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Blogue citoyen

18 juillet 2016 13 h 32

Non, nous ne vous laisserons pas tranquilles

| En réponse au texte de Claude Dauphin intitulé « Détracteurs de la cimenterie… Laissez-nous donc tranquilles ! paru dans « Le Journal de l’Est Le Gaspésien » le lundi 11 juillet 2016Le problème n'est pas de se tromper,mais de persévérer dans l'erreur en la reconduisant,une fois qu'on a pu tirer les leçons de l'Histoire.- Jean-François Revel

Quelques informations

– Selon l’Association canadienne du ciment, les producteurs québécois ne tournent déjà qu’à 60 % de leur capacité;

– Un rapport de deux économistes indépendants, Colin Sutherland et David Chereb, révèle que le marché auquel la production de Ciment McInnis est destinée ne sera pas en mesure d’absorber une plus grande offre compte tenu de la structure de production existante et de la lente reprise économique;

– Ciment McInnis a réussi à convaincre les politiciens qu’une approbation obtenue en 1996 pour un projet deux fois plus petit était encore valide. L’usine dans sa forme actuelle n’a donc pas été soumise à une étude du Bureau d’audience publique en environnement (BAPE);

– Pour atteindre les 1500 degrés Celsius nécessaires à la transformation du calcaire, le promoteur a choisi de brûler dans ses fours du coke de pétrole et du charbon;

– La cimenterie sera le plus gros émetteur québécois de gaz à effet de serre avec des rejets de 1,75 à 2,2 millions de tonnes par an;

– La combustion du coke de pétrole génère des dioxydes de soufre, du monoxyde d’azote et, s’il y a du chlore, des dioxines et des furanes, qui sont considérés comme les pires composants chimiques jamais découverts;

– L’entreprise refuse de publier ses échanges avec la Direction de la santé publique et garde secrètes les questions qui lui ont été posées;

– Le gouvernement du Québec a accordé à Ciment McInnis, par l’entremise d’Investissement Québec, un prêt de 250 millions de dollars en plus d’investir 100 millions de dollars en capital-actions;

– On a appris récemment un dépassement de coût de 440 millions de dollars, chiffre que l’entreprise contredit. La ministre de l’Économie, Dominique Anglade, a déclaré qu’aucun fonds public supplémentaire ne sera investi;

– Le gisement qui sera exploité s’étend sur une superficie de 4 km carrés et contiendrait environ 450 millions de tonnes de calcaire de haute qualité;

– Une production annuelle de 2,2 millions de tonnes par an est prévue;

– La cimenterie, qui devait au départ embaucher 400 personnes, créera vraisemblablement 153 emplois.

Quelques questions

– Quelles redevances la population québécoise tirera de l’exploitation du gisement et quelle part des profits ira dans les coffres de l’État?

– Si le promoteur est si convaincu des vertus environnementales du projet, pourquoi avoir refusé de le soumettre au BAPE?

– Le fait que d’autres projets québécois impliquent des dépassements de coût excuse-t-il la mauvaise évaluation budgétaire de celui de Port-Daniel?

– Le ciment Portland est-il une fatalité? Ne pouvons-nous pas trouver des matériaux de construction adaptés aux enjeux du XXIe siècle?

– La main-d’œuvre locale possède-t-elle les qualifications nécessaires pour occuper les postes générés par la cimenterie?

– Devons-nous accepter n’importe quel projet sous prétexte qu’il créera des emplois?

– Considérant la Charte des paysages adoptée par nos élus en 2013, est-ce que l’impact du projet sur ce bien commun a été considéré?

– Pourquoi, malgré tout ce que notre histoire régionale nous apprend à travers les nombreux échecs du modèle extractiviste, certaines personnes continuent d’appuyer ces initiatives qui ont déjà trop de fois prouvé leur incapacité à contribuer de manière durable à notre prospérité collective?

– Si les Gaspésiennes et les Gaspésiens avaient eu leur mot à dire démocratiquement sur ce projet, l’approuveraient-ils vraiment? N’auraient-ils pas plutôt souhaité que ces sommes soient investies dans des initiatives locales de développement durable?

– Si la puissante famille Beaudoin-Bombardier ne pouvait pas exercer l’influence que l’on sait sur nos élus, est-ce que ce projet se réaliserait?

– Si les décisions collectives importantes étaient prises en s’appuyant sur des arguments raisonnables, est-ce que des projets comme celui-ci verraient le jour?

– Si l’on prend vraiment le temps de réfléchir, peut-on réellement approuver de telles initiatives?

Libre de s’exprimer

La liberté d’expression constitue une des assises de notre système dit démocratique. Bien que nous devions souffrir les nombreux effets pervers de ce principe de base (démagogie, diffamation et sophismes en tous genres), notre société offre à tout citoyen la possibilité d’améliorer ses connaissances, d’exercer son esprit critique et de dire ce qu’il pense. Je ne cultive manifestement pas les mêmes valeurs que Claude Dauphin, mais je souhaite néanmoins qu’il puisse exercer son droit de parole.

Pour paraphraser Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire. »

Le corollaire, c’est que je ne tolère pas qu’on m’ordonne de me taire. Tenez-vous-le pour dit, comme auteur, comme citoyen, je vais continuer à faire entendre ma voix.