NOTRE MAISON À TOUS
Il y aura bientôt six mois, nous avons élu un nouveau gouvernement à Ottawa, ce qui aura permis de nous débarrasser de celui de Steven Harper. Bon débarras ont dit certains, et j’en suis. Mais maintenant, nous en avons encore pour près de trois ans avant d’avoir l’occasion d’en faire tout autant de cet autre gouvernement néo-conservateur, de Philippe Couillard celui-là, qui sévit à Québec sous l’étiquette libérale.
Pensons particulièrement à nos systèmes publics de santé, d’éducation qui ne sont pas parfaits bien sûr, mais qui nous ont toutefois permis aujourd’hui d’être une société moderne, de plus en plus scolarisée, où l’on peut être malade et se faire soigner sans que cela vienne compromettre notre sécurité et celle de notre famille, bref, avantageusement comparable à la plupart des sociétés d’avant-garde dans le monde.
Par réflexe de solidarité plus que par celui de compétitivité, les québécois ont inventé les coopératives qui ont teinté le monde économique d’un esprit participatif et solidaire donnant à notre édifice collectif une couleur toute particulière. L’économie sociale et solidaire a vu le jour, l’action communautaire a pris forme dans tous les coins du Québec. Dans cet esprit, les régions, avec l’aide des différents gouvernements dans le passé, se sont donné des outils de concertation et d’action propres à faire entendre bien fort leurs voix dans les lieux de décisions et entamer des actions reflétant les volontés citoyennes. Ainsi, la maison de l’État du Québec se parait des couleurs variées et resplendissantes du plus grand nombre.
Maintenant, au nom de la rationalité budgétaire, au nom du pragmatisme calculateur, il faut tout uniformiser, tout remettre en question ; toute composante de l’édifice, si elle veut survivre, doit défendre sa rentabilité économique à très court terme. On coupe, on fusionne, on ferme, on ratatine l’État à sa plus simple expression. Tout pâlit. C’est la calculatrice qui tranche le débat.
L’éducation coûte trop cher selon ces idéologues, on met pour ainsi dire la hache dans les gouvernements régionaux que sont les commissions scolaires, on coupe chez les spécialistes en éducation et j’en passe. La santé coûte trop cher, on fusionne ce qui l’avait déjà été auparavant sans résultats probants et on resserre les contrôles sur les intervenants tout en coupant ici et là certains postes : trop cher. Les groupes communautaires, les logements sociaux (coupes au programme Accès-Logis ), les personnes survivant à l’aide sociale dont les nouveaux prestataires se font menacer de se faire couper leurs prestations (623 dollars par mois) ) s’ils refusent d’entreprendre une démarche d’emploi, tout cela serait trop coûteux. Bien sûr, n’oublions pas les Centres de la Petite Enfance qui se verront amputés de 120 millions de dollars tout simplement parce qu’on est passé « d’un Québec fou de ses enfants » à un Québec obsédé par la rigueur budgétaire.
« Tout le monde doit faire sa part » dit le premier ministre. Sauf les médecins spécialistes, aurait-il dû ajouter, dont le salaire a fait un bond de 8,9% par année entre 2008- 2014 selon Radio-Canada ; s’ajoutera en plus 2.3 milliards à la cagnotte d’ici 2022, sans oublier la découverte récente faite par la vérificatrice générale d’un montant additionnel de plus de 400 millions ayant échappé aux calculs du ministre. On a appelé ça « l’effet Barrette ». « L’effet Coiteux », quant à lui, fut beaucoup plus modeste à l’endroit des employés de l’État qui eux, se sont fait offrir un gros 3% sur 5 ans . ( Nous savons maintenant qu’ils ont évité l’appauvrissement à l’arraché.).
Quoi d’autre… ?
Même les musées, lieu d’éducation et de sauvegarde de notre mémoire collective y goûtent. »Envoyez-moi vos états financiers » dit le ministre régional d’alors, sa calculette en main au conseil d’administration d’Exploramer à St-Anne-des-Monts, lieu d’enseignement et de sensibilisation aux écosystèmes marins, le message étant: si vous n’êtes pas rentables, j’peux rien faire pour vous, on a assez donné. Quel mépris, quel esprit d’ignorance ! On connaît la suite, la calculette a parlé…
Inutile d’énumérer d’avantage, cela a déjà été fait amplement.
Actuellement, à les entendre, l’idéal qui guide ceux qui mènent d’une manière froide et sans âme les affaires au Québec , ce serait le sacro-saint équilibre budgétaire ( déjà là, quel idéal que celui-là…); mais c’est en réalité bien plus que cela, c’est surtout de redonner aux seules forces du marché le pouvoir de nous gouverner. Tout devient ou mieux, doit devenir une occasion d’affaire, même la santé des gens. Dans cet esprit, l’État n’est plus là pour voir au bien-être des concitoyens, mais pour encadrer, favoriser un monde de profits et de gros sous. Et ceux qui ne pourront pas se dépêtrer dans ce système du chacun pour soi n’auront qu’à s’en remettre à la bonne vieille charité, qu’elle soit chrétienne ou autre.
Pourtant, des voix bien avisées ne cessent de dénoncer ces mesures qui actuellement sèment la désolation à travers le monde. L’une d’elles, l’économiste américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, explique entre autre dans son dernier ouvrage ( La Grande Fracture), comment les mesures d’austérité ont contribué de par le monde et particulièrement aux États-Unies , à accentuer les inégalités et créer de la pauvreté . Même une grande institution de droite comme le Fond Monétaire International (FMI) actionne depuis peu la sonnette d’alarme demandant aux États de reconsidérer ces politiques de coupures dans les programmes, parce que contre productives.( faut le faire venant des propres artisans de ces mesures).
Le malheur dans tout ça, c’est que tout cela se passe ici sans trop de fracas, comme si c’était normal, souhaitable même, qu’il en soit ainsi. Notre capacité d’indignation collective me semble quelque peu essoufflée.
Et en face de cette équipe de débâtisseurs, il y en a une autre particulièrement, qui me semble bien timide et désemparée par les temps qui courent à tel point qu’il est justifié de se demander si tout ce matraquage de l’État ne fait pas un peu l’affaire de son chef dont les intérêts financiers et politiques semblent, de toute évidence, s’entremêler dangereusement.
Misère!!!