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Société
24 octobre 2016 15 h 18

« NOS AÎNÉS »

Après cette visite, je me suis rendu chez un autre de mes voisins jardiniers, histoire de prendre de ses nouvelles. Il était lui aussi à préparer son jardin pour l’été. Très grand jardin qu’il cultive été après été pour le simple plaisir de manger de bons légumes frais et faire des cadeaux à ses enfants et petits-enfants. Lui, venait tout juste de célébrer son quatre-vingt-huitième printemps.

Loin d’être l’exception

Bien sûr, ces deux personnes ne sont pas l’exception, même si, à leur âge, à entendre le discours dominant à l’heure actuelle, elles devraient faire partie de la catégorie des personnes seules, malades et en grande perte d’autonomie. Plus souvent qu’autrement, à mon avis, c’est ce côté sombre des choses qui ressort quand on parle des personnes avancées en âge, ce qui ne reflète pas la réalité quotidienne de la très grande majorité d’entre elles.

Sachons que ce ne sont que 3,6 % des personnes de 65 ans et plus qui sont en ressource d’hébergement. Le taux monte à 12,6 % chez les 85 ans et plus. En CHSLD, c’est 2,9% des 65 ans et plus qui y sont hébergés et soignés. (Les ainés du Québec, quelques données récentes).

Bien sûr, avancer en âge signifie perdre peu à peu de ses acquis, faire ses deuils, personne n’y échappe. C’est le comédien Gilles Pelletier qui racontait à RDI dans un reportage lui étant consacré, comment, passé les 80 ans, il s’applique à faire ses deuils, un à un. En toute sagesse.

« Stéréotype » d’une population âgée

Dans un ouvrage intitulé « Le privé dans la santé » (Les Presses de L’Université de Montréal), une équipe de chercheurs du Réseau de Recherche en Santé des Populations du Québec parle du « stéréotype d’une population âgée en mauvaise santé, ou tout au mieux fragile ». Pour ajouter que « la forte utilisation des services sociaux et de santé se concentre ( ) dans une portion restreinte de la population âgée ».

Malgré cela, nous continuons de les considérer comme une catégorie de gens à part, dont il faut impérativement prendre soin et dont l’augmentation du nombre en proportion de l’ensemble de la population(le fameux vieillissement de la population) risque de coûter de plus en plus cher à la société. Selon les mêmes chercheurs, « Il semble assez naturel de penser que les individus vivant plus longtemps coûteront plus cher au système en consommant plus de services. Cependant, nous présentons ( ) maintes études qui ont démontré que la grande majorité des dépenses de santé par individu étaient encourues dans la dernière année de vie ». Autrement dit, quel que soit notre âge, c’est en toute fin de vie que nous avons besoin de plus de soins et de services.

Briser l’isolement ?

J’entendais récemment à la radio une personne ayant organisé un évènement pour les « personnes âgées », dire que cela allait contribuer à « briser leur isolement ». L’intention était fort louable, fort charitable diront certains ; mais qui a dit que les personnes avancées en âge souffrent plus que d’autres d’isolement ? C’est quoi, cette victimisation de personnes qui n’ont de particulier que d’être plus âgées que la moyenne des gens ?

Oui, « nos ainés » ! Comme si, en y pensant bien, elles devaient nous appartenir.
Considérées par la gente économique comme des êtres improductifs économiquement, il serait intéressant de convertir en taux horaire les centaines de milliers d’heures qui sont effectuées par ces personnes en bénévolat, nous verrions le produit intérieur brut(PIB) monter significativement au Québec et ailleurs ; mais ça, les économistes n’en tiennent pas compte.

En réalité

Tout cela pour dire que les personnes avancées en âge dans leur grande majorité, sont encore actives et fort productives pour le bien-être de nos communautés ; même si elles ne sont plus statistiquement dans la machine officielle à créer de la richesse collective (celle qui est comptabilisée on s’entend). Comme si, en devenant vieux, on perdait peu à peu, avec ses moyens physiques, son statut de citoyen, son identité même, pour devenir un simple objet d’assistance et de bienveillance. Un journaliste (j’oublie son nom) dans une entrevue à la télévision alla même jusqu’à suggérer la confiscation du droit de vote pour ces personnes. Rien de moins…

Je me souviendrai toujours d’un moment marquant, au téléjournal de Radio-Canada, lors d’une interview du syndicaliste Michel Chartrand qui s’était présenté à l’élection provinciale et avait été défait. Après quelques questions d’ordre politique comme il se devait, Bernard Derome intervieweur de très grande expérience n’a pu cependant, se retenir d’amener le sujet sur le grand âge de son interlocuteur (il venait d’avoir 83 ans) et s’informer avec beaucoup de complaisance (j’oserais presque dire, de condescendance) de sa santé, en notant l’exploit d’être encore là très actif « à son âge ». Il reçut une réponse assez vive, directe, à la Michel Chartrand.

Dans notre propension à tout inclure dans des catégories (les vieux, les jeunes, les monoparentales, les handicapés et j’en passe…) nous oublions que les moules qui les façonnent servent plus souvent qu’autrement à marginaliser ceux et celles qui en demeurent captifs. Cela conforte en quelque sorte notre esprit un peu binaire qui tend toujours à simplifier les choses en les incérant dans une case bien définie.

Cependant, certains changements s’installent quand-même au fil du temps. On a compris chez-nous comme ailleurs qu’une communauté vivante est caractérisée par la variété de ses membres. C’est ainsi, que de plus en plus, on commence à voir apparaître dans le paysage immobilier, des immeubles intergénérationnels (dans l’esprit de nos maisons de jadis) permettant, comme dans la vraie vie, aux personnes de tous âges de communiquer et s’entraider en toute égalité.

Comme quoi, retourner en arrière permet parfois d’avancer…
Heureusement!