Keolis : une fausse menace ou une interruption de service illégale?
Carleton-sur-Mer | Il n’y a que deux possibilités. Soit Keolis agite une fausse menace, soit elle s’apprête à faire une action illégale en suspendant dès dimanche, sans autorisation, la totalité des liaisons d’autocar en Gaspésie.
Ce n’était au départ qu’une menace. Une nouvelle annonce d’un transporteur qui songe à réduire ses services en région. Le 22 janvier dernier, Keolis avertit qu’elle songe à mettre fin aux liaisons de sa filiale Orléans Express en Gaspésie et dans le Centre-du-Québec¹.
Cinq jours plus tard, Keolis confirme cette fois qu’elle mettra fin à toutes les liaisons dès le 7 février 2021². Ainsi, l’ensemble de la Gaspésie se retrouverait sans service d’autocar interurbain dans les prochaines heures. Même après que Québec eut annoncé mardi une aide additionnelle de 10 millions $ aux transporteurs, Keolis maintient sa décision.³
Or, la Loi sur les transports4 indique clairement, à son article 43, que « Le titulaire d’un permis ne peut supprimer, réduire ou étendre les services que son permis l’autorise à fournir, ni en modifier les conditions, sans l’autorisation préalable de la Commission ».
Après vérification auprès de la Commission des transports du Québec (CTQ), une demande pour suspendre les services d’Orléans Express en Gaspésie a été acheminée le 29 janvier dernier. La demande a donc été soumise, mais l’autorisation de la CTQ n’a pas encore été obtenue.
J’ai vérifié à plusieurs reprises ce vendredi et à quelques heures de l’échéance du 7 février, on me confirme, à la Commission, qu’aucune décision n’a encore été prise.
D’ailleurs, une audition au cours de laquelle les parties intéressées pourraient soumettre leurs observations serait normalement nécessaire avant qu’une décision ne soit rendue. La procédure prévoit que « La Commission tient une audience chaque fois qu’une personne visée indique qu’elle désire soumettre des observations lors d’une audience, à moins qu’il n’apparaisse au dossier qu’il n’en est pas nécessaire pour décider de la question5 ». Selon mes informations, au moins trois personnes souhaitant soumettre des observations se sont déjà manifestées à la Commission.
Comme à ce jour aucune décision n’a été rendue, si Keolis met fin aux liaisons d’autocar en Gaspésie ce dimanche 7 février, elle supprimera ses services sans l’autorisation de la CTQ, en violation de l’article 43 de la Loi sur les transports.
Qu’arrivera-t-il si les autocars restent au garage ce dimanche?
La Loi sur les transports prévoit que la CTQ « peut de son propre chef ou sur demande du ministre ou d’une personne intéressée, modifier, suspendre ou révoquer le permis d’un transporteur lorsque celui-ci :
- supprime, réduit ou étend, sans autorisation préalable de la Commission, les services que son permis l’autorise à fournir;
- ne fournit pas un service de la qualité à laquelle le public est en droit de s’attendre eu égard aux circonstances6.
Une interruption des liaisons gaspésiennes d’Orléans Express sans l’autorisation de la Commission exposera donc la compagnie à une demande de révocation de son permis.
Alors : fausse menace ou interruption de service illégale?
Surveillez les routes dimanche et vous aurez la réponse…
NB : Toute personne intéressée à soumettre des observations peut se manifester en communiquant avec la CTQ : courrier@ctq.gouv.qc.ca.
2. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1766412/keolis-orleans-express-autocar-autobus-abandon-liaison
4. http://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/T-12
5. Art.35, règlement sur la procédure de la CTQ
6. Article 40, Loi sur les transports
Note de la rédaction – À l’issue de pourparlers entre la Fédération des transporteurs par autobus et le ministère des Transports quant aux modalités de l’aide financière de 10 millions $ octroyée par Québec, il a été annoncé le 5 février en fin de journée que Keolis Canada maintiendrait ses services à l’est de Rimouski. Nous sommes d’avis, néanmoins, que ce texte soulève des questions pertinentes qui intéresseront nos lecteurs.