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19 novembre 2021 8 h 23

Orbie : celle qui dessine des histoires

CAP-D’ESPOIR | Récemment sacrée artiste de l’année en Gaspésie par le Conseil des arts et des lettres du Québec, le CALQ, Marie-Eve Tessier-Collin, alias Orbie, récolte les fruits d’un projet amorcé il y a un peu plus d’une décennie. Portrait d’une créatrice rayonnante.

Journée pluvieuse de juillet. Le temps gris accouche de paysages monochromes tranchant avec la couleur des dessins qui composent l’oeuvre de l’artiste. Derrière la maison située à Cap-D’Espoir, l’oeil se pose d’abord sur un décor champêtre, puis sur un petit bâtiment de bois servant d’atelier. C’est entre ses murs que les illustrations d’Orbie prennent forme. « Le regard est vraiment viré vers l’extérieur l’été», songe l’autrice et illustratrice de livres jeunesse. « Tandis que l’automne et l’hiver, ça s’intériorise plus, il y a plus de place pour créer. »

Dernièrement, cette « place pour créer » a débouché sur de nombreuses oeuvres dont la qualité a été saluée. Le prix du CALQ vient ainsi couronner une période prolifique sur le plan professionnel. « J’ai eu vraiment deux grosses années [2019 et 2020], relate Marie-Eve Tessier-Collin. Mes deux premiers livres ont été nominés à plein de prix, je suis allée en Belgique, à la Foire du livre de Bruxelles, j’ai fait plein de salons du livre et là, cette récompense du CALQ ! »


Le poste de travail d’une illustratrice. Ici, en résidence de création au Sea Shack de Sainte-Anne-des-Monts. Photo : Offerte par Marie-Eve Tessier-Collin

Au fil des opportunités

Cette carrière féconde que s’est tissée l’artiste, si elle s’appuie sur un talent indéniable, s’est tout de même concrétisée lentement, au fil des opportunités qui se sont présentées. Un parcours propulsé de surcroît par ce choix, il y a maintenant 15 ans, de faire de la Gaspésie une terre d’accueil. « Je suis sûre à 95 % que je ne serais pas à mon compte si j’étais restée à Québec, raconte la femme originaire de la Rive-Sud. En Gaspésie, dès que tu as un projet, le monde est super excité et il t’encourage à le faire. La communauté te soutient vraiment beaucoup et elle t’aide à te faire connaître », poursuit-elle.

Retour en 2008. Bien installée depuis trois ans, Marie-Eve Tessier-Collin travaille à Percé dans le secteur de la restauration. Mais quelque chose manque à son bonheur. « J’ai toujours été celle qui dessine, expose l’autodidacte de 37 ans. Mais je ne dessinais plus. Je me suis questionnée. » Un soir, elle a l’idée de réaliser un livre à colorier sur Percé. Un carnet touristique, pour découvrir le coin, qui la fait connaître. En décembre, l’entreprise Les dessins d’Orbie (mot qu’elle utilise comme pseudonyme sur Internet) est officiellement mise sur pied.

Une première collaboration

Marie-Eve Tessier-Collin enchaîne les contrats d’illustration, notamment pour des campagnes promotionnelles, lorsque se présente une offre inestimable : la maison d’édition québécoise Les 400 coups lui propose d’illustrer un album jeunesse. « C’était un de mes rêves, signale Orbie. Un jour, quand j’allais être vraiment bonne, je ferais des livres. » L’album, La petite truie, le vélo et la lune, remportera d’ailleurs en 2015 le Prix des libraires du Québec dans la catégorie « 0-5 ans ».

Cette première expérience littéraire constitue un moment charnière dans la carrière d’illustratrice de la jeune artiste. « J’ai aimé ça au point où c’était juste ça que je voulais faire », dit-elle. Orbie s’associe ainsi à des autrices telles Pierrette Dubé (La petite truie, le vélo et la lune), Rhéa Dufresne (la trilogie Sven le terrible) et Guylaine Guay (la série des Clovis, sur l’autisme). Un partenariat avec l’autrice belge Charlotte Bellière a donné naissance à Attends, je vais t’aider, disponible depuis octobre. « Quand je fais des livres, j’ai comme une liberté artistique, je peux explorer différentes matières », précise-t-elle.


Marie-Eve Tessier-Collin, dite Orbie, a jusqu’à présent collaboré à la création d’une quinzaine de livres jeunesse. Sa plus récente collaboration, avec l’autrice et comédienne Guylaine Guay et intitulée Est-ce que Clovis est un papillon ?, est parue le 3 novembre. Photo : Gracieuseté de Jean-François Lamoureux

Quand l’anecdote devient une histoire

D’abord mandatée à l’élaboration de dessins dans le cadre de collaborations, la Gaspésienne d’adoption tend depuis peu vers l’écriture de ses propres récits. « J’ai toujours aimé raconter des histoires et être libre », indique la maman de deux jeunes enfants. Sa démarche : créer une histoire à partir d’une anecdote ou de ce qui compose le quotidien. L’adoption d’une mesure de santé publique, par exemple, dans La fin des poux?, livre publié en septembre de cette année.

Carrières en parallèle

Depuis ses débuts en tant qu’illustratrice, Marie-Eve Tessier-Collin se fait le devoir de partager les rudiments de son métier auprès des plus jeunes. Elle participe ainsi à La culture à l’école, un programme du ministère de l’Éducation qui initie les élèves à différentes formes d’art. « J’explique le processus de création, je montre le travail et toutes les étapes qu’il y a derrière un livre, explique l’artiste. [Les élèves] voient que c’est un métier possible », ajoute-t-elle.

En marge de ses projets littéraires et de son implication scolaire, la créatrice oeuvre dans le milieu de la périnatalité par le truchement d’un aide-mémoire illustré qu’elle a elle-même imaginé lors de sa deuxième grossesse. « L’affiche est remise à chaque femme pendant sa préparation à l’accouchement, explique-t-elle. C’est vraiment trippant de penser qu’il y a des milliers de femmes qui utilisent ça pour les aider. »

Des licences d’utilisation sont ainsi vendues au personnel de la santé, surtout en Europe, où les accouchements naturels sont répandus. Un volet de sa vie professionnelle qui, s’il lui est profitable, n’est pas une fin en soi. « Tant que des gens vont vouloir acheter des licences, tant mieux, admet Marie-Eve Tessier-Collin. Mais s’il n’y en a plus, ce n’est pas la fin du monde non plus. Moi ce que je veux faire, c’est raconter des histoires! »