonctionne donc qu’à la moitié de sa capacité environ. Il note que la surcapacité n’est pas qu’un phénomène québécois.
«À la fin des années 1990 et au début des années 2000, il y a eu sous-capacité de production (à l’échelle nord-américaine). Il y a eu des investissements pour construire de nouvelles cimenteries. Ce sont des projets, comme vous le savez, qui prennent du temps. Quand la capacité est arrivée en marché, l’économie avait tombé. En 2012, au net, il y a 14 millions de tonnes de capacité additionnelle par rapport à 2000, sans compter des usines fermées qui peuvent être rouvertes si la demande le justifie», analyse-t-il.
Le contexte des dernières années a été caractérisé par «des records de consommation de ciment en 2005-2006, puis une chute graduelle, notamment à partir de la récession de 2007. En 2011, la consommation était à 50% du niveau de 2005-2006», ajoute M. Papillon.
Dans un autre ordre d’idées, il voit mal comment Ciment McInnis pourra arriver à se faire une place en dépendant uniquement d’exportations sur la côte est américaine.
«Il y a très peu de capacité libre, en importation. L’importateur, normalement, c’est le cimentier. Il est peu probable qu’il achète d’une entreprise indépendante comme Ciment McInnis. Si Lafarge a besoin de ciment sur la côte est des États-Unis, elle va en importer de ses propres usines ailleurs», croit M. Papillon.
Il croit que la surcapacité nord-américaine s’établit à 25 millions de tonnes présentement. «En 2013 aux États-Unis, il était prévu un marché en augmentation de 2% (…) La côte ouest a été en augmentation mais dans l’est (le marché visé par Ciment McInnis), il y a eu baisse»., conclut M. Papillon.
Lafarge, qui possède une usine à Saint-Constant, en Montérégie, a aussi fait une sortie récemment contre un appui gouvernemental au projet de Port-Daniel.