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Économie
15 avril 2015 11 h 59

DU MIRAGE… À LA RECETTE DU BIEN ÊTRE COLLECTIF

Une lecture superficielle de la situation économique et sociale du Québec, comme de la Gaspésie, laisserait croire que nous sommes une nation très endettée, ou l’activité économique tarde à ce point à se relever de la crise financière de 2008 qu’il importe de faciliter la mise en place de gros joueurs industriels, comme des sauveurs de l’emploi, pour redresser la situation. Sous cet angle, le Plan nord, la cimenterie et le développement pétrolier apparaissent légitimes, puisqu’ils permettent la création d’emplois. Rien de plus logique…

Or, pour mieux comprendre la situation, prenons une image simplifiée facilitant une lecture du contexte actuel. Imaginons que l’ensemble de la richesse créée par l’économie québécoise au cours d’une année représente une tarte aux pommes.

Chaque année, l’État à la responsabilité de subdiviser la tarte pour en partager les morceaux à tous ceux qui ont participé à sa confection. En amont, deux joueurs principaux en planifient la production : le marché, principalement axé sur le profit à court terme, et l’État, garantissant la répartition équitable de la tarte à sa population, notamment par les services publics. Bien sûre, nous devons en assurer la répartition pour aujourd’hui, mais aussi en considérant les générations à venir. C’est une responsabilité collective.

Au Québec et en Gaspésie, la situation décrite semble à ce point critique, qu’un remède de cheval doit être appliqué. Tel que nous le rappellent si bien les Jeff Filion, Éric Duhaime, Sylvain Bouchard et Yves-François Dorval de ce monde, puisque la portion publique de la tarte se rapetisse constamment, au profit du privé, que les plus forts s’accaparent ce qui reste. Et pour les autres?

La tarte n’a pas rapetissée, elle est mal subdivisée

Pour le gouvernement Couillard, il est normal que l’État distribue moins, puisque la portion collective de la tarte diminue. La tarte grossit constamment mais nous l’avons laissée être partagée de façon largement inéquitable. Et ces croyances absurdes guident encore nos pratiques.

Il faut bien comprendre que cet esprit favorise l’individualisme, la logique « au plus fort la poche » et la pensée à courte vue. Ce discours court-circuite les liens de solidarité entre les régions et aussi entre les générations. Ce discours nie constamment la pensée collective et solidaire québécoise qui a, dans les années 1960, charpenté des projets collectifs d’ampleurs mondiales tels qu’Hydro-Québec, la Caisse de dépôt et placement, la Société québécoise d’initiative pétrolière (Soquip), la Société Générale de financement, les actuels réseaux de soins de santé et d’éducation du Québec ainsi que les nombreux emplois stables et de qualités les accompagnant.

En 1950, nous avions un retard considérable face aux économies modernes. Quinze ans plus tard, nous étions l’une des économies, non seulement des plus avancées, mais où les inégalités sociales étaient parmi les plus faibles et où la redistribution de la richesse était des plus élevées. Se peut-il que notre recette soit meilleure qu’ailleurs?

N’aurions nous pas développé l’une des meilleures recettes au monde?

À travers ces initiatives collectives et solidaires, plus la tarte québécoise grossissait, plus nous en répartitions des parts importantes à l’ensemble de la nation. Nous possédions encore les leviers publics nous permettant de le faire.

La logique du gouvernement actuel, largement diffusée par les radios de deuxième classe de Québec, en est une de dépossession constante de l’avoir collectif.

Ce gouvernement nous dit être légitimé dans sa quête par le niveau d’endettement actuel. Cependant, un problème important subsiste dans son argumentaire. Qu’en est-il des mécanismes à déployer pour assurer au peuple, à notre État, une part plus importante que le marché dans l’accès à la tarte?

N’oublions pas une chose, les terres sur lesquelles poussent le blé et les pommiers, l’eau nécessaire à leur irrigation, les érables pour le sirop et l’énergie des rivières pour chauffer les fours relèvent de la propriété collective. S’il est normal qu’une partie de l’activité soit opérée par le privé, n’est-il pas aussi normal qu’en étant propriétaires des ressources, nous soyons ceux qui, avec nos enfants, en retirent les plus grands bénéfices? Voilà qui semble logique!

