Mawiomi : le sens derrière la célébration
GESPEG | Grand rassemblement annuel des Premières nations, le Mawiomi est non seulement un rendez-vous incontournable pour les membres des communautés autochtones, il est au coeur de leur vie sociale et de leur identité. Survol spirituel et culturel de l’évènement tenu par la nation Mi’gmaq de Gespeg le 9 août dernier.
Les paroles de l’homme s’élèvent en volutes et se mêlent au filtre de fumée qui enveloppe le ciel, conséquence à retardement des incendies qui sévissent dans l’ouest du pays. Au loin, se profile le crénelage vaporeux des falaises de Cap-Bon-Ami, sur la pointe de Forillon, territoire symbolique pour la communauté de Gespeg.
« C’est ici que ç’a commencé, c’est Gespeg [« là où la terre prend fin »], signale Tim Adams, membre de la communauté qui tient le rôle de gardien de feu et d’homme de cérémonie. Sur le plan de la signification, tout est plus fort ici. »
Le Mawiomi – aussi appelé pow-wow, son pendant dans la langue anglaise – qui cette année coïncide avec la Journée internationale des peuples autochtones (à distinguer de celle, nationale, célébrée le 21 juin), suit un cérémonial bien précis. Entrepris au lever du soleil, aux alentours de 6 h, l’événement commence avec le smudging, pouvant être traduit par la purification par la fumée, et qui vise à évacuer la négativité. S’ensuit la passation du calumet, puis la récitation de prières pour chacun des points cardinaux.
« Chaque point a une signification. L’est, c’est pour l’aigle et les enfants, au sud, pour le loup et les femmes, l’ouest, l’ours noir et les hommes, le nord, pour l’ours blanc et les aînés », expose Tim Adams, précisant que si les animaux et groupes associés aux points cardinaux varient selon les nations et communautés, la spiritualité, fondée notamment sur la dépendance réciproque entre vivants et non-vivants, demeure essentiellement semblable.
Enfin, au terme des prières, l’homme en charge de la cérémonie entonne le chant d’honneur mi’gmaq, avant d’amorcer une ronde de câlins dont l’objectif est d’entreprendre la journée de manière positive.
« On est un peuple d’aurore, on accueille le soleil en souhaitant à tout le monde une bonne journée, poursuit Tim Adams. Un pow-wow, c’est un regroupement de l’amour. »
Exprimer son identité
Une fois la cérémonie du lever du soleil complétée, la cérémonie de la Grande Entrée s’enclenche avec l’arrivée des danseurs et danseuses qui, au rythme des tambours, tournoient dans un mouvement symbolisant la continuité et le recommencement perpétuel.
« C’est toujours agréable quand on a la chance de se rencontrer entre danseurs et de partager le cercle », lance Mélanie Nogues, elle aussi membre de la communauté de Gespeg, et qui participe aux célébrations depuis plusieurs années.
Arborant une régalia – le vêtement sacré des danseurs et danseuses – dont elle signe la confection, elle y danse le fancy shawl, la danse du papillon, en français.
« C’est vraiment une danse de la réappropriation, de la femme qui a repris sa place dans le cercle, explique celle qui donne des ateliers dans les écoles pour expliquer le mode de vie pow-wow. C’est une danse qui est plus contemporaine et moins traditionnelle, mais surtout, elle affirme notre fierté d’être encore là, de pratiquer nos traditions et d’affirmer notre culture. »
Quant à la régalia, propre à chaque participant à la danse, elle reflète aussi l’identité de la personne qui s’en recouvre.
« Celle que je porte est aux couleurs d’ici, de la mer, je suis dans le vert, le bleu, le blanc et le jaune. J’ai aussi mon médaillon identifié Gespeg, indique-t-elle, précisant que l’assortiment évolue au fil du temps. C’est vraiment personnel à chaque danseur, il n’y a pas de codes à respecter, mis à part de se sentir bien et de raconter son histoire. »
Fête inclusive
Si pendant de nombreuses années les pow-wow ont été interdits par les autorités gouvernementales, notamment au Canada, ils ont depuis les années 1960 progressivement reconquis l’ensemble du territoire nord-américain. Le
Mawiomi de Gespeg, qui offre en outre une vitrine à différents artisans traditionnels, en était quant à lui à sa 8e édition.
« De plus en plus de gens participent, [les allochtones] sont aussi mieux informés, affirme Mélanie Nogues. On sent qu’il y a une envie de comprendre. »
Même son de cloche du côté de Tim Adams, qui remarque une collaboration grandissante entre la communauté et les allochtones. « C’est une force qu’on a à Gaspé, que ce soit le Musée de la Gaspésie, le parc Forillon, la Ville, il y a une belle collaboration. »
Pour les Mi’gmaq de la nation Gespeg, le Mawiomi est aussi et surtout l’occasion de renouer avec leurs traditions et de démontrer la réappropriation de leur culture auprès des autres communautés présentes lors de l’événement, communautés avec lesquelles se sont tissés et se tissent encore de profonds liens.
« Pour les gens de Listuguj et Gesgapegiag, les danseurs et danseuses qui sont venus de l’Îledu-Prince-Edward, de la Nouvelle-Écosse, c’est important pour eux de nous voir rattraper les danses et les cérémonies, de nous voir rattraper notre culture », conclut Tim Adams.

La régalia reflète l’identité de la personne qui s’en recouvre. Photo : Parcs Canada, Marjolaine Dupont

Tim Adams, membre de Gespeg qui tient le rôle de gardien de feu et d’homme de cérémonie. Photo : Jean-Philippe Thibault

La danse, volet important du Mawiomi, est une manière de célébrer la culture des communautés autochtones. Photo : Parcs Canada, Marjolaine Dupont


