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Blogue citoyen

5 décembre 2016 9 h 59

OBÉIS, SERVITEUR

dressé
dans l’idée
de la gentillesse
de la politesse
nourri
blanchi
je subis
la poussière du camion fou
lâché lousse dans garnotte

aujourd’hui
mon agresseur
cogne
encore
à ma porte
dans son sourire affable
brillant
il dit vouloir m’écouter
dois-je me cacher ?
me protéger ?
mon silence risque de le conforter
dans son sale métier de nous abuser
comment lui parler ?
servile
fébrile
j’accueille sa violence respectueuse
dans ma modeste
candeur
ma demeure
mais derrière mes paupières
dans le contrôle de ma rage
j’entends notre alerte
notre requête
qui rugit face au carnage
obéis, serviteur

on nous tend un hochet
« Pensez en dehors de la boîte ! »
attention
êtes-vous vraiment game
d’assumer cette position?
parce que des propositions
nous en avons
c’est juste que ça va prendre du courage
pour les mettre en application
mais pas le genre qu’il faut
pour fermer des lits d’hôpitaux
ou passer les organismes sociaux
dans le tordeur de l’austérité
pardon
de votre présumée rigueur
pourtant nous sommes plusieurs
à penser
que c’est de l’hostile nullité
que le jeu de mot
tient de la propagande
plus que de la gouvernance éclairée

pour penser en dehors de la boîte
tu vas voir qu’on est partants
commençons par ce qui t’intéresse passionnément
l’argent
il y en a en masse dans les paradis fiscaux
va la chercher
arrête de nous prendre pour des idiots
de nous saigner
c’est l’heure
de faire payer les privilégiés
obéis, serviteur

pour penser en dehors de la boîte
tu vas voir qu’on manque pas d’idées
mais s’il n’y en n’avait qu’une à viser
ce serait d’affirmer réellement l’éducation comme priorité
en lançant un grand chantier
pas ton éducation étriquée
détournée
instrumentalisée
vendue comme un sous-produit de consommation
non
l’éducation qui nourrit, élève, construit, met au monde
la réussite passe par une école vraie
une école inspirée de la sagesse de Philippe Haeck
un lieu d’utopie
où l’on sait
comme il dit
qu’il est bon de ne pas se contenter du monde dans lequel on vit
pour trouver la force de le réinventer
une école où l’enfant passe en premier
une maison pleine de couleurs
de musiques
de rires
de livres
et de jeux
un atelier rempli d’outils
un jardin
un lieu de respect et de liberté
de curiosité et de créativité
de souplesse
d’écoute
d’esprit critique
de danse
de justice
de confiance
de poésie
de sport
de philosophie
et de partage
où les bulletins et les diplômes n’ont plus d’importance
où l’on tient compte de la différence
où l’adulte mène sans imposer son autorité
sait faire émerger les forces
et montrer le chemin sans obliger
une école qui valorise l’enfant
sans le placer sur un piédestal
où on l’accepte comme il est
avec ses imperfections
puisqu’il est justement là pour se former
où le tout est plus grand que la somme de ses parties
une école faite pour les petits
et non pour servir la mesquinerie
des intérêts syndicaux
politiques
ou pharmaceutiques
un refuge à l’abri
du bruit ambiant
de notre temps stressant
un escalier vers l’autonomie
qui aide à penser
à acquérir les habiletés
et l’assurance qu’il faut
pour pratiquer un métier
pour s’affirmer
comme citoyens émancipés
indulgente mais exigeante
qui lutte véritablement contre l’ignorance
où le maître est un enleveur d’obstacles
un semeur de doutes
un passionné de raison
qui sait prodiguer son affection
une école qui donne le goût du bonheur
et non un endroit qui sert seulement
à montrer des règles
à formater de nouveaux clients dociles
une école qui prend bien soin de la lumière
que chacun porte en soi
qui éclabousse de beau
de bon
et de bien
la communauté qui l’entoure
qui est une arme subversive
pour lutter contre le mépris
l’égoïsme
le cynisme
la médiocrité
la peur
et l’apathie
ces maladies
qui servent si bien tes envies
une école qui donne aux gens d’ici
le goût de prendre soin les uns des autres
de se parler
de s’entraider
de s’encourager
une école qui mobilise
et met le vent dans les voiles
qui ouvre l’esprit
apprend à apprendre
et rend plus tolérant
qui donne la parole
aide à se découvrir
et à s’exprimer
qui comprend
en toute humilité
que l’avenir passe
par nos enfants

