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Société
17 mars 2018 12 h 11

Un monde d’inégalités

Un groupe de cent chercheurs en économie basés sur tous les continents (World Wealth and Income Database) s’est penché sur la question et a dévoilé les résultats de ses recherches dans un ouvrage intitulé Rapport sur les inégalités mondiales 2018.

On y dévoile entre autres que dans le monde, le centile supérieur de la population accapare 20 % de l’ensemble des revenus, tandis que la part des 50 % moins bien nantis « fluctue autour de 9 % ». Aux États-Unis, « la part des 1 % des plus gros détenteurs (de patrimoine) est passé de 22 % en 1980 à 39 % en 2014… ».

Lazare et les miettes

Oxfam International va dans le même sens dans son dernier rapport en soulignant que dans le monde, « si la société est globalement plus riche, elle est pourtant incapable d’offrir une vie meilleure au plus grand nombre. En 2017, précise-t-on, 82 % de la croissance a profité aux 1 % les plus riches alors que les 50 % les plus pauvres n’en ont récupéré que les miettes ». Cela ressemble à s’y méprendre à l’histoire de Lazare dans un des évangiles, qui ramassait les miettes tombant de la table du riche afin de ne pas mourir de faim.

Avec le très mauvais vaudeville qui se joue actuellement chez nos voisins du sud ou les plus riches viennent de se voir octroyer des baisses substantielles d’impôts et où c’est plus que jamais le « tout-à-l’armement » qui fait loi, on est en droit de penser qu’on ne va pas améliorer les choses.

Chez nous

Il n’y a pas que dans la sphère économique où nous voyons de telles inégalités; dans le domaine social également. Chez nous comme ailleurs, nous considérons les pauvres comme des acteurs marginaux de notre histoire, tout juste aptes à être utilisés comme de la main-d’œuvre à bon marché,  que nous pouvons jeter au gré des circonstances ou des aléas de l’économie. Les politiques relatives à l’aide sociale ou au salaire minimum en sont des exemples à peu de choses près.

Ici, au Québec, le ministre de la Santé a donné son nom ces dernières années, à ce qui est communément appelé  maintenant « l’effet Barrette », dont les largesses envers les médecins spécialistes leur avaient consenti des augmentations de 67%  de 2008 à 2014 (Radio-Canada, 3 avril 2014). Le gouvernement Couillard, dont fait partie M. Barrette,  vient de signer « une entente historique », aux dires du premier ministre, avec ces médecins, leur octroyant une augmentation d’un peu plus de 500 millions de dollars d’ici le 31 mars prochain, qui se traduit sur le plan individuel à 12 000 dollars annuellement selon les informations recueillies dans les médias. Cela, profitant du contexte des excédents budgétaires, nous dit le ministre responsable du Conseil du Trésor, Pierre Arcand.

Rien n’est trop beau pour les amis médecins. N’oublions pas qu’en 2016, selon l’Institut canadien d’information sur la santé, les médecins spécialistes du Québec ont gagné en moyenne 403 537 $. Même monsieur Claude Castonguay, ex-ministre libéral et père de l’assurance maladie au Québec a désavoué complètement, à l’émission 24/60 de la télévision de Radio-Canada,  le premier ministre Couillard dans ce dossier, par des propos très cinglants : « Je n’en reviens pas d’entendre le premier ministre dire des âneries pareilles. » (Radio-Canada, 19 février 2018)

Les 73 $ par mois

Cependant, cette manne récente dont faisait état le ministre Arcand, n’aura pas profité aux infirmières, aux  enseignants, aux préposés aux bénéficiaires qui réclament depuis longtemps des améliorations de leurs conditions de travail ainsi que salariales. Elle aura encore moins profité aux plus pauvres de notre société qui vivent dans des ressources intermédiaires d’hébergement. En effet, dans son Plan d’action pour lutter contre la pauvreté, le gouvernement québécois prévoit une augmentation de 73 $  par mois, pour cette année, au montant d’aide sociale des personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi. Cette mesure s’inscrit dans un plan plus large visant, selon le ministre François Blais, à « sortir plus de 100 000 personnes de la pauvreté ».  Bravo!

Mes amis(es) de l’Oasis,  une ressource intermédiaire d’hébergement en santé mentale, étaient très heureux de cette annonce faite par le ministre. Enfin, un peu de « lousse », ont dit certains, car le petit 215 $ par mois qui restait dans leurs poches, après paiement du loyer et de la nourriture, ne permettait pas bien des largesses, nous en convenons. Mais voici qu’ils viennent d’apprendre que cette augmentation ne leur sera pas attribuée : la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), qui fixe le coût des loyers dans ces ressources,  vient de décréter une augmentation mensuelle de 73 $ à partir de maintenant. Voilà l’augmentation envolée, comme par magie.

« DÉCISION INDIGNE » titre le journal Le Devoir en éditorial. Le ministre Blais, sentant la tension monter, les murmures d’indignation se propager, s’empresse de dire qu’il va tenter de faire quelque chose, mais non sans ajouter que « ces gens-là sont logés et nourris ». Comme si ces personnes n’avaient pas payé elles-mêmes leur loyer et leur nourriture, comme si l’aide sociale qu’elles reçoivent n’était pas un droit, au contraire  d’un simple privilège qu’on peut leur retirer comme bon nous semble. Dans cette attitude gouvernementale, nous retrouvons cette vieille mentalité méprisante, révoltante  envers les pauvres qui-peuvent-se-compter-chanceux-qu’on-leur-vienne-en-aide.

Pourtant, ce programme ne porte-t-il pas le nom de « Solidarité sociale »?

Revenant aux ressources intermédiaires d’hébergement, soulignons qu’il aura fallu, ces derniers mois, tout un battage médiatique à la grandeur du Québec dénonçant les conditions minables dans lesquelles la plupart de leurs responsables doivent opérer, soulignant la pauvreté des salaires des travailleuses et travailleurs s’apparentant au « cheap labour » et ce, à la suite d’une rupture des négociations de la part de leur Association, pour qu’enfin, ce gouvernement daigne avancer des offres à peine acceptables et finalement acceptées, même si rien ne garantit encore une amélioration des salaires des employées(és).

N’oublions pas que nous parlons ici de services essentiels à la population, services s’adressant aux personnes les plus vulnérables de notre société. Dans cette approche technocratique de la misère humaine, on fait comme si ce n’était pas le rôle premier de l’État de prendre soin de ces personnes. En continuant de privilégier ce modèle néo-libéral qui sévit à peu près partout dans le monde y compris chez nous, qui  traite les gens fragiles  comme des quantités négligeables (pensons à la question des bains dans les CHSLD) et les riches comme des rois ou des empereurs, nous continuons de reculer collectivement en laissant aux forces du marché le soin de régler nos problèmes d’inégalités et d’injustice sociale.

Ainsi, les risques sont grands  d’accumuler de grands déficits sociaux bien plus graves que les déficits budgétaires parce que beaucoup plus complexes à corriger. Malgré le fait qu’en ce domaine, le Québec fait moins piètre figure que la plus part des provinces canadiennes, c’est un danger auquel nous devons faire face collectivement. Encore faut-il le reconnaître.

Malheureusement, nos gouvernants et gouvernantes semblent plus préoccupés(es) par ce qu’ils (elles) appellent froidement « Les vrais Affaires », c’est-à-dire, la gestion de la croissance perpétuelle au profit toujours aussi scandaleux de quelques-uns.

Et nous, en citoyens « conscientisés », nous sommes sur le point, si les sondages sont fiables, d’élire un  gouvernement qui n’annonce rien de plus que le statu quo en ce domaine…

Allez comprendre…