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17 décembre 2015 15 h 40

ORLÉANS, UN AN PLUS TARD : RÉVISION DES COUPES ENVISAGÉE

GASPÉ, 16 décembre 2015 – Autocars Orléans Express pourrait revoir ses horaires et trajets pour éliminer certains irritants, près d’un an après avoir réduit de façon draconienne ses services en Gaspésie. Entre-temps, passagers et commerçants ont dû s’adapter, certains tant bien que mal. Bilan des impacts, près d’un an après les coupes d’Orléans.

Il est passé midi au terminus de Gaspé. L’autobus, en retard d’une demi-heure, s’immobilise et une demi-douzaine de passagers descend du véhicule.

Parmi eux, Serge Bourget, de L’Anse-à-Beaufils, qui revient de Rimouski. Avant les réductions de service, il prenait l’autobus à partir de son village. Cette fois, il a roulé jusqu’à l’aéroport de Gaspé, pour y laisser sa voiture, puis a pris un taxi jusqu’à l’arrêt d’autobus au centre-ville. « Il faut s’adapter, même si je trouve ça malheureux, dit-il. J’ai toujours dit que c’était à la population d’utiliser un service si elle veut le garder. Mais une chance que la RéGÎM [navettes vers les arrêts d’Orléans] peut combler les lacunes, surtout pour les personnes âgées. »

Un autre passager, Christian Jujy, a passé la nuit dans l’autobus. On n’a plus le choix quand on veut atteindre la Gaspésie de Québec ou de Montréal. Il faut embarquer à 22 h 30 dans la métropole ou à 00 h 45 à Québec.

Ces trajets de nuit sont « une des insatisfactions des clients, selon les sondages qu’on a faits. C’est quelque chose qu’on regarde », admet Marie-Hélène Cloutier, vice-présidente expérience passager, marketing et commercialisation chez Keolis Canada, la compagnie mère d’Orléans.
En octobre 2014, la Commission des transports du Québec (CTQ) avait accepté toutes les demandes de réductions de services d’Orléans Express. Depuis le 18 janvier 2015, la compagnie offre un seul aller-retour par jour du côté nord de la péninsule et un seul au sud, comparativement à deux ou trois de chaque côté il y a un an. De Gaspé à Rimouski, le nombre d’arrêts est passé de 44 à 7. Côté sud, il a diminué de 47 à 9. Et Percé, la capitale touristique de la Gaspésie, n’est plus desservie.

Keolis pourrait-elle revenir à deux départs par jour? « C’est trop tôt pour se prononcer sur deux départs, répond Mme Cloutier. Mais on regarde nos horaires pour mieux s’adapter aux besoins et on envisage des dessertes différentes selon les saisons. » Combler le vide entre Gaspé et Grande-Rivière, incluant Percé, « fait partie des analyses ».

Keolis s’attend à une convocation de la CTQ au début 2016, « pour faire le bilan et mentionner notre vision d’avenir ». Cette « vision d’avenir » a changé depuis les audiences d’août 2014. À l’époque, Keolis annonçait qu’elle projetait d’abandonner sa desserte à l’est de Rimouski.
« Notre intention depuis les derniers mois, et on le réitère haut et fort, n’est pas de couper les services [à nouveau] mais de les conserver », déclare maintenant Mme Cloutier. La baisse du nombre de départs a fait grimper le taux d’occupation et « les frais sont mieux gérés », dit la vice-présidente.

Navettes du RéGÎM : 6,6 passagers par jour

Pour combler en partie les réductions de services, des navettes de la RéGÎM, le transport collectif régional, rabattent les passagers vers les arrêts restants. En moyenne, 6,6 passagers par jour utilisent ce service depuis le 18 janvier dernier. Plus de 50 % de ces trajets se font vers ou à partir de Gaspé et Grande-Rivière, et 34 % de Carleton-sur-Mer.

« Nos attentes étaient assez floues [quant à la fréquentation], commente le directeur de la RéGÎM, Antoine Audet. On pense que le service pourrait être davantage utilisé. C’est un petit nombre par rapport aux gens déplacés sur Orléans Express. »

Québec a accordé une subvention de 530 000 $ à la RéGÎM pour mettre sur pied ces navettes. De cette somme, la RéGÎM avait dépensé 230 000 $ au début décembre. Si l’on soustrait les frais de gestion et le prix payé par l’usager (2,50 $ ou 3 $ par passage), le coût se chiffre à 106 $ par déplacement. « Il faut agir sur ce chiffre, dit M. Audet. Soit on va réduire les dépenses, soit on va optimiser les tarifs. »

Le casse-tête des commerces

Plusieurs entreprises de la région utilisent les soutes à bagages des autobus d’Orléans, via la firme Expedibus, pour expédier leurs produits. Plusieurs ont dû se réorganiser ou se résigner à la suite des coupes de services. La Poissonnerie La Coquille, de Caplan, continue d’expédier des fruits de mer et du poisson par Expedibus, mais doit accepter des délais supplémentaires.
La copropriétaire France Arsenault part tôt le matin vers Paspébiac, à 38 km de Caplan, pour déposer à l’arrêt ses colis contenant des produits nécessairement cuits la veille.  « Ça arrive à 20 h20 à Montréal, alors c’est juste pour manger le lendemain », dit-elle. Avant, la poissonnerie expédiait le soir même à partir de Caplan des fruits de mer pêchés le matin et cuits l’après-midi, qui pouvaient être consommés dans les grands centres moins de 36 heures après leur sortie de l’eau.

