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Blogue citoyen

22 décembre 2015 14 h 53

CONTE DE NOËL

Bilbo Cyr

Blogueur

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Silence. Le rideau s’ouvre. La foule est toute ouïe pour entendre et voir l’histoire de ce soir, qui se passe ici. Une scène de nativité : est né un fils du pays. On l’aurait souhaité fort et bien portant. Malheureusement, il est petit et il crie, drapé dans un carré de laine rouge, envers et contre tout ce qui bouge. Le souffle des bœufs fâchés ne le réchauffe pas, et les ânes en colère passent leur temps à braire de concert. Il refuse de dormir et garde obstinément les yeux ouverts. Il refuse de téter sa mère. La nouvelle se répand que celui-ci pourrait changer le cours des choses. On vient de partout, les bras plein, pour essayer de lui arracher un sourire. La rumeur dit que les nouveaux rois viendront lui offrir ce qu’ils ont de plus précieux, pour qu’il ne soit plus jamais pauvre et malheureux. Rideau.

La scène suivante se passe dans un désert. Trois rois, Biteor, Pétrolior et McInnor y sont perdus, et même s’ils cheminent ensemble, ils se querellent.

-Biteor! Roi de rien! C’est ta faute si nous sommes perdus. Tes étoiles qui devaient nous guider se sont cachées et il fait noir comme au fond d’une bourse russe. En plus, ton cadeau ne vaut rien. Tu portes sur ton dos un sac de cailloux, et le vin de ta gourde est plus acide que le vinaigre!

-Pétrolior! Roi d’encore moins! Tu voulais nous faire passer par le fond de ton puit sans nous demander notre avis en prétextant que c’est un raccourci. Si on t’écoutait, on porterait tous comme toi un fourre-tout de ton mélange de bitume, de gaz et de goudron.

Beau cadeau! On serait crottés jusqu’au fond de nos poches et on se faufilerait de crevasse en crevasse en espérant crever la surface à la bonne place. Tes mariages louches avec les tas de cheiks en blanc ne font pas de toi un seigneur, mais un valet. Quand ils te tendent la main, c’est pour que tu la baise. À leur table tu n’auras jamais de chaise.
-Taisez-vous donc, dit McInnor. J’essaie de m’orienter à travers ce désert de calcaire et ça me coute cher en argent qui n’est pas à moi. On aura tous besoin de beaucoup d’énergie pour se rendre à notre but. J’ai envie de me boucher les oreilles avec des plantes vertes pour ne plus vous entendre parler cru. De toute façon, s’il n’en veut pas de nos cadeaux d’or des fous, on n’aura qu’à les garder pour nous.  Il sera encore pauvre et pleurera, et moi je serai aussi riche que tout ce que je dois. J’ai bien envie de m’arrêter par ici et de me bâtir un palais des mille et une nuits avec les roches de ce pays.

La querelle continue mais de plus en plus faiblement. Les rois poursuivent leur route dans l’ombre. Le rideau se ferme.

Scène 3 : Retour à la bergerie, avec le petit qui sourit. Les cadeaux promis ne sont jamais venus. De toute façon, ils auraient déçus. La valeur du sous-sol ne s’offre pas comme une obole. Ça a pris du temps, mais en fin de compte on a compris que tout ce qu’il fallait pour le faire taire, c’était un grand verre d’eau douce fraiche et claire.
C’est la fin du coup de théâtre et tout le monde rentre chez eux. La maison est froide car pendant qu’on se faisait raconter des histoires,  on a laissé mourir le feu.

A tous ceux qui auront lu jusqu’ici mon conte de Noël, je souhaite l’amour des gens avant celui des choses, moins de porteurs de pierre et plus de tisseurs de proses, des rois respectables qui tendent l’oreille au lieu de ceux que l’on connait qui tendent la main pour récolter l’oseille. Je vous souhaite l’amour de votre terre et la mémoire que le trésor le plus cher coule près de chez vous à pleine rivière. Je vous souhaite de vivre debout, le cœur ouvert. C’est inconfortable mais on y voit plus loin, plus profond et plus clair. Je vous souhaite une santé qui ne se paye pas en pilules à l’ombre des cheminées.

Je vous souhaite d’être le changement que vous voulez voir apparaitre. Comme dernier souhait, du moins je crois, à mes amis comme à ceux qui ne le sont pas, je vous souhaite tout le bien que vous pensez de moi…