L’AUTRE RAID DE SEPTEMBRE…
Cet autre raid s’est passé en septembre 1758, alors que la côte de la péninsule a connu un événement d’une profonde désolation. Petit voyage dans le passé, à la rencontre d’un personnage, le général James Wolfe, qui est au cœur de ce triste épisode de notre histoire.
Comme mise en contexte, précisons que, de 1756 à 1763, la France et l’Angleterre se sont fait la guerre. Ces hostilités, connues dans l’histoire sous le nom de Guerre de Sept Ans, se sont transportées en Amérique du Nord. C’est ainsi que, le 27 juillet 1758, la forteresse de Louisbourg, au Cap-Breton, est tombée aux mains des troupes du général James Wolfe. À ce moment, l’ambition ultime des Anglais est bien sûr de faire tomber la Nouvelle-France en s’attaquant à Québec et Montréal. Mais en cet été 1758, cet objectif s’avère de moins en moins réaliste pour les stratèges anglais, la saison estivale étant trop avancée pour mettre le cap vers Québec et y tenir un siège pouvant s’étaler sur plusieurs semaines.
Mais la Gaspésie se trouve à portée de main de l’envahisseur pour un raid de démolition. C’est pourquoi, à la fin août, le major général Jeffrey Amherst, commandant en chef des armées anglaises en Amérique, donne l’ordre au général Wolfe de mettre le cap sur la Gaspésie afin de détruire les établissements et les pêcheries du golfe du Saint-Laurent.
Le 4 septembre, la flotte anglaise de 14 navires de guerre, commandée par sir Charles Hardy, avec à son bord quelque 1500 militaires, entre dans la baie de Gaspé et jette l’ancre devant Grande-Grave. Dès le lendemain, 5 septembre, l’œuvre de destruction débute sur la pointe de Penouille où l’établissement Revol est entièrement rasé, incluant la maison de la veuve de Revol, un magasin, une forge, cinq cabanes de pêcheurs, 25 chaloupes, six canots, une grande barque et différentes marchandises. Mais sentant la menace, les habitants avaient fui et s’étaient cachés dans les bois.
Le 6 septembre, remontant la rivière Dartmouth, les Anglais détruisent une cinquantaine de chaloupes et capturent les habitants. Le 7 septembre, explorant la rivière York, ils mettent la main sur huit hommes et se rendent au moulin que Révol avait construit au fond de la baie. Ils brûlent tout. Le surlendemain, 12 Français sont capturés. Finalement, les 10 et 11 septembre, l’armée se regroupe à Grande-Grave.
Le 12 septembre, Wolfe envoie un assistant, le capitaine Irving, et des troupes vers la baie des Chaleurs pour y mener un raid dans le secteur de la rivière Grand-Pabos où se trouvent les établissements de pêche du seigneur François Lefebvre de Bellefeuille. Dans les jours suivants, les troupes anglaises détruisirent un sloop, plus de 100 chaloupes, environ 100 maisons dont le manoir Bellefeuille, plus de 10 000 quintaux de morue, tous les équipements de pêche, de même que toutes les marchandises et tous les vivres du magasin dont quantité de vêtements, de provision de sel et 60 barils de mélasse. Le seigneur François Lefebvre de Bellefeuille quitte alors sa seigneurie pour s’établir à Trois-Rivières.
Les Anglais font quelques prisonniers, même si la majorité des résidents avaient quitté les lieux avant l’arrivée des envahisseurs. Au retour vers Gaspé, le capitaine Irving s’arrête à l’Île Bonaventure où il rase 6 maisons et 7 bateaux.
Le 14 septembre, Wolfe envoie le major John Dalling avec un détachement de 100 hommes vers Mont-Louis où ils se rendent à pied en marchant le long de la grève. Après 10 jours de déplacements, la troupe arrive à Mont-Louis et brûle 16 maisons et 5 bateaux de pêche. Le major Dalling fait prisonniers le seigneur Michel Mahiet et son épouse, de même que 22 hommes, 4 femmes et 14 enfants, le reste de la population de 85 habitants du poste de Mont-Louis s’étant réfugié dans les terres.
Les 25 et 26 septembre, les troupes de Wolfe quittent Grande-Grave et reprennent la mer en direction de Louisbourg qu’elles atteignent le 30, non sans avoir détruit les installations situées sur les bords de la rivière Miramichi. Sur les 79 prisonniers faits en Gaspésie, 35 sont déportés à Saint-Malo dont le seigneur Mahiet et sa famille, mettant un point final à ce triste épisode de l’histoire gaspésienne.
En 1758, James Wolfe est un jeune général de 31 ans, qui a vu le jour dans la région du Kent en Angleterre le 2 janvier 1727. Horace Walpole, un écrivain et homme politique anglais du 18e siècle, le décrit comme un homme insignifiant, tout à fait dépourvu d’humour et extrêmement affecté, arrogant et imbu de son importance. Que dire de plus!