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3 novembre 2017 12 h 03

On vient tous d’ailleurs

Pascal Alain

Chroniqueur

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CARLETON-SUR-MER, novembre 2017 – L’été 2017 aura été marqué par la question des migrants, des immigrants ou des réfugiés, peu importe comment on les appelle, non seulement aux États-Unis, mais également ici, au Québec. Des commentaires de toutes sortes, souvent haineux, ont été exprimés par des gérants d’estrade qui ont inondé les réseaux sociaux et les tribunes téléphoniques de certaines radios de Québec. Dans le même élan, des manifestants et des organismes d’extrême droite ont repris du service. Et pourtant, on vient tous d’ailleurs…

Au cours des dernières semaines, des mots durs ont défilé sur nos écrans. « Retournez sur vos bateaux. » « Vous n’êtes pas les bienvenus. » « Démerdez-vous avec vos problèmes. Ils ne nous concernent pas. » « Aidons nos pauvres avant d’aider des réfugiés venus d’ailleurs. » « Je ne veux pas de ces gens-là chez moi. Ils sont dangereux. » Consciente ou non, une forme de haine transpire de ces messages, la haine pouvant être définie par une hostilité très profonde envers quelqu’un ou quelque chose.

Si ces mêmes personnes, camouflées derrière un foulard ou un clavier, savaient qu’un humain « pur-sang », ça n’existe pas. Que ce qui les a construits comme êtres humains provient d’origines pluriculturelles des siècles passés. Cela viendrait relativiser bien des perceptions envers les réfugiés.

Le cas gaspésien

N’eussent été les réfugiés qui ont un jour débarqué en Gaspésie, nous n’aurions assurément pas la même Gaspésie. Replongeons-nous dans l’histoire.

À l’automne 1758, la Gaspésie est désertée. La guerre qui oppose la France et l’Angleterre pour la domination du continent nord-américain a des conséquences jusqu’à nos côtes. Un certain James Wolfe s’amène en Gaspésie pour y raser les résidences et les installations de pêche. Sans défense, la péninsule voit les 1 500 soldats de Wolfe dévaster le territoire. Deux ans plus tard, à l’automne 1760, la Nouvelle-France s’effondre. L’Amérique devient rouge. La Conquête britannique est confirmée.

Chassés et maltraités, les Acadiens ont la vie dure. Ils tentent de survivre dans des camps de réfugiés. Déportés de leurs terres ancestrales dès 1755, ils n’ont plus de chez-soi. Soutenus par les Micmacs, ces expropriés fuient les Britanniques en courant à travers bois. Une fois la guerre finie, les Acadiens jettent leurs bagages tout le long de la baie des Chaleurs et tentent de refaire leur vie. On les retrouve aujourd’hui dans de nombreuses régions du Québec, de sorte qu’il y aurait plus d’un million de descendants acadiens qui peuplent la province.

La Gaspésie, terre d’accueil pour les réfugiés

D’autres réfugiés font de la Gaspésie leur nouvelle terre d’accueil à partir de 1784. Quelques années auparavant, les États-Unis déclarent leur indépendance à l’égard de l’Angleterre. Désormais, la colonie souhaite se libérer de la monarchie britannique pour voler de ses propres ailes. Évidemment, la mère patrie ne l’entend pas ainsi. Une guerre civile va donc éclater en 1776 entre les indépendantistes et les loyaux sujets du roi d’Angleterre, les Loyalistes.

Après sept ans d’affrontements, ces derniers perdent la guerre et leurs privilèges. La paix revenue, les Loyalistes ne se sentent plus chez eux. Certains craignent pour leur sécurité. Ils délaissent donc massivement les États-Unis pour devenir des réfugiés politiques. Ils s’installent notamment en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Estrie (Eastern Townships) et en Gaspésie, plus particulièrement dans la baie de Gaspé, à New Richmond et à New Carlisle.

Et que dire des Irlandais qui fuiront la famine pour s’installer en Gaspésie au tournant des années 1840? Non, le visage de la Gaspésie ne serait pas le même sans eux et tous les autres peuples qui s’ajouteront, à commencer par les Anglo-Normands, les Britanniques, les Écossais, les Canadiens français, etc.

De tout temps à travers les siècles, la peur et la haine de l’autre ont existé. Et l’histoire a su démontrer plus d’une fois que les pays qui érigent des murs ne vont nulle part.

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NOTE SUR L’AUTEUR
Pascal Alain est né et habite à Carleton-sur-Mer. Historien de formation, il est aussi détenteur d’une maîtrise en développement régional. Œuvrant professionnellement dans le secteur municipal, il est l’auteur de plusieurs conférences sur l’histoire et le développement régional. Il est aussi l’un des membres fondateurs du GRAFFICI.