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18 septembre 2015 8 h 48

CES PROFS QUI FONT LA DIFFÉRENCE

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Pis moi?

Moi qui ai souvent le « piton » collé sur le chialage, qui fait presque toujours le choix des mots les plus corrosifs, des images les plus choquantes… j’ai décidé d’y aller en douceur cette fois. De vous écrire gentiment. De vous remercier.

Pourquoi?

Parce quand j’ai vu les parents, les professeurs et le personnel de soutien se tenir debout pour les jeunes, j’ai pensé à moi. À moi, l’élève que vous avez eue, il y a une bonne dizaine d’années. Et à vous, qui avez tant donné pour que je devienne ce que je suis maintenant.

Pauline, professeure de 5e année
La première personne qui m’a dit que j’écrivais bien, c’est toi, Pauline. Tu as été l’adulte qui, au-delà de mettre une super note sur une dissertation de gamine, a vu des habiletés dans l’incubateur. Tu m’as demandé si j’aimais ça, écrire. Tu t’es intéressée à l’univers de virgules, d’accents et de lettres que je me construisais déjà un peu à cet âge. Tu sais, l’année que j’ai passé dans ta classe, j’étais malheureuse comme les pierres. Un petit malheur passager, mais quand même. Je n’aimais pas grand-chose de l’école où tu enseignais, où je n’ai passé qu’une seule année, d’ailleurs. En plus, c’est cette année-là que j’ai pogné des poux. Mais grâce à toi, je suis quand même repartie de ta classe avec l’amour des mots.

Merci d’avoir su lire en moi plus que des phrases d’enfant.

Sylvie, professeure de géographie, 3e secondaire

Tu étais une jeune professeure au statut précaire. Je ne te l’ai jamais dit, mais j’ai souvent regretté de ne pas avoir ton âge en 2002. Comme ça, j’aurais pu être ton amie. On t’appelait « Sylvie la hippie », parce que tu étais passionnée de voyages, d’aventures, de différent. C’est toi qui as semé en moi la graine du voyage, le goût d’aller voir ailleurs, de m’y intéresser. C’est dans tes traces que j’ai marché à 18 ans, quand je suis partie pour ma première aventure avec mon sac à dos. Sylvie, tu m’as enseigné beaucoup de choses que j’ai oubliées. Mais tu m’as avant tout montré que l’on peut vivre autrement et réaliser ses rêves.

Merci de m’avoir offert le monde en cadeau.

Madeleine, enseignante d’anglais, 4e secondaire

Madeleine, tu n’étais pas ma préférée : dans mes souvenirs, tu demeures plutôt sévère. Un jour, par mégarde, j’ai omis de me présenter à l’un de tes examens (ma mère l’apprend à l’instant même). Tu avais toutes les raisons de me dire de le reprendre… l’année suivante. Au lieu de ça, je me revois aujourd’hui refaire ce test important dans ton sous-sol de Charlesbourg sur un vieux pupitre. J’ai passé quelques heures avec mon dictionnaire bilingue et mon verre d’eau à rattraper ma bourde en te remerciant. Madeleine, ta classe était bien éclairée, bien meublée, les conditions étaient bonnes, elles étaient là. Mais ce dont je me rappellerai toujours, c’est que tu m’as donné une deuxième chance. Tu m’as appris à ta façon, en anglais comme en français, ce que c’est que l’empathie.

Merci pour cette ouverture qui ne t’a rien coûté, mais qui a tant compté pour moi en 2003.

Martine, professeure d’arts de la scène, 5e secondaire

Ton cours est l’un de ceux que j’ai adorés au secondaire, parce qu’il tombait directement dans mes cordes. En plus, il était plus facile que celui de maths, où j’avais envie de pleurer ma vie chaque semaine. Te souviens-tu de moi, Martine? On avait une belle relation, toi et moi. En fait, les élèves t’adoraient tous parce que tu représentais la bonne humeur incarnée. À la remise de diplômes, en 2004, mon école secondaire a donné des plaques avec des petits mots à quelques élèves méritants (dont moi). C’est toi qui as rédigé le mien. Sais-tu que ma mère a pleuré dans le gymnase de la polyvalente quand tu l’as lu? Sais-tu que j’ai fait pareil? Je n’avais jamais vu des mots aussi beaux m’être adressés. Ce que je veux te dire, c’est que plusieurs années plus tard, j’ai douté de moi très fort. J’ai ressorti mon laminé, Martine, et tu m’as fait autant de bien ce jour-là qu’à 16 ans.

Merci pour la petite dose confiance que tu m’as offerte, même en dehors des planches.

Pauline, Sylvie, Madeleine, Martine. Je ne sais pas si vous enseignez toujours, si vous êtes fâchées ou tristes de la situation actuelle. Mais quand j’y repense, la plus grande différence que vous avez faite dans ma vie, vous l’avez faite sans budget, sans moyens, sans technologie. Vous l’avez faite avec vos mots, votre présence et votre temps. Moi, qui étais une étudiante sans grande difficulté ni besoins spéciaux. Moi, à qui vous deviez seulement dire de se la fermer de temps en temps ou d’arrêter de rire dans la dernière rangée. Moi, qui avait des amis fantastiques, une équipe de basketball tripante et des parents présents. Si vous avez su marquer mon parcours, c’est que sans le savoir, vous en avez sans aucun doute changé plusieurs autres. Plus rocailleux, peut-être. Plus difficiles.

Aujourd’hui, je suis bien loin des bancs d’école. Malgré cela, j’espère très fort que vos confrères et consoeurs de l’enseignement continueront de faire comme vous : des petits miracles. En dépit des voyages scolaires en moins, du parascolaire coupé, des interventions amenuisées, du trop-plein d’élèves qui s’entassent entre quatre murs.

Je ne serai jamais celle qui dira aux professeurs de se taire ou qui conseillera aux parents de ne pas s’insurger, de regarder en silence l’éducation de leurs enfants dégringoler en même temps que les budgets.

Au contraire, ce que je dis, c’est qu’au final, les êtres humains si importants pour nos jeunes, qu’ils soient enseignants ou membres du personnel de soutien, ce sont des personnes comme vous, Pauline, Sylvie, Madeleine et Martine. Et que tant que ces adultes seront là, passionnés, ouverts et intéressés par leurs élèves, nous n’aurons pas tout perdu.

Car oui, on peut faire la différence et l’apprendre dans un blogue, 15 ans plus tard.

Roxanne Langlois, votre ancienne élève.