Que font les Gaspésiennes ? ; troisième partie
TROISIÈME PARTIE : 1921 ET 1931
NEW CARLISLE | Nous voici arrivé·e·s au dernier chapitre de notre quête : l’examen des métiers des femmes du comté de Bonaventure pour les recensements de 1921 et de 1931, les derniers recensements nominatifs disponibles.
Ce tour du chapeau permet de clore notre amorce de portrait du rôle des femmes dans la sphère économique gaspésienne. Un portrait certes incomplet ; la lecture de ces recensements montre d’abord et avant tout d’énormes lacunes dans la documentation du travail féminin, lié ou non à une rémunération. Nos recherches, portées par la question « que font les femmes ? », ont visé à sortir quelques traces de leur passage et de leur existence hors des archives pour les remettre entre vos mains. Et lutter contre l’oubli.
Pour un rappel, notre exercice de consultation des recensements de 1861, 1871, 1881, 1891, 1901 et 1911 a révélé que les Gaspésiennes du comté de Bonaventure s’illustrent particulièrement dans le travail domestique (comme servantes, ménagères, etc.), l’enseignement et l’industrie textile. Quelques unes tiennent des commerces ou sont vendeuses ; d’autres sont infirmières, ou cuisinières, ou tenancières d’hôtels. Nous avons recueilli les noms de télégraphistes, d’opératrices et autres métiers apparentés ; des maîtresses de poste, des organistes, des teneuses de livres et même des artisanes vannières mi’gmaq.
Le recensement de 1921
Dans le recensement de 1921, pour le comté de Bonaventure, en plus des sempiternelles enseignantes et servantes, on trouve plus d’écolières que jamais auparavant – elles sont si nombreuses que nous n’avons pu les dénombrer.
De plus, les femmes sont plus que jamais présentes dans la sphère commerciale :
• En ce qui concerne les commis et vendeuses, on compte, à Port-Daniel, Alice Gagné et Della Muckle ; de Port-Daniel Ouest, Muriel Bisson ; de Saint-Godefroi, Théotiste Parisé ; de Paspébiac, Mabel Briard, Alice Decaen, Alvina Horth et Marie Darosbil (probablement Delarosbil) ; de New Carlisle, Annabelle Caldwell ; de Caplan, Alice Ferlatte ; du canton de Mann, Jeanne Yvonne Beaulieu ; de Saint-André-de-Restigouche, Orpha Castonguay ; de Nouvelle, Yvonne et Corinne Frenette, Juliette Saint-Onge, Lucie Savoie et Marie Landry ; de Carleton, Anna Bernard ; de Maria, Adélie Cyr, Inez Poirier, Ernestine Murphy, Yvonne Leblanc et Gertrude Cleary ; de New Richmond, Mona Bunton (peut-être Burton), Eveline Fallow, Alma E. Clapperton, May et Imelda Cyr ;
• Il y a une caissière, Stella Elsie Hocquart, à Paspébiac ;
• En ce qui a trait aux propriétaires de magasins et aux marchandes, Clara Bisson tient un magasin à Port-Daniel Ouest et sa fille Clara May est vendeuse ; à Saint-Godefroi, Clara Romeril ; de Paspébiac, Marie Darosbil (une autre Delarosbil ?) ; de New Carlisle, Edith Morris, Grace Le Brocq et Isabella Flowers ; de Bonaventure-Est, Odile Henry ; de Caplan, Angélique Bujold, Marie Bourdages et Angélique Cyr ; de Matapédia, Ruth Mann ; de Nouvelle, Délima Leblanc ; de New Richmond, Brandy Starrak, puis Mary Jane Crépeault et sa fille Aurénie ( ? ) Crépeault.
Les femmes sont aussi nombreuses à occuper des fonctions de secrétariat. Elles sont sténographes, télégraphistes, teneuses de livres ; on en trouve davantage que dans les années précédentes.
• Sont sténographes Opal Jones de Port-Daniel ; peut-être Jean McPherson de Port-Daniel ; Anna C. Elliot de Port-Daniel ; Dorothy Mauger de Shigawake ; Marian Ross de Hope ; Florence Cooks (Cooke ?), Elsie Campbell, Eveline
Roy, Mary Hamilton, Flore Marcotte, Opal Jones (une autre !), Eliza Vautier, May Duguay, May McIntyre et Lillian Imhoff de New Carlisle ; Rosanna Poirier de Bonaventure ; de Mann, les soeurs Nana ( ? ) et Dorothy Adams ; Mary Fallow, et Isabel McNicol de New Richmond ;
• Le recensement nomme quelques téléphonistes, comme Eliza Enright de Port-Daniel ;
• Il y a aussi quelques opératrices, comme Rita Jones de Port-Daniel ; Isabella Sweetman de Port-Daniel ; Lillian Smollett de New Carlisle ; de Matapédia, Louise Arsenault ; de Mann, les soeurs Gladys et Doris Hunter ;
• Quelques télégraphistes, comme Odile Barriault de Ristigouche Sud-Est, et Mary Pitre du canton de Mann ;
• Puis, des teneuses de livres, comme Georgiana E. Elliot de Port-Daniel ; Alice Le Gallais de Paspébiac ; Audrey Blais et Hilda Roy de New Carlisle ; de Ristigouche Sud-Est, Isabella Connors ; du canton de Mann, Annie Geraghty ; de Saint-Omer, May Godin ; de Maria, Mary Gallagher et Léonie Cormier ; de New Richmond, Viola Willett.
