LE DEMI
Je vous invite à lire les différends textes qui ont été publiés sur le web en faisant une petite recherche sur le sujet. Est-ce que je vais accepter les demis dans mon entreprise? Je ne crois pas. Toutefois, le sujet de discussion m’amène rapidement à vous exposer mon opinion sur les raisons que nous avons à vouloir forcer l’économie locale. Pourquoi les entreprises du coin et les consommateurs ne dépensent-ils pas plus leurs dollars durement gagnés dans l’économie de proximité? Pourtant, de nombreuses études prouvent l’impact positif d’une pareille démarche. Seulement dans l’optique de la relation entreprise-consommateur, l’apparition du Demi est pour moi un constat d’échec au niveau de l’achat local.
Selon moi, le Demi est une solution pour pallier le manque de solidarité économique causé par une déficience de l’offre des entreprises. Et malgré que le concept plaise à plusieurs, l’idée de forcer un groupe d’individus à consommer chez un nombre limité de commerçants m’inquiète. Si le marché est fermé, vous pourrez voir rapidement les effets de l’offre et de la demande sur le prix des produits et services. Car même si certains commerçants sont devenus des experts de la philosophie de l’achat local, communiquant à qui veut l’entendre qu’ils travaillent pour rendre service à la population (quel bon samaritain!), ce discours est la plupart du temps une façon de vendre par culpabilisation. Qui osera répondre au commerçant influant que son produit est trop cher et/ou peu disponible, et/ou de mauvaise qualité et/ou que son service est médiocre? Lorsqu’on met ces arguments sur la balance, en opposition à l’achat local, la culpabilisation du consommateur apparait rapidement. Achète mes produits, espèce d’inconscient! La Gaspésie se meurt, tu ne le vois pas? Pour moi, le Demi ne fera qu’accentuer cet état de fait.
Et si dans une optique de relation entreprise-entreprise, certains commerces n’achètent pas mon produit, est-ce qu’une monnaie locale y changera quelque chose? Je ne crois pas. Et je ne suis pas sûr que je souhaiterais qu’on force la main d’un restaurateur pour qu’il m’achète du café. Chacun ayant ses raisons valables d’acheter ailleurs, à moi de les rencontrer et d’en discuter avec eux. Par la suite, je pourrai voir si mon entreprise peut combler leur besoin. Si oui, regardons comment on peut travailler ensemble, sinon, je trouverai alors d’autres clients qui concordent mieux avec mon offre. Et si aucune entreprise ne veut acheter mon produit? Soit je m’adapte, soit je ferme l’entreprise délibérément, ou par la force des choses, la faillite finira par rattraper l’entrepreneur de toute façon.
Vous comprendrez que je suis un partisan de l’adaptation. Personne ne veut acheter un café, 25 origines, moulu à la main en utilisant des fossiles datant du Dévonien, sur une plage secrète de Miguasha, les soirs de pleine lune uniquement, infusé lentement en utilisant de l’eau de Pâques prélevée directement à la source Isabella, au coeur des Chic-Chocs, pendant une année bissextile. Et ce pour la modique somme de 49,99 $ la tasse… C’est vraiment peu cher pour tous les efforts mis dans le produit.
Et si on arrêtait un peu de favoriser le folklore en affaire? Pour réellement faire des affaires?
Je déteste lorsqu’on culpabilise le consommateur. Pour moi, lorsqu’une entreprise vivote, c’est la responsabilité de l’entrepreneur de trouver comment rejoindre le consommateur. Et même si on pointe souvent que le consommateur recherche toujours le bas prix, ce n’est pas ce que j’observe sur le terrain, les consommateurs sont très sensibilisés à l’achat local. Peut-être y a-t-il d’autres lacunes dans l’offre de l’entreprise, qualité, service, disponibilité, etc. En affaires, on se doit de connaître les théories du marketing et les comportements d’achat. Et faire en sorte d’équilibrer tout ça. C’est correct si tu fais du café provenant de 25 pays différents, moulu à la main… mais ce n’est pas vraiment ce dont j’ai besoin pour ma consommation de café au quotidien. Si tu continuais à faire ton super café, mais que tu m’en faisais un « plus ordinaire » qui comble mon besoin, je deviendrais un client régulier et peut-être que je finirais par essayer ton super café un de ces quatre.
Le concept d’enfermer un marché autour d’une monnaie est intéressant à discuter, mais je crois qu’on enlève rapidement la responsabilité de l’entreprise à combler les besoins réels des consommateurs et qu’on retire la notion de compétitivité pour inclure la culpabilisation. On travaille tous fort pour gagner notre salaire et je suis prêt à faire un bout de chemin pour encourager mon milieu, mais je veux sentir que l’entreprise chez qui j’achète m’offre quelque chose qui a une valeur, que je peux comparer avec d’autres entreprises du même genre et que le produit que j’achète comble réellement mon besoin. Et que ce soit avec des Demis, de l’argent Canadian Tire, des dollars canadiens, US, du troc, des Bitcoins, bref, au-delà du moyen pour échanger, la poursuite d’une relation gagnant-gagnant entre les acteurs de l’économie sera toujours l’idéal à rechercher.