Ainsi, n’est-il pas normal que l’État, représentant de la collectivité, oriente son action afin d’atteindre cet objectif plutôt que de nous en dépossédé comme le proposent tous ces acteurs étrangers à l’histoire sociale et économique du Québec?

Plus importante peut-être que la crise des finances, n’y aurait-il pas au Québec une crise démocratique? Avez-vous voté pour ce projet d’austérité aux dernières élections? Quand avons-nous discuté, comme nation, avec ces gens, pour définir les grandes lignes de ce projet? Les référendums doivent-ils seulement être utilisés pour légitimer l’indépendance?

Reprendre possession de notre recette

Les hydrocarbures? Une brève recherche nous a permis le constat suivant : à Murdochville, le CLSC et le Centre d’appel de la S.A.A.Q., deux initiatives de l’État, emploient ensemble plus de 73 personnes. Il s’agit d’emplois stables, à temps plein et annuels. Il s’agit aussi d’emplois qui ne sont pas liés à la valeur au marché d’une ressource naturelle. Ces employés seront toujours à Murdochville le jour où, par exemple, le cours du pétrole s’effondrera, entraînant la fermeture des éventuels puits en opération sur notre terre.

Par ailleurs, non seulement ces emplois sont beaucoup plus stables que ceux liés au pétrole, mais ils ne causent aucun dégât environnemental et permettent à l’État de capter des recettes fiscales constantes, avec les impôts, pour qu’ainsi la richesse créée par ces emplois retourne à Murdochville, et ailleurs, à travers des services publics qui créent d’autres emplois, tout aussi stables, qui enrichissent la ville, la région et le Québec tout entier.

À l’intérieur de ce circuit économique, la municipalité et le gouvernement peuvent développer des services publics en comptant sur des revenus issus d’une économie planifiée, plutôt que spéculative comme celle basée sur l’exploitation primaire, le pétrole au premier chef,  qui ne saurait de toute évidence créer autant d’emplois stables sur le temps long.

Par ailleurs, les redevances sur le pétrole, liées à l’économie spéculative, ne dépassent pas 18 % en phase d’exploitation. Ne payez-vous pas plus de 40 % d’impôt sur vos revenus? L’empressement d’une partie de notre élite économique et politique régionale à appuyer pareil modèle d’exploitation, surtout pour une ressource non renouvelable, est questionnable.

Le mirage fait bon effet, il faut se débarrasser de nos fausses croyances.

Ajouter nous même de la valeur à nos pommes

Pour redémarrer notre économie, il ne faut plus récolter des pommes que nous envoyons se faire transformer en tarte ailleurs, là ou la deuxième et troisième transformation créent le plus d’emplois et de richesse pour nos communautés.

Non seulement devons-nous cesser d’extraire de la ressource première exportée pour transformation à l’étranger, il faut réapprendre à développer une économie de transformation à haute valeur ajoutée.

Du même coup, il faut redevenir les leaders mondiaux de l’économie de demain par la création de technologies nous permettant d’éloigner la nôtre de sa dépendance au pétrole, comme nous l’avons mondialement réussi avec des projets d’État et Hydro-Québec à partir des années 1950.

Rappelons-nous l’ampleur de la chaîne industrielle et le géni derrière la planification, la confection et la gestion de nos barrages! Ce géni et ces technologies développés ici sont exportables et beaucoup plus payants pour notre économie. Nous sommes les leaders mondiaux de l’économie de demain et les projets du gouvernement doivent nous aiguiller sur cette voie, plutôt que nous en éloigner comme s’acharne à le faire le gouvernement Couillard, appuyé en cela par les dénaturantes radios de deuxième classe à Québec et l’industrie pétrolière. Refuser ce mirage, c’est tourner le dos à une démocratie qui s’affaiblit, à une économie spéculative et à un discours étranger nous considérant pauvres, faibles et sans valeur dans l’équation mondiale.

Refuser le projet d’austérité et le développement pétrolier doit se transformer en propositions d’avenir qui pavent la voie à l’économie du 21e siècle. Nous devons assurer nos responsabilités de leader et de géni de premier plan comme nous avons su le faire dans les années cinquante.

La moitié de notre énergie est renouvelable depuis un demi-siècle déjà, et notre société est plus égalitaire que bien d’autres. Nous représentons un actif de premier plan pour l’économie mondiale, nous sommes des leaders dans ce monde et devons l’être encore davantage.

À nos fourneaux!