En 1921, il y a bien quelques couturières dans le comté de Bonaventure, mais elles sont nettement moins nombreuses que les années précédentes.
• Les couturières, en 1921, sont : de Port-Daniel Est, Alma Langlois ; de Port-Daniel, Lucienne Pearson et Alvina Gendron ; de New Carlisle, Ann Caldwell ; de Bonaventure-Est, Odila Henry ; de Saint-Siméon, Anastasie Cavanagh ; du canton de Mann, Eva Leblanc ; de Nouvelle, Marie Bois, Florentine Lurette et Rachel Savoie ; de Carleton, Julienne Leblanc ; de Maria, Yvonne Porlier, Evelyne Guité, Yvonne Bernard, Elise Loubert et Rachel Guité ; de New Richmond, Alice McColm ;
• Il y a quelques modistes : Christine Joseph de Saint-Godefroi et Ida Fugère de Maria ;
• Il y a aussi une tisserande, Marie Vienneau de Maria ;
• Et une tailleuse, Lida Leblanc de New Richmond.
D’autres métiers ont aussi été relevés :
• Les cuisinières : Emelda Poirier de Bonaventure Est ; de Nouvelle, Lucie Landry ; de Carleton, Philomène Bujold, une soeur au nom indéchiffrable, et Brigitte Leblanc ; de Maria, Madeleine Loubert ;
• Les tenancières d’hôtels : de Matapédia, Flore Dubé et Agnes Pratt, qui tient une boarding house ; de Mann, une Alice Doyle, working for board ;
• Les maîtresses de poste : à l’Anse-à-la-Barbe, Orélie Morin
est maître de poste ; Yvonne Perron, du canton de Mann, est
commis au bureau de poste ; Ozema Doiron de Matapédia
aussi ;
• Les fermières : Eliza Hocquart de New Carlisle ;
• Les infirmières : de New Carlisle, Mona Caldwell ; de Listuguj, Emily Barnabé ; de Matapédia, Maud Bulmer et Mary Mildred, une nurse in training ; de Mann, une Lewis ( ?) Brown est une grad nurse ; de Nouvelle, Hermance Dugas ; de New Richmond, Margaret Woodman ;
• Une moccassin maker : Bella Swasson de Listuguj ;
• Une organiste : Emeline Bernard de Carleton.
Des femmes participent à la transformation de la morue à Paspébiac, au XXe siècle. Photo : Site historique national de Paspébiac
Le recensement de 1931
En ce qui a trait au recensement de 1931, nous avons changé notre méthodologie face à la tâche immense que représentait son passage au peigne fin ; voici donc un portrait statistique des métiers tels qu’ils se présentent en 1931. On peut voir qu’une quantité ahurissante de femmes sont ménagères et domestiques : près de 1500 femmes dans le comté de Bonaventure. En termes d’importance, elles sont ensuite professeures, gérantes de magasins, puis effectuent du travail de ferme. Elles occupent moins de postes dans l’industrie textile, environ la même proportion de travail de secrétariat, et probablement en raison de la crise économique, peu d’entre elles oeuvrent en hôtellerie.
Limites et perspectives
Nous arrivons au terme de la lecture des recensements pour le comté de Bonaventure et conséquemment, de ce tour d’horizon des femmes sur le marché du travail gaspésien. Cette exploration met en lumière les options de professions disponibles pour les femmes dans une Gaspésie qui a connu la Première Guerre mondiale et les contrecoups de la crise économique de 1929.
Force est de constater, toutefois, que notre question demeure bien ouverte, et que la lecture des recensements n’a pu répondre complètement à cette interrogation. Où sont les femmes dans le travail de la pêche ? Les trancheuses de morue, les saleuses, les emballeuses ? Celles qui travaillent pour la compagnie Robin et LeBoutillier Brothers ? Les sages-femmes, les agricultrices ? Nous avons tenté de sortir quelques noms de femmes des archives de recensements, mais notre quête demeure toute entière.