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18 avril 2015 10 h 15

COCKTAIL DE NÉONICOTINOÏDES, TARTRAZINE ET AUTRES DÉLICES

Samedi 9 h 30 – La tête dans le frigo, je suis en quête de la collation idéale. J’anticipe le goûter avant que les gargouillis de l’estomac de fiston et de sa bande ne m’avertissent qu’il est enfin l’heure. Hum, c’est plutôt feng shui sur mes tablettes aussi encombrées qu’un désert sibérien. Les aliments s’y comptent que sur quelques doigts. Hier, j’ai dû quitter le supermarché de façon précipitée lors d’un incident où la vitesse et le manque d’expérience seraient en cause. Avez-vous déjà remarqué que de gronder sa descendance dans un lieu public n’entraîne que des froncements de sourcils de la part des spectateurs? Entre vous et moi, un garçon qui percute de plein fouet un présentoir déjà instable avec le panier d’épicerie mérite des remontrances… du moins une leçon de conduite.

Une question de goût

Calepin à la main, je m’apprête à ouvrir le compartiment à légumes. En maman zélée, j’ai pris en note, dès l’arrivée des petits visiteurs à la maison, leurs goûts en matière de crudités. Récapitulatif des attentes des z’amis – Le « A », en jeune conscientisé de sept ans, me réclame que du bio. Selon son papa agronome, les néonicotinoïdes, insecticides utilisés en agriculture, affaiblissent les abeilles. Après un discours d’une quinzaine de minutes, cette tête d’ange m’a convaincu de ranger ma tondeuse, de céder le terrain aux marguerites plutôt qu’au gazon fraîchement coupé et de m’acheter des ruches. J’ignore tout des néomachins, mais si un jour cet embryon d’écologiste se présente en politique, je lui assure mon vote. Le « B », dont le papa n’est vraisemblablement pas agronome, déteste les légumes racines parce qu’ils poussent dans la terre et non entre deux allées de supermarché comme il le croyait. Le « C » discrimine sans aucun sens moral les légumes verts à l’exception des petits pois frais du jardin, qui forment d’excellents projectiles. Le « D » mange de tout, mais se sent différent des autres. Je le soupçonne de flancher si le copain « B » se lance en pleine création d’inuktitut avec ses carottes. Voyons voir, le céleri ne répond pas aux critères, ni le navet, quoique je doute de sa popularité auprès de quiconque. Pas de panique! Un tableau croisé dynamique m’aiderait peut-être à trouver la collation parfaite. Vide, le tiroir à légumes est complètement vide. En mon for intérieur, je remercie mon grand. J’évite un casse-tête alimentaire grâce à son monde parallèle qui a transformé un panier d’épicerie insignifiant en une rutilante formule 1.

Scandale sur fond jaune

Je me rabats sur le garde-manger en espérant de meilleurs résultats. Sur la première étagère, une boîte de biscuits au beurre trône à défaut de concurrence. Hésitation de ma part. Je jette tout de même mon regard sur le côté de la boîte afin de vérifier les valeurs nutritionnelles. En alimentation, lire les étiquettes figure parmi les règles d’or. J’ignore si de les comprendre en est une autre. Sans grande surprise, je déchiffre que je tiens dans mes mains un dessert; antonyme de santé. Comme une fois n’est pas coutume, j’opte pour les biscuits qui plairont à tout le monde. Au même moment, je bloque sur le mot « tartrazine ». Qu’est-ce-que c’est? L’ami A pourrait probablement m’éclairer, mais mon orgueil me pousse à lancer mes recherches en solo. En 2007, l’Université de Southampton, en Angleterre, a révélé un lien entre l’hyperactivité chez les enfants et l’ingestion de certains colorants alimentaires chimiques, dont la tartrazine, le jaune FCF et le rouge allura. Depuis, les Anglais les bannissent, les Européens avertissent les consommateurs du risque par la mention « peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention des enfants » et les Canadiens s’adonnent au laxisme… En 2010, dans une proposition très convaincante à laquelle le gouvernement n’a pas encore donné suite, on peut lire : « Santé Canada estime qu’il serait prudent d’indiquer la présence de colorants particuliers sur l’étiquette des aliments ». Transposons la situation dans un scénario plausible. Quel sera le dialogue le plus efficace qui poussera mon fils à passer à l’action et ainsi protègera d’éventuelles chutes les membres de notre unité familiale? 1) Il serait prudent d’indiquer sur la porte de ta chambre qu’il y a des billes qui traînent sur ton plancher. 2) Il serait prudent de ramasser tes billes qui traînent sur ton plancher de chambre. 3) Tu ramasses tes billes ou bien tu auras une conséquence! ». C’est décidé, je dénoncerai haut et fort cette situation qui perdure. Samedi prochain, je militerai en famille lors d’une manifestation pacifique contre le jaune chimique. Mon itinéraire sera de mon banc de neige droit à mon banc de neige gauche de ma résidence principale.

À rendre fou!

Mes espoirs fondent avec le reste du garde-manger. D’un emballage à un autre, chaque produit a quelque chose qui cloche : sel dépassant la dose acceptable, sucre en quantité excessive, mauvais gras, agents de conservation douteux, etc. Pire encore, parfois, le sens éthique manque carrément. Les droits humains sont bafoués par l’exploitation de peuples. Pourquoi faut-il indiquer sur du chocolat qu’il est équitable? Ce devrait être la norme, non? Je tombe des nues découragée par la société de consommation dans laquelle nous vivons. Vendre coûte que coûte. J’espérais pour mes ti-loups une planète respectueuse de la vie, saine aux forêts luxuriantes comme celles d’Elzéard Bouffier dans L’homme qui plantait des arbres…

« Marie, ça va? T’en fais une tête! C’est moi le taxi désigné pour les enfants cette semaine. Je sais, je suis à l’avance. J’ai apporté la collation, des muffins granos encore tout chauds. J’ai pensé qu’on pourrait discuter, refaire le monde! »