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Culture
14 décembre 2015 11 h 24

UNE TENDRE HISTOIRE D’AMOUR ET D’AMITIÉ

David Lonergan

Blogueur culturel

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Emma est atteinte d’une maladie incurable et son médecin évalue qu’il lui reste environ une année à vivre. Comme elle a plus de 80 ans, elle refuse tout traitement d’autant plus que sa maladie ne l’empêche pas de faire ce qu’elle veut. Elle décide de reprendre contact avec la grande amie de sa jeunesse, Zoé qui vit toujours dans leur village natal à proximité de la mer. Tout comme Emma, Zoé est seule. Les deux femmes décident qu’elles vivront ensemble leurs derniers jours.

Et Emma quitte la grande ville pour un retour à ses origines en espérant trouver la sérénité avant de faire le grand passage.

Le roman raconte avec beaucoup de délicatesse les derniers quinze mois de la vie d’Emma, mais aussi de Zoé, s’ouvrant sur un printemps porteur de leur joie de se retrouver et de l’automne qui accueille leur mort. Chaque chapitre se développe autour d’une anecdote et d’une confidence d’Emma qui dévoile, petit à petit son passé. Ce roman est d’ailleurs plus celui d’Emma que de Zoé, mais il est vrai que la vie d’Emma a été plus aventureuse que celle de Zoé.

Zoé a fait un voyage, s’est marié, a eu un garçon, a enseigné et est devenue veuve. Le tout sans quitter bien longtemps son village. Un vie toute simple, placée à l’ombre du clocher de l’église et bercée par le flux de la marée. Dans la dernière partie du roman, on apprendra que derrière cette vie sans histoire se cachait un drame.

Jeune femme, Emma a connu l’amour. Mais il l’a quittée alors qu’elle était enceinte. On ne reste pas dans son village quand ce genre de malheur vous tombe dessus. On rejoint la discrète maison tenue par des religieuses dans une ville aussi éloignée que possible de votre lieu de vie. L’enfant, une fille, sera morte née. Zoé ne saura rien de cette grossesse. Le départ d’Emma a pour conséquence un éloignement affectif que le temps amplifiera, même si elles se revoient à l’occasion.

Emma fera une brillante carrière dont le lecteur ne saura pas grand-chose. Les confidences d’Emma portent surtout sur ses relations amoureuses avec les hommes. Amours toujours brèves, mais intenses et, si on se fie à ce qu’elle raconte, sexuellement satisfaisantes. Se succèderont dans autant de chapitres, l’homme avec des gardes du corps, celui de l’enterrement, l’artiste, celui de la grève qu’elle retrouve quelques années plus tard, l’étranger, le confrère et, dans une relation platonique mais fidèle, Jérôme, son voisin de palier et son unique appui jusqu’à ce qu’elle renoue avec Zoé. Chaque homme lui apporte une expérience qui, pour être plaisante, ne la convainc pas d’aller plus loin. Ce genre d’intrigue aurait pu se prêter à un roman érotique alors qu’il en est fort loin. Tanguay se contente d’écrire que la relation a eu lieu, qu’elle a été plaisante. Même les films pour tous sont plus explicites. Ce choix pourrait s’expliquer par le fait que ce n’est pas la sexualité qui est importante pour la romancière, mais la quête d’Emma.

Un second drame la mènera au bord de l’abîme. Alors qu’elle participe à une mission dans un pays qui pourrait être africain, elle développe une relation mère-fille avec Louna, une orpheline. Elle décide de l’adopter et fait toutes les démarches. Un jour, elle se promène en ville avec Louna. Un attentat. Emma est blessée, Louna disparaît. On ne la retrouvera pas. Pour Emma, c’est le second enfant qu’elle perd.

Chaque confidence la libère du poids du silence, de la culpabilité qu’elle ressent toujours à la suite de la perte de ses deux filles. Zoé devient le réceptacle de cette culpabilité qui s’amenuise au fur et à mesure qu’Emma s’en libère.

Je ne vous dévoilerai pas la fin du roman, tendre et touchante. Mais sachez que les deux vieilles amies auront réussi à faire la paix avec leurs vies avant de quitter ce monde pour un autre, car les deux sont croyantes.

Curieusement, Lise Tanguay a choisi de laisser une brume sur les lieux de son roman. Aucun n’est nommé. On sait qu’il y a une ville, que le village au bord de la mer est desservi par le train, que le pays de Louna est en guerre. C’est tout. Une exception : Zoé fait un voyage en Irlande et y rencontre celui qui deviendra son mari. Il y a d’ailleurs peu de description de lieux. Le texte se compose en grande partie des dialogues (souvent des monologues d’Emma) et du compte rendu des gestes et activités des deux femmes.

Le roman se lit aisément. Le caractère choisi est gros, les lignes bien aérées. Les phrases sont courtes, ce qui les rapproche de l’oralité. Une lecture agréable qui aurait pu donner naissance à une œuvre plus complexe si l’auteure avait décidé d’approfondir les thèmes et les problèmes abordés.

Lise Tanguay, Emma et Zoé. Dernières confidences, Éditions du Cornac, 2015, 258 pages.