serviteur
as-tu compris ?
obéis
mais dans ton langage
tout ça
c’est du pelletage de nuages
tu veux du concret ?
attache ta tuque avec de la broche
faut que ça te rentre dans caboche
à moins que tu préfères un bon coup de balai ?

la science nous le dit
va regarder le classement de Hatie
ça prend du solide
de l’intelligence
de la conscience
pas juste des idéologies populistes
pour gonfler tes magouilles électoralistes
demande à Égide Royer
à Michel Sasseville
arrête de te tourner la langue cent fois autour du pot
de vin
d’essayer de réinventer l’eau chaude
puis surtout
de tout le temps renouveler tes astuces de fraudes
pendant que tu nous voles
ça souffre dans les écoles
ces sous sont à nous
ça nous les prend pour nos enfants
pas pour tes petits amis
puis vos comptes aux îles Caïmans
le métier le plus important
c’est celui d’enseignant
alors donnons-leur les conditions
pour qu’on devienne pour de bon
une Nation
de gagnants
radicalement
valoriser leur profession
s’assurer de l’excellence de leur formation
et qu’ils soient perpétuellement dans l’amélioration
un salaire au moins égal aux médecins
que le nombre d’élèves en classe
passe en bas de vingt
pour qu’ils n’aient plus besoin de lever la main
ou de mener du train
pour se faire remarquer
arrêter les cadeaux au privé
abolir les rangs d’oignons
s’inspirer de Freinet, Meirieu et Montessori
leurs moyens sont bons
pas juste pour les mieux nantis
leurs locaux
tu le sais trop
tombent en ruine
ça fait dur
faut bâtir avec les meilleurs matériaux
mobiliser nos génies de l’architecture
et offrir à nos flos
des lieux dignes d’accueillir leurs idéaux
t’essaye d’enterrer le rêve du rapport Parent
l’université gratuite mur à mur
mais on a une mémoire d’éléphant
on le sait trop que c’est un bon remède
pour soigner nos blessures
pourquoi ton obsession
à faire croire que c’est une dépense ?
alors qu’on possède l’évidence
que c’est un investissement dans le futur ?
tes sophismes trahissent le pays
puis ta matraque nous détraque la solidarité
dès qu’on exige de l’air
tu réponds avec ton arrogance militaire
tu nous envoies tes pions soumis
pour mater les citoyens allumés
ton seul mérite c’est de savoir
comment t’emparer du pouvoir
usurpateur
détesteur de démocratie
mais j’ai des petites nouvelles pour toi
en latin le mot ministre
signifie serviteur
ouvre grandes tes oreilles
puis tais-toi pour vrai astheure
pour radouber notre épave
va falloir y mettre du beurre puis du cœur
c’est fini le temps
où tu nous prenais pour des caves
serviteur
heille !
serviteur
c’est fini
fais pas semblant
tu m’as compris
maintenant
sors tes outils
nos outils
puis obéis

je le sais
je te parle durement
toi itou t’es un parent
ça doit t’arriver d’être découragé
de pleurer
regarde
je te tends la main
calmement
mais fermement
pour une fois
fais un homme de toi
envoie promener
ceux qui te commandent un rapport prémâché
tiens-toi debout
ça nous prend des alliés
audacieux
bien placés
honnêtes
pour décider
puis agir
en dehors de la boîte

Références :

  • HAECK, Philippe, « L’école des ponts jaunes », éditions de l’Hexagone, 2004, 144 p.
  • « Ça commence aujourd’hui », un film de Bertrand Tavernier, 1999.
  • DENAULT, Alain, « La médiocratie », Lux éditeur, 2015, 218 p.
  • Conférence de Michel Sasseville