Fumoir M. Émile achète son propre camion

Au Fumoir M. Émile, de Percé, la fin du service de bus dans la ville du rocher obligeait les propriétaires à rouler jusqu’à Grande-Rivière très tôt le matin pour expédier leur saumon fumé.

Depuis juin, l’entreprise s’est plutôt équipée d’un camion réfrigéré qui prend la route tous les mardis vers l’ouest. « Il fait toutes nos livraisons dans la Baie-des-Chaleurs, à Amqui, Rimouski, Québec. Le mercredi, il fait les livraisons dans Montréal », explique la copropriétaire Cathy Poirier.
« Ce n’était pas mon rêve d’avoir une compagnie de transport, lance Mme Poirier. Mais on a plongé et on s’est dits : « on va sûrement dépanner d’autres gens ». Mon camion part plein, plein. On a des pétoncles de Fermes marines [Newport], des produits de Raymer [truite de New Richmond], de Couleur Chocolat, des algues d’Antoine Nicolas [Cap-aux-Os]… »

En embarquant des produits au retour, le Fumoir parvient aux mêmes coûts de transport qu’auparavant avec Expedibus. Cathy Poirier ne retournera pas en arrière, même si Orléans rétablit le service. Mais elle a encore du mal à comprendre la décision de Keolis de ne plus se rendre à Percé. Le Fumoir, à lui seul, payait 65 000 $ par an à Expedibus pour ses colis.

Taxi Fortin : la CTQ dit non à un service étendu

Taxi Fortin, qui offre trois allers-retours par semaine à partir de Gaspé en minibus 11 passagers, a vu augmenter sa clientèle de 20 % à 25 % à la suite des changements chez Orléans, décrit le propriétaire Denis Fortin. Ces hausses se font sentir surtout au retour, puisque Taxi Fortin offre des heures « raisonnables » et non un trajet de nuit, précise-t-il.

M. Fortin a demandé à la Commission des transports de pouvoir desservir le côté sud de la Gaspésie, et d’ajouter des arrêts plus à l’ouest du côté nord (Taxi Fortin peut faire monter des passagers jusqu’à La Martre). La CTQ a rejeté sa requête, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’état actuel du marché en Gaspésie.

La façon d’opérer de Taxi Fortin, en service depuis 1949, ne cadre pas dans l’actuelle Loi sur les transports, explique en substance la Commission, notamment parce qu’il s’agit d’un « taxi » qui fait du transport collectif avec plus d’un véhicule sur son permis. La CTQ refuse donc d’agrandir le territoire de Taxi Fortin. « Cela équivaudrait à faire indirectement ce que [la CTQ] ne peut faire directement », écrivent les commissaires dans leur décision.

« C’est une décision de bureaucrates, il n’y a pas de place pour les petits privés », réagit M. Fortin. Pourtant, la demande est là, observe-t-il, surtout à Percé. « J’ai du monde de Percé qui monte me prendre à Gaspé. C’est un endroit où Orléans ne va pas et où je n’ai pas le droit d’aller.»

Hausse modeste chez Déménage et livre-tout

Déménage et livre-tout a récupéré « quelques clients » qui faisaient affaire avec Expedibus, indique le président Richard Bérubé. L’impact de la réduction de services d’autobus a toutefois été « très minime », estime-t-il. Au cours de la dernière année, la firme a construit un entrepôt à Gaspé et un autre à New Richmond, deux investissements de 350 000 $ chacun. M. Bérubé aurait construit ces bâtiments avec ou sans la réduction de services d’autobus. « Notre volume d’affaires a augmenté. Ça n’a rien à voir avec Orléans », affirme-t-il.

Par ailleurs, Déménage et livre-tout a abandonné la livraison des colis d’Expédibus des arrêts restants vers leurs points de chute, un service offert les premiers six mois après le 18 janvier. « Il n’y avait pas un volume suffisant. Ça ne valait pas la peine pour deux-trois colis par jour… », conclut M. Bérubé.

Échantillons sanguins : finalement moins cher

Les hôpitaux et CLSC gaspésiens utilisaient Expedibus pour envoyer des échantillons sanguins être analysés hors de la région. L’abandon de plus de la moitié des départs d’Orléans leur faisait craindre une hausse importante des coûts. Le contraire s’est produit, indique le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Gaspésie (CISSS). La facture a diminué de 15 % globalement pour la péninsule, soit une économie de 19 770 $ sur les sept mois et demi compilés par le CISSS.

L’adaptation aux réductions de services s’est avérée « bénéfique », écrit dans un courriel la porte-parole du CISSS, Geneviève Cloutier. « Désormais, nous utilisons des moyens plus variés (autobus, taxi ou Dicom) pour acheminer les échantillons vers Rimouski. Certains de ces moyens (taxi et autobus) étaient déjà utilisés et d’autres sont nouveaux (Dicom) pour l’envoi d’échantillon. »

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