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26 novembre 2015 17 h 02

INSPIRANTE GASPÉSIE

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Quelques mots sur ce personnage controversé. Journaliste, pamphlétaire et libre penseur, Arthur Buies a été agent général de colonisation au début des années 1880, étant un collaborateur du célèbre curé Labelle. Les plus âgés se souviendront qu’Arthur Buies revivait dans la série « Les belles histoires des pays d’en haut », rôle tenu par le comédien Paul Dupuis de 1956 à 1970.

Dans ses fonctions reliées à la colonisation, Arthur Buies a fait le tour de la Gaspésie avec l’objectif de dénicher des terres pour y installer de nouveaux colons, à une époque où bon nombre de Canadiens français quittaient le Québec pour les villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre. En novembre 1898, Buies publie son récit de voyage sous le titre de « Dans la Gaspésie. Retour d’excursion » dans La Revue des Deux Frances (Vol 14, pp 101-109).

Le récit d’Arthur Buies se compose d’un mélange d’informations sur la région, mais aussi de commentaires sur les paysages avec un ton qui s’apparente beaucoup plus au poète qu’à l’agent de colonisation. Globalement, il présente la région ainsi : « Cette gigantesque presqu’île, qui a la forme d’une trompe d’éléphant, mais d’un éléphant antédiluvien, est comprise, comme bien d’autres contrées de notre globe, entre certains degrés de latitude et de longitude. Ne nous occupons ni des uns ni des autres ».

Buies affectionne le côté nord de la Gaspésie à cause de son relief escarpé. À l’opposé, il se fait beaucoup plus sévère en ce qui a trait à la Baie-des-Chaleurs et à ses paysages. Il écrit : « La Baie-des-Chaleurs n’a rien de commun avec les autres parties de la province de Québec, ni même avec le reste de la Gaspésie, dans laquelle est enclavée. Elle n’en a ni l’aspect, ni l’originalité profonde, ni la grandeur mêlée de grâce enfantine, ni l’imprévu qui semble être un des attributs essentiels de la nature canadienne ». « On s’y croit transporté sur les bords chatoyants, inondés de soleil, de l’Adriatique, quoi que ceux de la “baie” soient souvent noyés dans d’épais brouillards qui les couvrent en un instant d’une épaisse nuit blanche, et ne se dissipent néanmoins qu’après 15 à 20 heures de durée, et quelquefois plus ».

Au niveau de la population, il note les origines diverses de la population, tout en décrivant les gens d’ici de la façon suivante : « On s’y trouve au milieu de la population la plus paisible, la plus douce, la plus honnête et la plus hospitalière peut-être qu’il y ait au monde, population qui n’a aucune idée des mobiles, des ressources, des artifices, ni des manières de nos sociétés qui ont tant reçu déjà de l’Ancien Monde et qui continuent de lui tant emprunter encore ».

Et lorsqu’il s’attarde au paysage de la région, Arthur Buies verse dans une certaine poésie, faisant endosser son point de vue par d’éventuels visiteurs : Il écrit : « Ce que tout visiteur admettra sans conteste et d’emblée, c’est que la Baie-des-Chaleurs est adorablement belle. Mais, entendons-nous. Cette beauté consiste uniquement dans la régularité des formes, dans l’harmonie de la physionomie. C’est une beauté sans relief, sans originalité, sans caractère; on éprouve en l’apercevant aucune émotion, aucun attrait irrésistible. Purement plastique, elle n’attire, ni ne séduit, ni ne subjugue. C’est une belle personne qui n’a aucun défaut, si ce n’est un très grand qui est d’être parfaite. Vous lui dites qu’elle est admirable, sans rien sentir. Elle ne fait rien vibrer en vous, pas la moindre passion dans l’admiration ».

« Là seulement j’ai compris pour la première fois combien la beauté qui n’est que dans les formes est muette, vide, nulle. (…) Une morne quiétude règne sur tout le parcours du long rivage qui s’étend de l’embouchure de la Ristigouche à la baie de Gaspé ».

« Pour quiconque veut mourir en paix, la Baie-des-Chaleurs est une tombe entr’ouverte qui semble attendre, silencieuse, assurée, implacable dans sa douceur patiente, qui ne vous accorde même pas la jouissance d’un frémissement, ni d’une angoisse ».

Mais heureusement, il y a un endroit dans la Baie-des-Chaleurs qui comble les attentes de monsieur Buies. Et ce lieu, c’est Port-Daniel.  Au sujet de ce paysage, il écrit : « Il y a cependant des endroits de la Baie-des-Chaleurs qui échappent à cette douloureuse monotonie, et par-dessus tout Port-Daniel, situé presque à l’extrémité de la Baie, qui ressent l’approche du golf et qui s’agite, impatient de s’y rattacher. Oh! Port-Daniel! Comme on y respire enfin! Avec hâte on s’y dégage de l’étreinte de la baie qui vous enserre dans ses interminables contours, dans ses anses sans fin, dans sa flatulente ceinture de rivages qui se déroule toujours avec une égale succession et la même pesanteur ».

« Seul dans toute la Baie-des-Chaleurs, Port-Daniel offre l’imprévu, le pittoresque à la fois grandiose, farouche, accueillant et souriant de la nature canadienne, nature qui est un père par l’autorité et la majesté, et une mère par la tendresse. En apercevant Port-Daniel, on le reconnait à l’air de famille et l’on comprend que bientôt vont se faire entendre les premiers éclats de voix du “père des eaux” qui entonne, quelque mille seulement plus loin, l’éclatant et magnifique concert de ses flots ».

On ne peut qu’être d’accord avec Arthur Buies au sujet de Port-Daniel, car c’est véritablement un bel environnement. Mais pour ce qui est de la Baie-des-Chaleurs, désolé monsieur Buies, mais votre vision ne tient pas la route. Et cela sans chauvinisme!

POUR LIRE OU RELIRE le blogue de Mélanie Langlois auquel l’auteur de ce texte fait ici allusion, cliquez ici.